Et puis le soleil se lève. Et les étoiles disparaissent, s’éteignant une à une.  Leur faible lueur surpassée par la boule de feu qui s’élève lentement à l’horizon, cette lumière puissante qui signe la mort du règne nocturne, les soufflants comme les minuscules veilleuses qu’elles sont. La Lune part se cacher, attendant que la nuit reprenne place, afin de nouveau se placer haut dans les cieux. Les rayons du soleil s’intensifiant, ils percent maintenant l’épais feuillage des arbres, se déposant avec douceur sur le camp encore endormi. Blablabla. Un lever de soleil, vous en avez déjà tous vu un non ? Alors je vais pas continuer mon beau discours pour rien. Imaginez un soleil qui me pète les yeux avec ses foutus rayons, traversant ma tanière de gré ou de force, les oiseaux qui chantent à tue-tête une cacophonie horrible, et vous avez le décor planté. Je donne un coup à droite, mon coude percute une masse poilue. Aïe, je crois que c’était mon collègue. L’entendant grommeler vivement, j’ouvre un œil et me tourne vers la droite. Je tombe sur deux yeux ambres qui me fusillent quasiment littéralement. Articulant de plates excuses, je bâille et me lève en vitesse, sortant avant qu’il ne m’attrape. J’entendis ses mâchoires claquer tout près de ma patte arrière, l’abruti m’aurait vraiment mordu. Grommelant à mon tour, je lui lance une pomme de pin, et il gueule de plus belle. Tâtant la poussière encore humide sous mes coussinets, je m’étire longuement, tirant sur chacun de mes muscles ankylosés. Le temps que ce gros lard bouge, je serai déjà loin. Et effectivement, le temps qu’il ait finit de grogner et de menacer, puis les cinq minutes qu’il a mit avant de sortir de sa démarche endormie du trou qu’on avait l’audace d’appeler tanière, j’étais déjà loin.
Gambadant gaiement, certainement pas de mauvaise humeur, j’observe tout les Saphirs qui commencent à s’activer autour de moi. Certains discutant, d’autre râlant – comme ce bon vieux Gardien qui pionçait avec moi – et puis encore ceux qui formaient les patrouilles, les nourrices qui se levaient pour calmer les lève-tôts. Le camp s’animait vite, passant d’un endroit silencieux et mort à un endroit plein de vie et bruyant à souhait. C’est à mon tour de me bouger. Chacun à une fonction, un job, comme j’appelle ça, et le mien c’est de me déplacer dans les différents territoires histoire de voir ce qu’il s’y passe. Je suis censée être au courant de tout ce qu’il se déroule sur Temporal, pour ne pas qu’on tombe des nues si jamais une guerre se déclare, ou bien qu’on ne mette pas les pieds dans le plat quand on rencontre d’autres Dominants. Vous savez, c’est toujours gênant de demander des nouvelles de quelqu’un pour apprendre qu’il est mort. Enfin, tous des trucs du genre. Personnellement, je ne suis pas une des Traqueuses des plus efficaces, bien que je ne sois pas médiocre non plus. C’est tout un art d’obtenir des infos sérieuses, de tirer les vers du nez à quelqu’un. Il faut savoir cuisiner le prévenu, le baratiner assez pour qu’il se sente en confiance, et orienter la conversation vers ce qu’on veut savoir tout en douceur. Un travail de longue haleine, et parfois même pas récompenser par un vrai scoop. Enfin. Généralement, j’écoute les rumeurs qui circulent puis j’essaye de remonter à leurs sources, ça porte souvent ses fruits de travailler comme ça. Et là où on peut facilement se renseigner, c’est aux terres libres. Vous devriez voir le nombre hallucinant de loups qui aiment s’y promener. A croire qu’ils n’ont rien de mieux à faire Bref, je savais où je devais aller.
Après avoir déjeuné d’un lièvre osseux, à la chair sèche et sans goût – j’aurais dû mieux fouiller dans la pile de gibier – je me mit en route d’une démarche légère. Je trottinais simplement parmi les arbres, sifflotant un air joyeux pour rythmer ma marche. Bientôt, je vis une drôle de forme se dessiner entre deux buissons. Quelque chose de sombre, qui paraissait solide. Intriguée, je me faufilai entre les branches épineuses, grimaçant quand l’une d’entre elle perçait ma fourrure de jais pour se planter dans ma peau. Et là, je vis ce truc. Cet immense édifice qui pointait vers le ciel, imposant, gigantesque. Écarquillant légèrement les yeux, levant les sourcils dans une moue dubitative, je me rappelai ce que c’était. Les Pyramides. Je les avais oubliées, tout simplement parce que je ne connaissais ce lieu que de nom, je n’y avait jamais mit les pieds. Eh bien, ce qu’on racontait était vrai. C’était impressionnant. Mon regard azur se promena un instant sur les marches qui menaient au sommet. Une tâche blanche avançait péniblement, se dirigeant sans doute vers le point culminant de la pyramide. Un loup. J’avais trouvé ce que je cherchais ! Bondissant une à une les marches, je me lançai à sa poursuite.

«  Hey toi ! Attends-moi s’il te plait ! »