Une nouvelle terre à aborder. Encore de longues heures de marche, encore de longues heures à arpenter ces étendues infinies pour en connaître les moindres secrets. Voilà ce qu'était le but de ce jeune louveteau au pelage d’un noir d’ébène que l'on voyait depuis peu parcourir seul le territoire, grisé par l’aventure et l’intrépidité qui le menait et le faisait voyager à travers les terres libres. Que diraient ses parents s’ils le voyaient ici même, avec pour seule compagnie que le vent qui venait s’infiltrer dans ses poils noirs et venait les soulever d’une caresse nonchalante ? Hélios, car c’était ainsi qu’on le nommait, n’en avait pas la moindre idée et ne préférait pas le savoir. Il savait que le monde parallèle dans lequel il vivait traversait des temps lugubres mais il ne pouvait s’empêcher de vagabonder au gré de ses envies, quitte à l’en payer de sa vie. Etant Améthyste, une meute très peu aimée des autres, il risquait beaucoup, surtout en des territoires libres mais il s’en fichait éperdument, à un point inimaginable. L’aventure, la liberté, seul ça comptait pour lui. Et rien d’autre.
La lumière d'été baignait la forêt verte, et les intrépides rayons, traversant les ramures, baignaient les environs d'une clarté d'émeraude. C'était comme si un millier de pierres précieuses telles que l'émeraude rutilaient dans l'ombre des arbres. Et sur le sol couvert de mauvaises herbes se dessinaient de complexes motifs, insaisissables et abstraits. Au milieu de ces arbres trottait Hélios, un louveteau à la fourrure dense et aux poils d’ébène malgré le printemps qui arrivait à grands pas, accompagné d’une chaleur qui aurait tôt fait d’envahir les terres. Il était de petite taille, et ses poils l'accompagnaient dans ses mouvements souples et légers, et il avançait ainsi tandis que ses fines oreilles étaient à l'affût du moindre bruit.
Ainsi, Hélios, grand solitaire dans l'âme, courrait à travers la forêt sans but précis. En faisant cela, il se libérait de toute l'énergie qu'il n'avait pas dépensé durant ces derniers jours, et surtout pour goûter un peu à la liberté que cela lui procurait. Vif et élégant, il se mouvait parmi les arbres, courant avec aisance entre les troncs massifs de la forêt. Le sol dégagé lui permettait de conserver une bonne allure, et l'espacement des arbres vieux de plusieurs siècles sûrement, lui épargnaient de terribles détours. Hélios filait aussi vite que lui permettait son jeune âge, si vite, les yeux brillants d'excitation et le port de tête haut. Puis, progressivement, il se mit à ralentir. Baignée dans une sorte de lumière d'émeraude, la forêt était apaisante, calme et rien n'aurait pût troubler cette tranquillité ambiante. Observant le ciel que l'on pouvait deviner à travers les branchages, le jeune Améthyste observa l’astre dont il portait le nom. Et il en était fier. Aussi resplendissant que le soleil lui-même, il l’était.

