Le secret était d’être indiscret. Car voyez-vous, alors que les nourrices avaient, tels des faucons, les yeux rivés sur les individus « suspects », autrement dits les louveteaux qui cherchaient à se faire oublier, à se faire discret pour ensuite se faire la malle ; celles-ci n’avaient pas vraiment eu l’idée de se douter qu’en réalité, c’était la petite boule de poil beige qui sautillait en riant à gorge déployée qui était en train de leur filer sous le nez. Alaska s’était forgée une solide réputation de trublion infatigable et terriblement imaginative ; un esprit de poète, créatif, contemplatif et curieux. La loupiote s’extasiait sur des petits riens, la lueur dorée du soleil couchant sur la fourrure d’un semblable, la fraicheur de la rosée d’un matin printanier, le retour à la tanière après des heures de jeu et de rires. Aussi, ses gardiennes  étaient persuadées qu’un après-midi dédiée à l’amusement près de la tanière comblerait l’esprit enjoué de la petite améthyste. Comme elles s’étaient trompées ! Celle-ci espérait juste, ayant désormais distancé considérablement le camp améthyste, et comptant sur un accord intrinsèque fraternel, qu’aucun membre de sa fratrie n’aurait l’idée saugrenue de la dénoncer.  Pour une fois qu’elle se permettait une fantaisie de cette ampleur !  Alaska était contente, fière même, de son coup ! L’invisible, la subtile, la furtive ; elle s’imaginait autant de noms de guerre comme si cette escapade avait été une grande victoire qui méritait un baptême. Elle trottait de son pas léger, un large sourire étirant ses babines noires, les yeux brillants de joie et de malice.
Echapper à la surveillance de ces nourrices, gentilles au demeurant, mais tellement collantes, ouvrait désormais à la petite louve une belle après-midi de balade et de découverte. Certes elle était assurée de se faire passer un sacré savon lorsqu’elle reviendrait, mais cela valait le coup ! Elle en était certaine jusqu’aux tréfonds de son petit cœur enflammé par l’aventure. Aventure qui l’amena sur des terres qu’elle n’avait encore jamais vu ou imaginées. En passant la frontière des terres de sa famille, la petite n’avait pas même ressenti un pincement au cœur ou un léger doute. Elle fonçait dans le tas, traversant les territoires sans aucune hésitation et sans limite, comme un souffle de vent joueur. L’insouciance incarnée. Mais ce que la plupart des membres de son clan interprétaient comme de la niaiserie, voire de la bêtise, à l’état pur était en réalité tout autre chose. La vie serait toujours trop courte selon Alaska, alors pourquoi se soucier de tout ce qui fâchait, peinait, blessait ou tuait ? Le mal ne prenait que l’importance qu’on voulait bien  lui donner, donc pourquoi se morfondre ou pleurer ? Rire, chanter, jouer, aimer, vivre, voilà ce qui comptait vraiment. Et si quelques malheurs venaient à arriver à la loupiote ou à ses compagnons, qu’il en soit ainsi ! Le chagrin serait là, mais cela n’empêcherait pas le monde de tourner et d’autres joies viendraient. Il en était ainsi depuis la nuit des temps et rien ne ferait changer le cours du monde et du temps, alors autant en profiter un maximum !

Une odeur âcre vint soudain sauter à la truffe de la petite, qui fronça les sourcils interloquée et dérangée par cette pestilence soudaine.  Elle ignorait parfaitement où elle était, et n’était même pas sure de pouvoir rebrousser chemin correctement, étant donné que dans cette fin de journée ensoleillée flottait l’odeur humide d’une pluie chaude qui effacerait bientôt toute odeur qui aurait pu guider la petite jusque chez elle. Elle prit le chemin qui menait à la fragrance répugnante et entêtante, habitée par le désir d’en connaître la source. Ses pas l’amenèrent près d’un étrange lac dont l’eau était rougie par une quelconque boue argileuse. C’était tout de même un rouge bien spectaculaire pour de la gadoue ! Piquée dans sa curiosité, elle s’avança jusqu’en bordure du lac. Soudain, elle entendit les pas d’un autre lupin, mais elle était terriblement concentrée sur l’eau rougie qui touchait les griffes de ses pattes avant. Si le nouveau venu souhaitait lui adresser la parole il n’avait qu’à lui faire savoir ! Pour l’instant elle était occupée. Sa tête se penchait de plus en plus près de la surface carmin, complètement absorbée par la question : était-il prudent de gouter cette eau qui semblait avoir tourné depuis déjà plusieurs années ?

