Faustin ne se souvenait déjà plus comment il était arrivé ici. Roulé en boule contre le tronc d'un arbre sec, les yeux plissés, la fourrure couverte de neige lourde et pesante, il restait immobile, comme tentant de vaincre le froid du mieux qu'il le pouvait. Cela faisait plusieurs heures qu'il était là, a regarder la neige tomber, le vent souffler, et ses pauvres pattes geler silencieusement. A vrai dire, il s'était tenu comme pari du jour de tenir bon dans le froid de l'Hiver. Son pari avait largement été tenu, mais lorsqu'il avait voulu se relever, pour rentrer chez lui, ses pattes étaient restés inertes, et il était retombé. Elles étaient littéralement congelés, et en ne les sentant plus, il lui était impossible de marcher. Seulement, il n'était pas inquiet. Dame nature ne l'effrayait en rien, il savait que son heure n'était pas encore venu. Son instinct lui soufflait doucement a l'oreille qu'il n'avait pas encore accompli sa destinée. Genre, comme si il en avait eu une un jour.

Ah, si, maintenant qu'il y réfléchissait plus attentivement, il se souvenait le pourquoi du comment il était arrivé ici. C'était après avoir ramené Ratchet au Territoire Diamant, il avait fait demi-tour, en préférant passer par la Plaine aux Oiseaux que les Terres Diamants. L'alliance n'avait pas encore été conclue, et bien qu'il soit puissant, il n'était pas non plus suicidaire au point d'aller se jeter dans la gueule du loup. En voyant le Blizzard approcher, il avait accéléré l’allure, mais pas assez vite, apparemment. Eh oui, c’est que le mollasson n'était pas habitué a se dépêcher pour faire quelque chose. Et donc, il avait cherché refuge sous un arbre, avant de se rendre compte que l'arbre en question ne le protégerait pas de la Neige ; effectivement, ses branches s'étaient brisées, et il ne possédait plus une seule feuille. Beau boulot, mon gars, un peu plus et tu crèveras comme un crétin. Un flocon entra dans son oeil, et il secoua la tête énergiquement, comme pour le virer de son oeil ; malheureusement, il fondit avant, et de l'eau coula sur sa joue blanche, pour geler rapidement. Conclusion de cette escapade? Il était franchement mal-barré.

Le froid continuait a geler ses membres, et c'était désormais ses pattes avant qu'il ne sentait plus. Il commençait réellement a angoisser, oui. Au début, il s'était simplement dit que la Tempête finirait bien par passer, et qu'il pourrait a ce moment-là se réchauffer du mieux qu'il le pourrait, en essayant de souffler sur ses pattes, par exemple. Mais, cette foutue neige continuait de tomber en masse, et l'horizon ne laissait même pas entrevoir la silhouette d'un loup, ou la limite d'un quelconque territoire ou il aurait pu se réfugier. Décidément, Dame Nature avait une sérieuse Dent contre lui, ce n'était pas possible autrement. Las, il ferma les yeux, et les deux prunelles rouges sanglantes disparurent sous ses paupières lourdes de gel. Maintenant, plus personne ne risquait de le retrouver, enseveli sous ce tas de neige.

Malheureusement, ce fut certainement le nuage de vapeur qu'il exhalait de la bouche qui le trahit, car quelques minutes plus tard, une odeur lupine parvint a ses narines. Désintéressé, il ne se concentra pas dessus, songeant sans doute qu'elle finirait par s'éloigner. Seulement, elle se rapprocha de plus en plus, jusqu’à être incroyablement proche. La curiosité n'était pas le fort du Mâle, mais sur le moment, la perspective qu'un loup l'approche le força a rouvrir les yeux, pour les poser sur une louve brune, aux yeux d'un bleu marin clair. Il la regarda longuement, sans ciller une seule fois, avant de bougonner d'une voix rauque, frémissant sous le souffle du vent. Mon dieu qu'il devait paraître misérable aux yeux de cette Femelle, ainsi prostré contre son tronc d'arbre, a attendre de crever bêtement.

« Qu'est-ce que tu regardes comme ça, hein? Tu veux me bouffer, c’est ça? Reviens dans un quart d'heure, ça devrait suffire. »

Contrairement a ce qu'il pensait, la femelle resta là ou elle était, sans s'enfuir sous ses grommellements de vieux papy, et sans non plus se précipiter a son secours. Peut-être que celle-ci était différente des autres. Il souffla bruyamment pour exprimer son mécontentement, et reposa sa tête sur la neige au sol, frémissant une fois de plus sous le contact plus que froid du vent sur sa peau. La femelle prit alors la parole, et il l'écouta distraitement, incapable de se concentrer plus que ça, surtout dans l'état dans lequel il se trouvait actuellement. Sa plaisanterie lui arracha un demi-sourire vaguement dissimulé, et plus réactif, il releva a nouveau la tête, pour la fixer.