Alors que le sentier marron baignait dans le soleil d'après midi, qu'une légère brise soufflait, faisant voleter la terre sèche et la poussière, et que l'air s'imprégnait d'une odeur d'épines de pins, alors que les oiseaux chantaient et que l'on entendait le babil du vent dans les arbres, Hélios semblait suivre le mouvement rythmique des plantes qui se balançaient de droite à gauche. Il semblait même se prendre dans leur valse endiablée, jouant avec le vent, s'écartant des bras que tendaient les arbres avec désespoir pour tenter de le happer. Il reculait toujours et se dérobait à leurs vaines tentatives, prenant appui sur le sol meuble. Hélios ne tarda pas à arriver dans une vaste ronde bordée d’arbres, étendant paresseusement les vagues de sa mer d’herbe verte et bien grasse, venant lécher les pieds des maîtres de la nature. Une mer de couleurs flamboyantes se dessinait, allant du vert d’émeraude à la couleur des mauvaises pousses ou des jeunes herbes. Les rayons de soleil, quant à eux, tombaient avec délicatesse sur le sol et leur jeu dessinait des tâches de lumière diverses, des ombres variées et des arabesques tordues. Lorsqu’il pénétra à l’intérieur de ce cercle de magie, on put remarquer que le louveteau noir n’était pas un de ceux qui passaient inaperçus. Grâce, beauté, finesse et force regroupés dans un même être. Son aura était envoûtante, elle irradiait de bonheur et de sérénité. Douceur et calme. Vivacité et jeunesse. Mais le corps du petit se raidit tout aussi soudainement que le nuage qui obstrua d’un coup le ciel d’azur. Se faufilant parmi les troncs d’arbre, il parvint à se cacher derrière l’un d’entre eux – il fallait avouer qu’il n’était pas bien large et grand non plus, du fait de son jeune âge. Il se tapit sur le sol, les oreilles légèrement penchées en avant, la gueule entr’ouverte, la langue pendante. Ses flancs se soulevaient au rythme de sa respiration qu’il tentait de faire plus lente et moins perceptible. A travers les arbres, il ne pouvait absolument rien discerner, les plantes vivaces lui cachant complètement la vue. Il avait adopté une posture qui incitait peu à se battre contre lui, de peur de se faire écraser net. Mais de toutes manières, Hélios n’avait pas l’intention de sauter sur l’inconnu, tel qu’il soit. Il le savait, et l’on n’avait pas besoin de lui rabâcher, il était bien trop jeune pour pouvoir s’attaquer à qui que ce soit, bien que l’intrépidité ne manque pas chez lui. En attendant, il resta à la même place, ne changeant pas de position. L’inconnu finirait-il par le trouver ?

« Excuse moi, je ne suis pas comme ça d’habitude. Je m’en excuse, mais ma mère est morte, et mon père est parti loin d’ici. Je suis énervée en ce moment car je suis si triste… L’on se moquera sûrement de moi de me voir verser tant de larmes. »

Ces paroles restèrent suspendues dans l'air tandis qu'Hélios ouvrait légèrement la bouche, surpris par sa réponse. La louve s'était mise à pleurer. Une larme se forma sur les bord de ses yeux, vacilla, et finit par rouler le long de ses joues, suivit d'une multitude d'autres, qui s'écrasèrent sur le sol sans ménagement. Le premier mot qui vint à l'esprit du louveteau noir était que cet être était d'une faiblesse démesurée. Lui aurait continué à vivre sa vie malgré tout, et aurait même bien été content de ne plus avoir ses parents sur le dos. Fais pas ci, fais pas ça, entendant-il à longueur de journée. Aussi, Hélios partait chaque jour s'aventurer sur les terres, poussant sa découverte du territoire un peu plus à chaque fois.
Ainsi, malgré les paroles de la jeunette qui s’était montré si brusque avec lui, au premier abord, il garda son sourire et son expression odieuse qui démontrait bien qu'il n'avait pas changé son opinion sur elle. Qu'elle ait perdu ses parents ou non, ce n'était pas une raison pour lui avoir parlé de la sorte et il gardait encore dans sa bouche la saveur âcre de ses paroles. Des paroles dures, violentes même qu'Hélios n'était pas prêt d'oublier et qu'il ne pardonnerait peut-être pas à la Rubis - ou du moins déduisit-il qu'elle faisait partie de cette meute, à son odeur caractéristique. Une odeur qu'il haïssait au plus haut point, étant la meute ennemie par excellence de la sienne. Aussi avait-il une bonne raison d'en vouloir à cette louve de pacotille, tel qu'il se prenait à l'appeler.

