Le vide. Le gouffre. Les profondeurs abyssales. Et ce mal lancinant, de plus en plus provoquant. Acre, cinglant, réel. La douleur, la souffrance, ce n’est rien comparé à ce qu’il se dit. Il est mort. Mort, mort, mort. Il a toujours eu peur de vieillir, de mourir, comme ça, sans laisser aucune trace dans ce monde qui n’épargne personne. Et voilà, c’est fait. Il ne reverra plus jamais Beth, la perspective d’avoir un avenir, un futur heureux, une famille, des enfants. Envolée, comme de la poussière. Poussière d’étoile. Ca l’énerve, ça l’exaspère, il a envie de tout casser, tout envoyer balader. Mais il ne peut pas. Comment pourrait-il, alors que son âme à quitté définitivement son enveloppe charnelle, alors que son cœur ne bat plus la cadence, ce rythme effréné qui gouvernait jusqu’alors sa petit vie ? Impossible.

Il ne l’avait pas tout de suite vu venir. Il ne l’avait pas vu tout de suite, la mort. Elle était arrivée sans prévenir, comme ça, d’un coup. Paf, expulser de cette pourriture de monde. On lui avait sauté dessus avidement, crocs et griffes dehors, et on l’avait lacéré et rouer de coup jusqu’à la mort, sans raison apparente. Il n’avait pas pu identifier le coupable. Mais n’était-ce pas mieux, finalement ? Et puis il était arrivé ici, dans ce trou noir. Voila à quoi ressemble la mort, alors ? Décevant, aux yeux du jeune loup blanc, qui pensait souvent que la mort était la plus belle des aventures. Oui, parfois il y songeait. Comment allait-elle se passer ? Où allait-il atterrir ? Il voyait, comme dans ce qu’on lui racontait, avant, deux portes. Une mènerait à un pays habiter par les bons loups, et l’autre par les mauvais, les tyrans. Il ne sait toujours pas où il serait envoyé, une fois mort et enterré, mais une petite voix lui disait qu’il n’avait pas la carrure pour rejoindre la première porte, et les antécédents pour la deuxième. Il se sentait encore différent, comme toujours, comme à chaque fois. La différence était son quotidien, il l’a cherchait, presque. Etre la pierre noire parmi les galets blanc, se démarqué, c’était ça son trip. S’il avait rencontré son père, un jour, il aurait découvert qu’il tenait de lui, quand même, un peu.

Il cligna des yeux, et ramena son esprit dans son corps, prêt de la réalité. Il n’était pas mort, le labyrinthe lui jouait juste des tours. D’affreux tours. Il n’y était jamais allé, jusqu’à présent. Il n’avait jamais voulu, ou eu assez le courage pour mettre les pieds dans ce lieu si sordide. Il pensait qu’il le conduirait à sa perte, tout simplement. C’était vrai, en effet. Le labyrinthe pouvait faire ressurgir des moments terribles de son existence, et des cauchemars. Il avait beau se dire que l’avenir ne pouvait être conté, même par cet endroit, il avait beau se dire qu’il ne mourra pas comme cela, pas tout de suite, pas dans ces conditions. Que le labyrinthe aux souvenirs disait mensonge. Mais comment êtres sûr ? Welcome in the indecision, Intense. Il n’aimait pas être indécis, il n’aimait en aucun cas ne pas savoir. Parce qu’Intense était, et sera toujours un loup qui a besoin de se rassuré. Oui, tout va bien. Il a besoin de se l’entendre dire pour continuer. Sinon il bloque. Ça bloque. En cause son passé sombre, et seulement lui, cela il peut en être sûr. Reprenant ses esprits, il respira un grand coup, ce qui manquait cruellement de discrétion, et continua sa route, de son pas qui se voulait sûr, mais qui n’en était que chancelant.

- De moi, et moi seul je peux être sûr. Il se le répéta à voix haute, ce vocable incessant, alors qu’il prenait à gauche, et puis à droite. Il allait où bon lui semblait, il se laissait guider par lui-même, malgré le fait qu’il n’avait jamais eu le sens de l’orientation. Enfin, ce n’était pas comme si il voulait sortir de là vivant, hein. Pourquoi était-il venu ici ? Il n’en savait rien. Au début, cela devait être pour avoir une chance de se remémorer quelques bribes de son passé, mais le résultat avait été décevant. Un cauchemar, puis plus rien. Ce n’était peut-être pas le bon moment. Le moment pour se rappeler.