- Ahaha, très drôle, vraiment. En attendant, si tu pouvais effectivement bouger ton gros pototin pour venir me filer un coup de patte, tu serait charmante.


Il ponctua sa demande d'un sourire moqueur, désireux de voir sa prochaine réaction. Personne n'avait dit de lui qu'il était un Ange, loin de là. Cette femelle s'opposait a quelqu'un qu'elle aurait bientôt envie d'étrangler. C'était d'ailleurs ce que devait surement se dire tous les lupins qui le connaissait, lui et son caractère de merde. Il retint un rire amusé, et commença déjà a pousser la neige sur son corps. De toute façon, même les belles demoiselles n'avaient jamais attirée son attention, tant et si bien qu'un jour, un louveteau s'était permis de lui demander s'il n'était pas attiré par les Mâles. Il avait eu la honte de sa vie, ce jour-là, surtout que les Nourrices étaient présentes a ce moment-là.

Faustin continuait a souffler sur la neige qui le recouvrait, l'ôtant ainsi au fur et a mesure. La femelle s'approcha, mais cependant, alors qu'il croyait au coup de patte demandé, elle ne fit que rajouter un peu plus de neige sur son large dos déjà bien gelé. Avec un nouveau frissonnement, il la regarda s’éloigner pour reprendre sa place initiale, un sourire moqueur aux lèvres. Comme quoi, il n'était pas tombé sur la plus facile et soumise des Femelles.

- Sympa, je te remercie. A croire que tu n'as que ça a faire de ta journée, toi, hein. Eh bien, tant pis, je me débrouillerais tout seul, tu peux te barrer, maintenant.

Et, sans un regard pour elle, il tenta de se relever, pour retomber plutôt lourdement au sol, ses pattes froides et engourdies ne supportant plus son poids. Génial, le voilà coincé ici, fixer comme une bête de zoo par une femelle bizarre et vache. Quelle putain de journée, décidément.

HRP:

Il restait silencieux, les yeux tournés vers l'horizon au loin, n'osant pas regarder la femelle, qui devait certainement se rire de lui. Il était vulnérable comme un bébé chiot, et le pire dans cette histoire, c'est qu'il avait fallu qu'elle assiste a ça. Merde, hein. Il avait honte, il se sentait faible, sans aucune protection. Sa garde était tombée, et les quelques maigres forces qui lui restaient ne lui suffisaient même pas a se relever pour conserver un tant soit peu de dignité. Encore mieux qu'une VDM, cette aventure. Un bruit de pas l'avertit du changement de position de la femelle, et ce fut avec surprise qu'il la découvrit près de lui, analysant rapidement la situation. Il écouta attentivement ses paroles, sachant pertinemment qu'elle était désormais sa bouée de secours, et secoua négativement la tête, un arrière-goût de défaite au fond de la bouche.

- Nan, personne veut de moi dans le coin. T'imagine même pas l'horreur que c'est d'être un Opale, qui se fait passer pour bouffon. Putain, sérieux, j'aurais su avant, je me serais pris une assurance de dommages et intérêts auprès de Kant. Nan, je rigole, il me l'aurait même pas accordée, le petit saligaud.

Le pauvre mâle divaguait complètement, pris par la gravité de la situation. Eh bien oui, il était tout a fait apte a mourir là, comme un chien. M'enfin, il était au moins un poil reconnaissant envers la demoiselle qui se portait en ce moment-même a son secours, alors qu'il l'avait envoyée bouler dés le début.

Faustin la regarda se pencher vers sa croupe, et commença a gronder un peu. Ben oui, quand quelqu'un se penche vers vos fesses, z'allez pas non plus me dire que c'est pour leur passer le bonjour. Heureusement, elle ne fit que dégager la poudreuse autour de son arrière-train de ses pattes musclées, et elle lui demanda d'essayer de se lever. Ce qu'il fit aussitôt, mais sans succès. Dégoûté de ne pas arriver a bouger, il secoua sa grosse tête. Génial, c'était vraiment la fin. Alors...réfléchis donc a ton testament, vieux, ta vie vient de te passer sous le nez, là. La femelle tenta autre chose, et attrapa sa nuque de ses crocs, pour le pousser hors de la neige. Les dents serrées, il combattait la douleur de ses canines qui s'enfonçaient dans sa chair, et tenta également de se débattre pour sortir de la neige. Sans grand succès, malheureusement. Alors, sur un coup de tête, il décida de lui confier ses petits secrets.

