Une silhouette, au loin, s’esquissait. A mesure qu’elle approchait, ses contours se faisaient de plus en plus nets, et l’on pouvait voir se dessiner une grande louve noire, marchant d’un pas lent sur une étendue de sable fin infinie. Bien que la chaleur étouffante qui régnait en ces lieux transperçât son corps grisé par la faim, la veuve noire continuait sa route sans défaillir. Il ne fallait pas être faible et méprisable, affaiblie par le temps qui passait si elle voulait subsister sur ces terres, où elle mettait bon nombre de ses congénères à terre. Tout ça, elle le devait à son terrible caractère qui faisait d’elle quelqu’un qu’on approchait mais qu’on ne quittait plus. Belle, elle l’était incontestablement et se servait de ce charme pour attirer les mâles à elle et en user comme des pantins. Les vagues ardentes avaient beau tendre leurs bras avec désespoir pour tenter de la happer, elle reculait toujours et se dérobait à leurs vaines tentatives, reprenant sa vive course alors que l’eau se retirait vers la mer d’où elle provenait, laissant le sable mouillé. Cersei, son pelage noir luisant au soleil, dansait avec la houle, entre terre et mer, vive et puissante. Le soleil posait avec délicatesse ses doux rayons qui mettaient en valeur sa couleur d’ébène et la rendait encore plus scintillante. L’errance de la belle l’avait conduite jusqu’ici, à la plage où régnait une chaleur encore supportable. Elle ressentait le besoin de venir se confier à la mer, à cette eau déchaînée qui avait déjà emporté bien des secrets inoubliables et gravés dans la mémoire de chacun. Le vent soufflait, balayant ainsi les poils de l’Améthyste à la fourrure sombre, aussi sombre que son caractère. Elle recula de quelques pas, ne laissant désormais à cet océan agité plus aucune chance de la laisser l’attraper, étant hors de portée.

Cependant, cet endroit était trop beau pour les yeux d’émeraude, pétillants de malice et de ruse de la louve. Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pas vu quelque chose de semblable. Elle abaissa ses paupières en y repensant, ses yeux à présent recouverts d’un voile noir, laissant la douleur engourdir tout son corps jusqu’au plus profond de son être. Elle était forte, cette douleur qu’elle ressentait. Mais, Cersei, vaillante, tentait de ne pas y prêter attention, serrant fermement la mâchoire ainsi que les crocs. Depuis ce qui s’était passé, depuis ce qui était arrivé, elle n’était plus, au fond, qu’un fantôme errant sur des territoires inconnus dont elle ne connaissait pas l’existence avant d’en fouler le sol. Elle ne se rappelait que trop bien comment elle était devenue quelqu’un d’aussi abject et mauvais, et c’était bien ce souvenir qui lui faisait aussi mal. Tout son corps se crispa tandis qu’elle laissait son esprit vagabonder dans une réalité qui n’était pas sienne. Elle repensa à lui, dont le nom lui était désormais imprononçable. Elle avait tant de fois, pourtant, essayé de faire en sorte que ce nom franchisse ses lèvres mais elle en était incapable. Ce nom qu’elle haïssait du plus profond de son âme et qui la faisait trembler de rage par une simple pensée. Elle grogna et poussa un hurlement au plus profond de la nuit, hurlement sauvage et violent, en proie au désir de vengeance le plus profond. Des images troubles, brouillées lui apparaissaient et ne faisait que rendre tout cela plus douloureux que ce ne l'était déjà. Cersei n'avait jamais oublié la mort de ses géniteurs et le sort que lui avait réservé le loup qui avait pris la place de son père, dans la meute. Ce fut une période de terreur durant laquelle elle ne broncha pas et elle subit les pires coups sans rechigner, sans oser prononcer un traître mort de peur d’y passer. Mais cette époque était désormais révolue et voilà qu’elle se retrouvait sur les terres de Wolf Temporal, au sein d’une autre meute qui l’avait accueillie. C’était sa nouvelle famille, à présent.
Le regard de la grande sombre était devenu vague, perdu, lointain. L'océan et les arbres, autour d’elle, s'agitaient avec la même fureur qui ravageait son propre corps. Ses narines largement évasées frémissaient sous le profond râle qu'elle produisait tandis qu'elle ne cessait de s'agiter, déchaînant la colère noire qui l'emportait. Sans crier garde, elle s'élança dans une course effrénée que rien ni personne n'aurait pu arrêter. Elle avait mal, tellement mal qu'elle le ressentait physiquement. Et elle ne faisait rien pour mettre fin à cette torture, à ce supplice. Dans une débauche d'énergie incontrôlable, Cersei pénétra dans l'eau à la même allure, soulevant des gerbes d'eau. Défiant les vagues, elle continua de courir jusqu'à ce que l'eau lui arrive aux épaules et la fasse revenir à la brusque réalité qu'elle avait quittée durant quelques instants. Mais l'eau était glacée. Elle ne semblait pas s'en rendre compte. Elle écoutait les battements précipités de son cœur dans sa poitrine, que l'on aurait dit prêt à exploser. Ainsi, elle resta immobile, ballotée par les flots agités, incapable de penser, incapable de réfléchir. Un froid intense s'était installé en elle et la glaça jusqu’à la moelle. Une vague bien plus haute que les autres s’élevait au-dessus d’elle et s’apprêtait à lui fondre dessus.