Il ne l’avait pas tout de suite remarqué. Peut-être était-ce à cause de ce vent, qui soufflait dans un sens contraire, et qui avait oublié de lui faire parvenir les odeurs. Elle était tellement discrète qu’il ne l'avait pas remarqué, avant. Il aurait dû, pourtant. Peut-être qu’il se ramollissait, qu’il devenait moins vigilant, avec le temps... Et il savait que ça pouvait être dangereux. Aujourd’hui, on ne laisse personne derrière soit, on ne tourne le dos à aucun autre loups, surtout dans un endroit tel que le labyrinthe aux souvenirs. Mais voilà, ça s’était passé. Maladroitement, gauchement, parce qu’il avait la tête ailleurs, et que malgré le soleil, il n’avait rien vu arrivé. Il aurait pu fuir, quand il remarqua enfin la présence de cette louve solitaire – Exactement quand elle lui adressa la parole, pour ainsi dire. – Il ne l’avait pas fait. Cela n’aurait servi à rien. Pourquoi aller se perdre dans ce sinistre lieu, alors qu’il en serait plus facile d’essayer d’en sortir à deux. Il aurait pu sourire, aussi, parce qu’elle lui promettait un peu de distraction, un brin de causette, peut-être. Dieu sait comme il détestait la solitude, et comme il refusait de rejoindre une meute. Cette jeune solitaire, au lieu de lui sauter à la gorge, pourrait sûrement étancher sa soif de parole. Mais il ne le fit pas non plus. Pourquoi faire un effort ? Il détestait faire des efforts, les rares fois qu’il en faisait était pour les personnes qu’il appréciait vraiment. Il n’appréciait ceci dit pas grand monde. Pas sincèrement, en tout cas. C’était comme cela, il sera toujours comme ça, Intense. Il a peur, peur d’aimer, d’apprécier, de devoir quitter. Peur des relations humaines, et de tout ce que ça implique. Il n’était même pas sûr de faire totalement confiance à la seule personne qu’il appréciait dans wolf temporal, dans ce monde pourri jusqu’à la moelle. Défaitiste et pessimiste ? Pas du tout.

- Crois-tu ce que tu dis ? Ou serait-ce juste pour te convaincre ? Il sursauta, et s’arrêta en plein récital. De moi, et moi seul je peux être sûr. Tu parles. Il n’en était même plus certain, de cela. S’il se perdait, comme il l’avait fait il y a quelques minutes de cela ? Alors il ne devrait même plus se faire confiance. Tournant un peu sa tête sur le côté, pour l’apercevoir – Il ne vit qu’une tâche grise, entouré de fourrure abondante, mais il fallait dire qu’il avait la vue un peu embrouillé. Et puis, pour ce qu’il en avait à faire. Il s’en fichait comme de l’an quarante, qu’elle soit noire ou blanche, petite, maigre ou gigantesque. Elle lui avait juste fait peur, c’est tout. Rien de plus, rien de moins. Juste cette maudite peur, qui lui nouait encore les entrailles. Tout le temps.- Il ne savait pas quoi répondre. Pourquoi répondre, de toute façon ? Pour prouvez au monde qu’il valait quelque chose ? Qu’il ne se laissait pas déstabiliser par des paroles qui l’aurait fait réfléchir jusqu’au couché du soleil, et bien plus encore ? Regardant droit devant lui, et reprenant un tournant à droite – Il était maintenant réellement perdu.-, le jeune loup médita un moment sur la réponse, et finit par dire d’un ton détaché.

- Je n’en sais rien. Je n’ai jamais su, enfaite. C’est mauvais, de se voiler la face, de se faire croire des choses qui n’existent pas. Mais bon sang, qu’est ce que c’est bon de ne plus se sentir au fond du trou. Alors je continue, et peu importe ce qui est vrai ou faux. Il grimace doucement. Pourquoi se confiait-il ? Il n’en avait aucune idée, et s’en fichait éperdument. Il fallait juste qu’il le dise, et puis, l’endroit semblait vouloir l’écouter, ou la louve, il n’en savait plus trop rien.

- Peu importe si c’est dans mes principes, ou non. Dans ces cas là, il faut mieux oublier qu’on en a.