« Si tu crois me faire pitié en me disant ça, tu te trompes. J'en ai rien à faire de ta vie. T'avais qu'à réfléchir avant de me parler comme ça. »

Finit-il par lâcher d'un ton glacial, ses prunelles d'azur posées sur la louve. Et avant qu'elle n'ait pu répliquer, il glissa sa patte sous un monticule de terre et envoya valser le tout sur le pelage noir de son interlocutrice, qui lui ressemblait fort en apparence. Mais la similarité entre eux deux s'arrêtait là, du moins aux yeux du jeune Améthyste qui partit d'un rire railleur avant de reculer de quelques pas, se méfiant de sa réaction. Lui lancerait-elle des piques comme elle l'avait fait au début de leur rencontre ou se mettrait-elle à lui courir après ? Ou encore continuerait-elle à pleurer toutes les larmes de son corps sous le regard sarcastique du louveteau noir. Depuis sa naissance, Hélios avait toujours été d'un naturel arrogant et rebelle. Transgresser les lois, désobéir, tenir tête aux autres, c'était son passe-temps favori et rien ne le ferait changer, avec pour seule philosophie : « La vie est une aventure audacieuse ou elle n'est rien. » Ainsi, il osait tout, sans se soucier des conséquences que cela pourrait avoir. Selon lui, la vie méritait d'être vécue et il ne fallait pas résister à ses pulsions. S'évader, se libérer, voilà ce qu'il fallait faire. Aussi l'était-il avec cette Rubis dont il ne connaissait pas même le nom, moqueur et sans pitié envers elle, lui faisant clairement comprendre qu'aucune amitié ne serait possible entre eux deux, si telle était l'ambition de la jeunette qui fixait le sol, tête basse. Navrant, vraiment.
Hélios repartit d'un rire sans joie en voyant l'expression de la jeune louve et, pour remuer le couteau dans la plaie, lui balança de nouveau de la terre sur son pelage noir avant de détaler tel un lapin en direction des Pyramides. Libre à la Rubis de le suivre ou non, mais en tout cas, il n'avait pas besoin d'elle pour explorer le territoire qui s'offrait à lui et qu'il n’avait encore jamais eu l'occasion de fouler.

« Hélios ? Tu as un très beau nom, très original que j’adore. Hélios, j’aimerai vraiment que l’on fasse connaissance. Je n’ai pas été très sympa au début mais ne t’en fais pas, je ne serai donc pas comme ça avec toi. Je crois avoir remarqué avec les quelques mots que tu m’as dis, que nos deux caractères coïncide, et que j’aime ça, chez les autres. Et je pense que cela m’aide à me rapprocher de ceux qui me ressemblent. Hélios, acceptes-tu de devenir mon ami ? Nous qui pouvons faire de chouettes choses ensembles, nous amuser… »

La jeune louve  avait dit cela avait une telle franchise, une telle sincérité que cela déconcerta l'Améthyste qui resta bouche bée quelques instants avant de se reprendre et d'affecter son éternel air arrogant, découvrant ses crocs d'ivoire en retroussant ses babines dans un rictus farouche. Et puis, il se détourna comme il l'avait fait quelques instants plus tôt hors de la pyramide, ne daignant même pas lui répondre pour le moment, et s'avança un peu plus dans les profondeurs de la pyramide, dans cette noirceur totale qui le faisait frémir de tout son long. Avait-il peur ? Pas le moins du monde, mais il ne cessait de se demander ce qu'il pourrait découvrir dans cet endroit lugubre et peu avenant. Des araignées filaient dans les moindres recoins, effrayées par le bruit sourd que produisait l'Améthyste en marchant sur la dalle fraîche et dure, et retournaient se suspendre à leurs innombrables toiles qui peuplaient l'édifice de pierre. Le souffle court, s'attendant à trouver tout et n'importe quoi en ce lieu, Hélios continua de marcher à pas feutrés jusqu'à ce qu'il tombe devant une sorte de sarcophage, ou du moins devant un objet qui s'apparentait comme tel. Curieux comme il ne l'avait jamais été et désireux de voir ce que c'était au juste, Hélios glissa son museau sur la tombe égyptienne. Mais rien. Pas un mécanisme caché ni un indice qui aurait pu lui permettre de découvrir de quoi il s'agissait véritablement. Déçu, il tourna la tête vers la sortie là où devait être restée la dénommée Amber, tout en sachant au fond de lui qu'elle n'avait sûrement pas bougée.