Il fait jour. Un grognement, des mâchoires qui claquent, la pluie qui ne cesse de tomber. Le sang qui coule, un corps qui est étendu sur le sol humide. C'est le premier combat auquel il a insisté. Un combat qui le fit frissonner de tout ses membres, un combat qui reste gravé dans sa mémoire. Son mentor, Roxas. Comment oublier ce brave loup. Durant ma tendre enfance, ce fut le seul en qui il a eu confiance. Le seul qui l'a réellement compris. Il a partagé tout ses petits secrets jusqu'à avouer son envie de vengeance, de voir son frère périr entre ses crocs. C'est dans le sang et la violence qu'il a été élevé. Il ne s'est jamais plains. Il n'a jamais rechigné. C'est tout ce qu'il voulait, c'est tout ce qu'il lui fallait. Une enfance des plus durs pour certains, pour lui, cette enfance ... est la meilleur qu'il n'a jamais connu. Ses parents ... Il ne les connait pas. Il ne veut pas les connaitre. Pour eux, il est faible ... Que diraient-ils aujourd'hui ? Auraient-ils la même vision sur leur "fils" ? Peut-être pas ... Il s'en fiche pas mal à vrai dire. Tout ce qui compte pour lui, c'est sa petite personne ainsi que son but.

Il sort de l'ombre. Aujourd'hui, il doit se rendre dans les terres libres. Une fois de plus, il quitte "ses terres natales". Il marche sans se poser de question, sans se soucier des autres. Rares sont les loups qui osent venir lui adresser la parole. La plupart le fuient comme la peste, comme si il s'agissait d'un vieux loup malade aux idées folles. Le ciel ... Il est bleu sans nuage. Il pose son regard sur l'horizon comme pour y voir quelque chose de bien spécifique. Rien. Il fait calme. Trop calme pour lui. Le temps passe et il a vraiment l'impression qu'il voyage depuis des jours. Ce qui n'est pas vraiment le cas. Il arrive à destination quelque heures plus tard. La Roche Aquatique ... La mer semble déchainer comme un troupeau de buffles prêt à charger. Au loin, il aperçoit une fine silhouette. Le simple fait de savoir qu'il risque de croiser quelqu'un le fait grogner. Il descend lentement de son perchoir pour poser la patte sur ce qui semble être du sable. Son regard est toujours fixé sur l'individu. Il la voit foncé dans l'eau comme un cheval enragé. Il voit l'immense vague se dresser devant cette pauvre âme innocente ... Que va-t-il se passer ? Il pousse un puissant hurlement comme pour l'avertir de sa présence. Il aura de quoi se nourrir. Il sourit, un sourire mauvais, carnassier qui ne présage rien de bon.

