Kenya

Une belle journée avait commencé, et j’étais partie aux aurores pour profiter de ce temps magnifique qui préconisait un printemps splendide. Enjouée et maligne, j’étais passée en douce entre les pattes des nourrices de la meute et j’avais laissé là mes frères et sœurs, pour filer plus discrètement de la tanière maternelle. J’étais grande maintenant, et j’étais plus curieuse que la plupart des louveteaux. Héritière de naissance, je n’en étais pas moins une petite louvette téméraire qui cherchait sans cesse à découvrir le monde et à en apprendre toujours plus.

Mes petites pattes ébène m’avaient guidé à travers les bois pour me mener dans un immense champ jaunit par les plantes qui y poussaient paisiblement au rythme du temps et de la température. J’avais toujours trouvé la nature intrigante et passionnante, mais je n’avais que rarement la possibilité de me promener seule pour découvrir toute la beauté sauvage du monde qui m’entourait. Les nourrices étaient toujours derrière nous, mes frères et sœurs ne pensaient qu’à jouer, mes parents nous en apprenait toujours plus sur les autres meutes et jamais assez sur notre environnement, et les autres adultes de la meute ne pensaient qu’à veiller sur nous. Je savais que nous devions être prudents, mais quand même ! J’aurais aimé qu’ils nous laissent plus de liberté pour nous laisser l’opportunité de faire nos propres découvertes et pour forger nos différents caractères.

C’est donc dans un esprit de vagabondage que j’avais filé à travers cette immensité lumineuse, cherchant à écouter le vent qui balançait les tiges de hautes plantes et faisait frémir ma fine peau de louveteau. Tous mes sens étaient aux aguets, j’avais plutôt intérêt à être prudente puisque de ma toute petite taille, j’étais loin de dominer celle des récoltes jaunes et vertes et que par conséquent, je ne verrais pas le danger arriver s’il se présentait. De plus, arrivée au milieu de cet immense champ, j’étais incapable de retrouver mon chemin. Mon sens de l’orientation étant des plus lamentables, il me semblait bien que je m’étais perdue.

Soit ! J’allais donc découvrir le monde sans savoir où j’allais ! C’était pour moi plus excitant qu’autre chose ! Heureuse comme jamais, j’avançais à l’aveugle au travers des hautes tiges vertes et reniflait chaque odeur nouvelle qui se présentait à ma truffe, enregistrant avec frénésie chaque nuance de toutes ces effluves inconnues jusqu’alors. Quelle joie, de pouvoir enfin vivre ma vie comme je l’entendais ! Je savais bien que maman et papa me gronderaient sévèrement lorsque je rentrerais. Parce que j’étais partie seule et que par conséquent, je m’étais mise en danger. Mais je voyais à cette future réprimande, une raison de plus pour profiter de cet instant qui serait bien éphémère, comparé à la punition que je prendrais en rentrant à la maison.

Soudainement, une odeur vint imposer le doute dans mon esprit. Elle était forte, ce qui m’indiquait que son propriétaire n’était pas un animal passé depuis longtemps. Et les sons qui parvinrent à mes petites oreilles me prouvaient que ce même animal, était toujours présent, tout près de moi.

J’avais beau être une petite louvette téméraire, je restais une petite louvette inoffensive. Et si quelqu’un souhaitait atteindre les Emeraudes par le mal, j’avais en cet instant le profil idéal de l’attaque. La peur me prit à la gorge et je scrutais partout autour de moi, ne sachant où donner de la tête. Pour la première fois de ma vie, je sentais la panique s’ancrer en moi. Qui était là ? Devais-je appeler pour prévenir de ma présence ? Ou fuir dans n’importe quel sens ? Quelles étaient mes chances ? Tétanisée, je restais assise au milieu du champ, attendant le moment fatidique où le danger serait au-dessus de moi, toutes dents dehors.

Alors que je gardais les yeux grands ouverts pour affronter mon destin avec dignité, une femelle aux effluves Emeraude se présenta à moi dans un silence apaisant. Ma respiration se relâcha et je soupirais de soulagement. Je n’allais pas mourir ! Brusquement remise de mes émotions, la curiosité s’empara de mon esprit et je me levais immédiatement pour renifler les pattes de la grande femelle Emeraude. Après avoir officiellement identifié la même odeur que ma famille, je m’asseyais face à elle et plongeais mon regard vert dans le sien, me demandant si elle était nourrice.

- Que fais-tu si loin, Kenya ? Le champ de maïs est éloigné de tous ! Il pourrait t'arriver quelque chose de mal, et Dieu sait comme tes parents tiennent à toi.