hrp:

Spoiler:

Sa petite truffe approchait de plus en plus de la surface du lac. Elle se sentait hypnotisée par cette eau à la couleur peu commune, et comme aspirée par elle, dans ses profondeurs couleur de sang et aux reflets de rubis. Lorsque celle-ci allait enfin toucher l’eau rougeâtre et nauséabonde, une ombre noire y glissa et apparut à la surface. Alaska laissa s’échapper de sa gorge un petit hoquet surpris puis posa son regard doré et curieux sur cette silhouette sombre comme la nuit, un pincement d’inquiétude dans son petit cœur. Elle recula d’un pas sur la berge boueuse, ses pattes s’enfonçant dans la terre gorgée d’eau. Etait-ce là un quelconque monstre des profondeurs qui cherchait à remonter vers la surface pour la happer et l’entrainer vers les entrailles du lac pour mieux l’y dévorer ? Un frisson glacé d’effroi parcouru son échine, faisant se dresser sa fourrure dorsale, en touffes légères et pâles. Heureusement, en observant mieux cette silhouette à peine troublée par le vent qui faisait onduler l’eau, la jeune améthyste se rendit compte qu’il s’agissait en réalité d’un autre louveteau, et ce, avec un grand soulagement. Elle ne serait donc pas mangée par un monstre aujourd’hui pensa-t-elle, riant de sa propre frousse. C’était un jeune mâle au pelage de nuit mais dont les yeux étaient vivement colorés de vert et de bleu. Continuant de fixer le reflet du louveteau, elle cherchait dans sa mémoire l’image de ce loupiot, mais rien n’y fit, c’était bel et bien un parfait inconnu. Lorsqu’elle entendit la voix du louveteau lui adresser un bonjour « maturisé », la loupiote se retourna lentement, presque machinalement, vers son interlocuteur, une expression neutre sur le visage.

-Euh…Bonjour lacha-t-elle, d’une voix aigue, sur un ton absent, fronçant légèrement ses sourcils.
Puis soudain, ce fut plus fort qu’elle.
Elle pinça ses babines mais cela ne suffit pas et elle pouffa, les yeux plein de malice.

-ou plutôt « bonjour » dit-elle en imitant la voix grave que lui avait servie le louveteau un peu plus tôt.
-Bônjour bônjour, comment allez vous ?rajouta-t-elle en riant à moitié, imitant toujours d’une voix exagérément grave le salut du petit tout en l’agrémentant de grimaces caricaturant des expressions hautaines et pédantes.