« La chasse est ouverte ... »

Cersei ferma les yeux. La mâchoire contractée, frémissante, elle serra les crocs avec une vigueur époustouflante. Une vague bien plus puissante que les autres vint alors s'abattre sur elle et engloutit son corps sombre dans les eaux déchaînées de l'océan. Emportée malgré elle, elle se déchaîna furieusement, se battant pour remonter à la surface, luttant contre le courant qui l'emmenait plus loin. La peur aurait pu engourdir son corps tout entier mais elle n'avait même pas eu le temps d'éprouver ne serait-ce qu'une once de crainte tant les évènements s'étaient déroulés rapidement. Ainsi, le tumulte des vagues déchaînées et impétueuses résonnaient à présent à ses oreilles comme le son du glas. Sa fin était proche, elle le sentait mais elle était bien décidée à ne pas se laisser couler comme une vieille chaloupe à la mer, impuissante et désespérée. Autour d'elle, tout n'était que hurlements déchirants du vent, fureur et destruction. Le vent soufflait sans discontinuer, provoquant des vagues encore plus hautes et plus puissantes qui venaient s'abattre sans aucun scrupule sur la louve sombre qui tentait par tous les moyens de se sortir de cette mauvaise passe. Le courant contraire l’entraînait loin de la plage, l’attirant irrésistiblement au beau milieu de l’océan là où elle n’aurait plus aucune chance de survivre. Je ne vous le cache pas, Cersei avait fini par ressentir une panique incontrôlable, comme tous ceux qui auraient été dans la même situation qu'elle, je suppose. Ne sachant que faire, elle poussa un ultime et puissant hurlement avant de sombrer sous l’eau, poussée par une autre vague. De l’eau salée s’engouffra alors dans sa bouche ouverte, la faisant suffoquer. Le goût et l’odeur iodée de cette dernière lui brulèrent les bronches et elle se débattit comme un diable pour remonter à la surface. Mais c’était en vain. Qu’est-ce qu’une louve, forte soit-elle, comme elle, pouvait faire contre un océan qui avait décidé de l’engloutir dans ses profondeurs obscures ?
Secouée dans tous les sens par les vagues qui ne lui offraient aucun répit et qui auraient tôt fait de la faire succomber d’épuisement, Cersei heurta violemment un rocher et étouffa un cri de douleur. Elle sentit une profonde entaille s’ouvrir sur son membre touché et elle y jeta un simple regard pour voir une tâche sombre se former sous l’eau agitée. A présent, elle n’avait sûrement aucun moyen de s’en sortir à part si un miracle, ce dont elle ne croyait guère, arrivait. Sa tête oscilla dangereusement, comme si elle s’apprêtait à perdre connaissance, mais elle tint bon. Ressurgissant un instant, disparaissant à d’autres, la louve noire tentait de se maintenir en vie le plus longtemps possible, poussant des hurlements déchirants qui ne parvenaient sûrement pas à la berge tant elle semblait éloignée. Peu à peu, l’espoir l’abandonnait et elle se sentait condamnée à une fin terrible, dont il était peu probable qu’elle échappe.

Ses forces finirent par l'abandonner. Elle sombra pour de bon, un voile noir recouvrant peu à peu ses yeux écarquillés par la peur qui la tenaillait. Puis il n’y eut plus rien. Elle ne ressentait absolument rien, c’était comme si elle était dans un état second qui l’empêchait de ressentir mais qui ne l’empêchait pas, du moins, de penser. Et la seule personne à qui elle pensait, en cet instant crucial où elle était engloutie par les flots impitoyables et cruels, n’était autre que Icare. Un loup d'une meute ennemie qui avait pourtant été son amant. C'était le seul qui avait réussir à lui faire ressentir des émotions contradictoires tel que l'amour, la haine, le désir et la colère. Mais elle ne l'avait plus revu depuis un long moment, et on le racontait mort. Ce qu'elle ne pouvait se résoudre à croire mais qui, à chaque instant qui passait, s'affirmait avec plus de conviction. Désormais, elle ne pourrait plus rien ressentir de semblable. C’en était fini de l’amour, ce sentiment qui n’était destiné qu’aux faibles, selon elle. Elle se l’était juré et était bien décidée à respecter sa promesse : jamais elle ne retomberait amoureuse d'un loup. Jamais, jamais, jamais. La souffrance qu’elle avait ressentie quelques années plus tôt quand son rêve éphémère s’était envolé n’avait rien de comparable. C’était incontestablement plus douloureux que la multitude de blessures dont elle avait bénéficié en toute une vie.