Désolée d’avoir désobéis aux nourrices, je baissais la tête pour regarder le sol. Je n’osais pas répondre, car elle avait raison, et je n’avais pas le droit de contester la parole de nos veilleurs. J’avais fait une erreur en venant ici seule, et j’en avais compris l’importance lorsque j’avais ressenti cette peur atroce à son arrivée. Sa voix diminua en gravité et elle m’invita à rentrer auprès d’elle. Je savais que j’avais fait une bêtise, mais je n’en mourrais pas moins d’envie de découvrir le monde. Me levant avec résignation, je m’apprêtais à la suivre en silence jusqu’à la tanière maternelle, mais je décidais finalement de tenter le tout pour le tout.

- Je ne suis plus seule maintenant ! Tu ne voudrais pas, m’apprendre des choses ? S'il te plait...

Kenya

L’air était doux, revigorant. Le printemps était enfin là, après une longue période de grands froids. Nous avions eu beaucoup de neige cet hiver, et même si j’étais encore jeune, je savais que cet hiver avait été parmi les plus rudes que notre monde avait connu. Je ne regrettais donc aucunement le retour des beaux jours, qui connait à mon pelage d’ébène une brillance exemplaire. Le soleil reflétait sur mes poils noirs ses beaux reflets dorés, et je sentais la chaleur plus que les autres loups. Je ne pouvais donc pas être plus heureuse qu’en cette nouvelle période de nouveautés. Le monde voyait fleurir les plus belles plantes existantes, et je me délectais de cette nouvelle leçon que Nora m’apprendrait aujourd’hui. Ainsi, j’allais découvrir à ses côtés, les plantes médicinales.

Lorsqu’elle accepta ma présence à ses côtés durant ses recherches, je me mis immédiatement à trépigner d’impatience. Si cela m’enchantait ? Pas qu’un peu ! J’étais une louvette des plus curieuses, toujours à la recherches de réponses et de nouvelles connaissances à engouffrer pour en savoir toujours plus sur ce qui m’entourait. Sans cette soif de connaissances, j’étais également une petite louvette romantique et l’idée d’en savoir plus sur les fleurs et les plantes de notre environnement me rendait rêveuse. J’aimais l’idée que les roses rouges étaient destinée à sa dulcinée, que les Black Magic était d’une beauté diabolique et que les blanches étaient la démonstration d’un amour pur et innocent, le premier amour d’une vie. J’aimais particulièrement le magnolia, qui était le symbole de la force et de la dignité. Je souhaitais lorsque je contemplais cette fleur, devenir elle. Elle était magnifique, et en fleurissant devenait plus splendide encore.

Bon, j’étais curieuse et toujours à l’écoute, mais pas trop quand même. Je restais une louvette de bientôt trois mois, et comme tous les louveteaux de mon âge, je ne désirais que jouer et bouger en permanence. Alors, pendant que Nora m’apprenait plein de choses sur les plantes, je me contentais de l’écouter d’une oreille distraite tout en trottinant de ci de là, pour renifler et toucher un peu tout ce qui se trouvait sur mon chemin.

Brusquement, sa voix me fit stopper net dans mon élan. Plaquant mes oreilles contre mon crâne aussi soudainement que ses paroles avaient retentit dans la forêt, je gardais la patte en l’air pour ne pas faire une erreur irréversible. Par chance, j’avais capté suffisamment vite pour ne pas poser ma patte sur la plante en question. Il s’agissait d’une petite tige verte avec quelques fleurs pourpres et violettes. En apparence elle était plutôt banale, mais ses petites fleurs me plaisaient bien, avec leurs couleurs assorties l’une à l’autre.

Alors que Nora commençait à me parler précisément de cette plantes, je partais en courant vers d’autres découvertes, trop curieuse pour rester en place plus de quelques secondes dans l’intention d’en savoir beaucoup sur une seule chose. Je voulais tout apprendre, en même temps. Evidemment, ce n’était pas possible. Mais comprenez, j’étais une louvette, j’avais encore tout le temps d’apprendre la patience.

Quelques pas plus loin, je m’arrêtais pour renifler une nouvelle petite fleur, blanche et plutôt unique en son genre. Ses pétales étaient d’un blanc pur, comme le pelage de ma sœur Orphéa, mais elle possédait de longues tiges au bout desquelles se trouvaient de petites boules jaunes. Quelle était cette plante ? Je ne l’avais jamais vue auparavant. Et la meilleure façon de savoir quelque chose que l’on ignore, c’est de demander à quelqu’un qui s’y connait. C’était le cas de Nora, et j’étais là pour apprendre.

- Nora, Nora ! Quelle est cette fleur ? Elle est si jolie ! A quoi sert-elle ? Peut-on la cueillir ? T’en sers-tu pour la médecine. Quelles sont ses propriétés ?

Bon, j’aurais peut-être pu attendre les réponses une par une avant de poser les suivantes. Mais c’est ça, d’être en compagnie d’une curieuse à l’état pur !