- Laisse tomber, ça ne sert a rien. C'est foutu pour moi, ce coup-ci, chuis vraiment trop con. Bon, puisque t'es là, tu vas m'être utile ; j'aurais besoin que tu transmettes mes dernières volontés a ma Meute, hein. C'est la moindre des choses, quand même !

Il rit jaune, ignorant le regard douteux qu'elle lui lança. Elle devait le prendre pour un taré, mais il avait encore toute sa tête. Seulement, il comprenait bien que sa situation était merdique, et il avait l'impression d'être a l'article de la mort. VDM comme toujours.

- Alors, déjà, j'aurais besoin que tu dise a Kant que je n'ai été qu'un salaud, et que j'en suis désolé. Ce pauvre mioche a grandi sans ses parents, et encore, il faut que sa seule famille restante le fasse chier a mort. Faudrait vraiment lui dire qu'il est pas si nul que ça, et qu'il a juste a pousser un peu sur ses limites pour y arriver. Après, va voir Paradoxe, et dis-lui que c'est un bon petit, et que ce n'est pas de sa faute s'il est un poil plus allumé d'autres. Je l'aime bien, tu sais, il est vraiment sympa ce gamin. Si tu trouve les Assassins Opales, eh ben, dis-leur qu'ils ont été de supers élèves, que je les aime, mais que pour le prochain Chef Assassin, ils ont intérêt a venir a l'heure au Réunion ! Et puis, bon, il y a mon petit gars, celui des Diamants, si je me souviens bien. C'est un loupiot vraiment cool, et il me fait penser a moi quand j'étais gosse. J’espère qu'il sait que je l'aime bien...et puis, les autres, si j'en oublie, eh bien, c'est qu'ils étaient pas très importants, alors !

Il éclata a nouveau de rire, sentant cette fois-ci son poitrail geler au fur et a mesure du temps qui s'écoulait. Vraiment. Déjà? Si tôt...il jeta un coup d'oeil a la louve, ne sachant si elle ferait ce qu'il lui avait demandé.

- Et merci a toi, donc. C'est pas tous les jours que je croise quelqu'un qui veux m'aider, d'habitude, on me laisse dans ma merde. ...putain, mais qu'est-ce que je raconte comme conneries, là?

Il sourit paisiblement, avant que sa tête ne retombe lourdement au sol comme il perdait conscience. Le froid commençait a avoir raison de lui.

Spoiler:

Il n'entendait plus rien, ne sentait plus rien. Son corps si lourd s'était soudainement allégé, et il avait eu l'impression de flotter dans ce froid hivernal. Il se sentait bien, a vrai dire, il n'avait plus vraiment envie de se réveiller. Mais, alors qu'il songeait réellement a s'endormir pour ne plus jamais se réveiller, une chaleur inconnue commença a lui faire reprendre conscience de ses sens, et de ce qu'il était en train de faire. Cette chaleur ne lui était pas inconnue ; sur le coup, elle paraissait si chaude et si familière ! Comme poussé par le désir de connaitre l'identité de celui a qui appartenait cette chaleur si douce, il se réveilla. Il battit des paupières, devenues lourdes par le gel, et commença a "tousser" bruyamment, la gorge prise. Maintenant qu'il regardait autour de lui, il se rappelait : l'arbre, la tempête de neige, et...la femelle qui lui était venue en aide. Il tourna vivement la tête sur le coté, pour apercevoir une louve au pelage brun clair mélangé a différentes autres couleurs, allongée vers son flanc, tentant surement par là de le réchauffer du mieux qu'elle le pouvait. Il se sentit rien qu'un instant redevable a la femelle, et se releva en tremblant un peu, son pelage mouillé laissant transparaître les os et les muscles de sa chair, qui roulaient furieusement sous le froid. Il donna un coup de museau léger dans la tête de la louve, histoire de s'assurer qu'elle était réveillée et qu'elle avait compris son réveil.

- Allez, viens. Il faut se tirer d'ici en vitesse, maintenant. En plus, on a de la chance, ça s'est un peu calmé.

Il avait effectivement raison : les flocons tombaient avec moins de violence que quelques instants plus tôt. Il sourit faiblement, avant de commencer a courir dans la Plaine, et la neige, bondissant assez haut pour éviter de s'embourber dans la neige. Une fois arrivé a la sortie de cet Enfer glacé, il jeta un coup d'oeil derrière lui afin de s'assurer que la femelle l'avait bien suivie jusque-là.