Il voit cette vague s'abattre sur la louve. Tant elle est puissante, elle fut engloutis sous les flots. Il grimpe sur un rocher, se redresse de toute sa hauteur pour regarder si elle s'en est sortie. Il fixe les eaux, cette mer déchainée que rien ne peut dompter. Il la revoit remonter, se débattre pour regagner la plage. C'est impossible. C'est un combat perdu d'avance. Pourquoi se bat-elle ? Qu'elle se laisse mourir ! Il a faim. C'est son estomac qui parle. Il s'assied sur la pierre, son regard toujours rivé sur cet être qui se débat sans abandonner. Oh, il peut l'aider ... Non. Il n'est pas encore assez fou pour risquer sa vie pour quelqu'un. Et pourtant ... Elle est pleine d'espoir cette petite créature, elle hurle comme si quelque chose allait venir à son secours. Elle rêve. C'est beau de rêver ... Surtout dans des moments comme celui-ci. Il esquisse un sourire quand il voit le corps de la victime disparaitre sous le poids des vagues qui tombent sans cesse sur elle. C'est amusant comme spectacle. Tout aussi amusant que quand il joue avec son diner. Et là, le choc. Il la vit heurté un rocher de pleins fouet. Pauvre petite. Quelle fin atroce. Il verserait presque une larme. Il tourne la tête, pense, réfléchis. Cette femelle mérite tout de même d'être sauvée ... Oui ? Non ? Il descend de "son trône" pour se rapprocher de cette fameuse mer. Mouillé sa belle fourrure ... Il grogne.

Il s'avance. Il sent l'eau glacé. Est-ce une bonne idée ? Ne risque t-il pas le même sort qu'elle ? Il s'arrête. Le temps est compté. Il le sait. Mais ... la mer semble se calmer, s'adoucir. Tant pis. Il tente le tout pour le tout. Il se jette à l'eau. Il nage du mieux qu'il peut jusqu'à l'endroit où il a vu la louve pour la dernière fois. Il prend une bonne inspiration, plonge pour remonter la louve. Ce n'est pas simple. Il manque de s'étouffer. Heureusement, leurs museaux sont sortis à temps. Il la met sur son dos du mieux qu'il peut. Ses muscles lui font mal. Il n'a pas vraiment l'habite de faire ça, surtout pour quelqu'un d'autre que lui. Il prend la direction de la berge. Lui, un sauveur ... Qui l'aurait cru ? Il finit par regagner la plage. Il fait un dernier effort pour conduire la louve dans un lieu sec, puis, s'écroule sur le sol, vidé de toutes forces. Il ferme les yeux. Sauveur ... Ce mot ne lui correspond vraiment pas. Il espère tirer quelque chose d'intéressant de cet acte héroïque. On n'a rien sans rien ...

Quand il pense avoir assez de force, il se redresse, grognement sous la douleur de ces muscles fatigués. Il s'approche de la noyée. Il l'observe en silence. Son pelage est plus ou moins similaire au sien. Il baisse sa tête pour être à la hauteur de la sienne. Il donne des coups de museau pour tenter de la sortir de sa torpeur. Il fait ensuite le tour. Il voit l'arrière de a tête qui saigne du au coup qu'elle a reçu tout à l'heure. Il se penche de nouveau pour donner des coups de langue sur la plaie. Le goût de l'eau salé le fait grimacer. C'est dégoutant. Il refait ensuite le tour de cette dernière pour s'assoir devant elle. Il attend qu'elle ouvre les yeux d'elle-même. Il ne peut rien faire de plus pour l'instant.