Elle ne savait pas si de quelconques vapeurs euphoriques s’échappaient du lac et la poussait à rire ainsi, mais elle fut prise d’un fou rire absolument inextinguible entrecoupé de nouvelles imitations. Elle riait si fort qu’elle ne tenait plus sur ses pattes claires, et finit par se rouler sur le dos tout en se bedonnant d’un rire cristallin. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas ri comme cela, et elle se sentait revivre. Ses frères étant déjà très murs, et ses sœurs plus sages ou moins extraverties, elle n’avait pas de réelle complicité avec les membres de sa fratrie. En fait, même si elle les aimait beaucoup, ses frères et sœurs ou même les autres loupiots de sa meute, très adultes pour leur âge ou encore trop torturés, ne la distrayait pas autant qu’elle l’aurait voulu. Alaska se demandait même parfois si ils avaient bien le même sang dans leurs veines tant elle se sentait différente d’Hélios ou encore de Jénova. Ils ne savaient pas prendre la vie avec légèreté, se régaler des petits riens qui agrémentaient le quotidien ou encore transformer une simple balade en une véritable expédition digne des plus grands explorateurs. Ils se compliquaient trop la vie ! Elle avait pourtant essayé durant un certain temps de se comporter un peu plus comme eux, car elle les admirait aussi pour cette sorte de maturité qu’elle ne pensait pas posséder, les trouvaient très « classe »…Mais elle n’y était pas parvenu. C’était trop éloigné de sa véritable nature. Jamais elle ne s’était sentie aussi mal que durant cette période d’essai. Par moment, elle avait même eu l’impression de gâcher un temps précieux, de laisser les joies de l’existence lui filer entre les pattes alors qu’elle se forçait à porter son attention sur des choses qui lui semblaient vides d’intérêt, alors que sa nature distraite voyait le monde tout entier, spectacle réjouissant et perpétuel, qui n’attendait qu’elle. Cette expérience l’avait conforté dans sa décision de rester fidèle à elle-même, et ce, quelles que soient les circonstances. Sa véritable nature avait donc rejaillit au grand jour comme un geyser devant ce pauvre louveteau, comme si cette humeur rieuse avait attendu la plus petite excuse pour enfin se voir libérée. La petite appréciait déjà beaucoup ce louveteau, qui l’amusait à ses dépens. Certes, ce n’était pas très élégant de sa part de lui rire au nez comme ça dès leur première rencontre, mais c’était plus fort qu’elle. Comme entrée en matière, on avait déjà vu mieux dans les relations sociales. Elle se rendit alors compte que son comportement pouvait mettre le louveteau au pelage aile-de-corbeau mal à l’aise et s’en sentit un peu honteuse. Reprenant ses esprits, elle se redressa tant bien que mal, quelque peu chancelante à cause de sa crise de rire, tentant de reprendre son souffle.

-Dé…désolée…lui dit-elle en hoquetant. Elle rit de nouveau un instant, posant sa patte sur l’épaule du louveteau noir en signe d’excuse puis, une fois calmée, reprit. Je m’appelle Alaska, améthyste. Et toi ?

Elle abaissa un peu ses oreilles, toujours en signe d’excuse, lui adressant un sourire timide, ses yeux le suppliant de bien vouloir la pardonner pétillants toujours de malice.

[Ne t'inquiète pas pour le retard, j'en ai moi aussi beaucoup ces temps-ci :/ ]

La petite loupiote n'hésita pas a se moquer de Llord qui, lui, essayait juste de l'impressionner. Elle avait copié sa voix et rigolait de lui, elle lui demanda comment allait-il, ce n'était pas très sympa, Llord ne souriait plus, il ne pleurait pas mais gardait un regard sérieux, finalement, c'était mieux de rester comme il était, un petit louveteau de 4 mois maintenant, bientôt, il n'aurait plus besoin de changer sa voix, il s'imaginait grand, fort et craint de ses ennemis.
Après avoir eu un énorme fou rire, la loupiote finit par se calmer, l'air un peu honteuse, Llord soufflait un coup, c'était enfin finit, il y avait quelques minutes, il aurait bien voulu repartir et la laisser dans sa folie mais c'état finalement terminé !
Elle s'excusa, bien sur, il la pardonnait car il avait eu un bon maître qui avait su lui apprendre de bonne base et éviter un très mauvais caractère. Elle s'appelait Alaska, c'était une Améthyste, ça, il l'avait deviné, ces loups là sentait a des kilomètres, et oui, c'était les ennemis des rubis, Llord n'avait pas trop suivit l'histoire mais il parait que les rubis avait tué leur dominante a cause d'un complot. M'enfin, ce n'était pas parce qu'elle était Améthyste, qu'elle était méchante et qu'il devait la tuer, ça, il n'en était pas capable. Il lui dit son nom en souriant, regardant la patte d'Alaska posé sur son épaule.

On m'a appelé Llord, je suppose que tu sais que je fais parti des rubis.