« T'as rêvé ou quoi ? Jamais je ne deviendrai ami avec une Rubis, jamais. Et maintenant, arrête de m'faire chier sinon c'est ma patte dans ta gueule que tu vas te recevoir. »

Au moins, c'était clair, net et précis. Hélios n'avait pas pour habitude de faire croire aux gens des choses fausses. Au contraire, il préférait leur dire la vérité bien en face pour que plus aucun doute ne soit permis entre eux. Car si vous n'aviez pas compris, l'Améthyste était comme je vais vous le dépeindre maintenant. Il avait toujours été d'un naturel arrogant et rebelle. Transgresser les lois, désobéir, tenir tête aux autres, c'était son passe-temps favori et rien ne le ferait changer, avec pour seule philosophie : « La vie est une aventure audacieuse ou elle n'est rien. » Ainsi, il osait tout sans se soucier des répercussions que cela pourrait avoir, sans se soucier des conséquences. Selon lui, la vie méritait d'être vécue et il ne fallait pas résister à ses pulsions. S'évader, se libérer, profiter, voilà ce qu'il fallait faire. Ainsi, quand le louveteau n'était pas d'accord avec quelqu'un, il lui faisait comprendre de manière on ne peut plus directe, parfois peu agréablement. Incontrôlable et impulsif, il pouvait démarrer au quart de tour et se mettre en colère pour une broutille, auquel cas l'on avait du mal à le freiner. D'un humour noir et cynique, il aimait aussi se moquer de ses congénères ouvertement. Franc, il vous faisait tout de suite savoir s'il vous aimait ou pas. Cependant, le jeune Améthyste ne possédait pas qu'une multitude de défauts. Hélios était quelqu'un qui se voulait sociable et qui n'avait pas peur d'aller à l'encontre des autres, sans se soucier de s'il était apprécié ou non.  Il savait aussi se montrer intelligent, et c'était bien l'un des premiers traits de caractère qui ressortait chez lui. Il lui arrivait aussi de faire des erreurs mais il en gardait une très bonne leçon et ne s'y méprenait pas deux fois. C'était aussi un très bon stratège, alors qu'il n'était encore qu'un gamin, utile et futé, capable d'utiliser à bon escient son cerveau. Il avait aussi une très bonne mémoire, pratique pour se souvenir de tous les coups bons que l'on aurait pu lui faire, et ne pas les oublier de si tôt. Mais surtout, Hélios, c'était plutôt le genre de louveteau qui préférait le ruse à la force même s'il avait la grande chance de posséder les deux, choses qu'il avait hérité de ses parents.
Des parents, d'ailleurs, qu'il n'avait plus revu depuis quelques temps et c'était sûrement l'absence de ses paternels qui le poussait à mener ses explorations aussi loin. Des explorations qui lui prenaient parfois de nombreux jours, qu'il passait dans des abris de fortune, à la belle étoile. Chaque jour, c'était le même refrain : il regardait l'astre solaire darder sur les terres ses derniers rayons lumineux, et cette ligne de feu qu'était l'horizon et qui s'embrasait à chaque fois que sonnait l'heure du crépuscule. Chaque jour, il pensait à sa famille en regardant ce sublime spectacle qui ravissait ses prunelles d'azur, et chaque jour, il se demandait quand ils les reverraient enfin. De ses frères et sœurs, il n'avait plus de nouvelles aussi. Kurt, son aîné de quelques secondes, mais qui était notamment son fraternel le plus proche et le plus cher à ses yeux, où était-il passé ? Qu'était-il advenu de lui ? Hélios n'arrivait pas à croire que chaque membre de sa famille ait disparu en si peu de temps, il ne pouvait surtout pas se résoudre à l'accepter.