Et puis, ce fut sûrement la délivrance. Quelque chose l’agrippa alors soudainement. Quelque chose qui lui fit reprendre conscience, même si elle était faible et qu’elle pouvait sombrer de nouveau d’un instant à l’autre. Sa tête immergea alors de l’eau et, instinctivement, elle aspira de nombreuses goulées d’air frais, son cœur reprenant son rythme cardiaque habituel. Ainsi donc, Cersei n’allait pas mourir. Cette pensée devait-elle la réjouir ou au contraire, l’anéantir ? Elle venait d’être sauvée par quelqu’un mais elle ne lui en était aucunement reconnaissant. Il aurait du la laisser périr comme tant d’autres, son corps reposant sur le sable dans les profondes abysses de la mer. Tout était confus dans sa tête et elle se laissa porter par son sauveur, les yeux légèrement entrouverts. La plage se rapprochait nettement à mesure que le temps passait et elle se demandait comment l’inconnu avait la force de la supporter. Trop faible pour l’aider, pour se faire plus légère, elle se laissa balloter comme un vulgaire déchet auquel on n’accorde pas la moindre importance. Les vagues ne se calmèrent pas pour autant. Elles continuaient de claquer comme des fouets sur la louve et l’inconnu, qui s’efforçait de supporter l'Améthyste, bien que ce ne soit pas une tâche aisée. Cersei serra les dents, ses membres pendant lamentablement le long des flancs du loup, tandis que sa tête était maintenue hors de l’eau, submergée parfois par une ou deux imprudentes vagues. Puis, comme si on leur avait demandé, le tumulte cessa, peu à peu, apaisé. Les vagues retrouvèrent leur cadence habituelle, s’avançant pour lécher le sable fin et repartant en arrière, comme entraînées par une force invisible. L’inconnu et la louve arrivèrent alors sur la terre ferme, tandis qu’une vague chaleur enveloppait la grande sombre, les rayons lumineux du soleil venant se poser sur sa fourrure noire et luisante, où ruisselaient de nombreuses gouttes d’eau. Cersei tomba ensuite lourdement sur le sable brûlant, soulevant un nuage de sable, trempée jusqu’aux os et se remettant tout juste du choc que venait de lui causer sa presque-noyade. Sortant de son état de léthargie profonde, lentement, très lentement, les yeux clos, elle sentit une langue râpeuse passer sur ses blessures. Elle resta là, haletante, exténuée, tout se brouillant dans sa tête. La louve noire était incapable de bouger la moindre partie de son corps tant elle se sentait engourdie ; elle avait l’impression qu’elle resterait couchée sur la plage, sous cette chaleur accablante, jusqu’à la fin de sa vie. Pendant ce temps, sa cuisante entaille ne cessait de déverser un flot de sang qui tachait le sable fin d’une marque sombre, sanglante, vestige de sa blessure qui lui laisserait sûrement une cicatrice.

« Laissez-moi… »

Grogna t-elle faiblement, dans un murmure à peine audible. Elle devait la vie à son sauveur, mais elle était bien trop fière pour l’admettre et ne s’en rendait sûrement pas encore compte. Ainsi, elle tenta de garder les yeux ouverts même si ses paupières ne demandaient qu’à se refermer pour de bon, serrant les dents en sentant la cuisante douleur que lui causait sa profonde entaille à la jambe. Sous le coup, elle l’avait presque oubliée mais non, elle était toujours là. Un liquide sombre coulait le long de son membre. Les reflets fugaces de la souffrance se lisaient clairement dans le regard éteint de la grande louve. Elle avait l’impression de sortir d’un mauvais cauchemar, que tout ce qui s’était passé n’était qu’un rêve tourmenté, une fadaise, une ineptie que son subconscient avait inventé. Mais non, tout l’épisode, qui aurait pu, soi-disant passant causer sa perte tragique, s’était bel et bien déroulé et le loup qui se trouvait face à elle n’était autre que celui qui l’avait délivrée des flots impétueux. Et alors qu’elle était encore hébétée, elle fit claquer ses dents pour faire reculer le loup, qui passait sans ménagement sa langue sur ses plaies. Son visage, autrefois, avait eu une certaine beauté, une beauté qui subsistait encore, malgré tout, mais qui était moins intense que dans ses années antérieures. Les mèches noires de la grande sombre tombèrent devant ses yeux tandis qu’elle relevait lentement les yeux, les plissant légèrement pour essayer de discerner un tant soit peu la forme qui se trouvait à ses côtés. Son regard s’était fait cruel et sans pitié, reflétant, après tout, ce qu’elle était, tout simplement. Une louve sans cœur, impitoyable et cruelle. Rejetant la tête pour dégager sa vue, son regard se reposa, aussi froid que d’habitude, sur le loup noir qui se trouvait debout, devant elle.

« Qui êtes-vous ? »