Le lac aux reflets. J'en avais entendu parlé dans la meute, et comme ce lac était sur les terres des Diamants, j'avais accouru pour constater moi-même ce qui, semblait-il, s'y passait.
Alors que j'arrivais en trottinant doucement, les oreilles dressées mais la queue entre les pattes, je constatais avec plaisir que personne d'autre ne s'y trouvait. J'avais trop peur pour arriver là et m'avancer en présence d'un autre loup, même de ma meute.
Lentement, je sortais de l'abri réconfortant des arbres pour m'approcher du bord de l'eau. J'avais peur de ce que j'y verrais, aussi mon allure montrait bien que je n'était ni confiant, ni rassuré. Qu'allait-il se passer? Quelle serait ma réaction si je voyais... Quelque chose?
Finalement, trop peureux, je mettais ma patte gauche devant mes yeux et n'écartais qu'un doigt juste pour savoir où j'allais. Arrivé dur la berge, je baissais ma tête mais cachais mon regard dans la sécurité de ma petite patte de louveteau.
De longues minutes s'écoulèrent avant que je n'ose ne serait-ce qu'imaginer retirer ma patte de mon visage. Allez Ratchet prends ton courage à deux pattes. Montre à maman Kimi de quoi tu es capable!
Alors, pensant fort au réconfort que me procurait le pelage de ma mère adoptive, je permettait doucement à mes yeux, d'apercevoir la surface de l'eau.
Mon regard fut immédiatement attiré vers... Moi. Oui, il n'y avait que moi sur cette étendue fluide et plate. Mais mes pensées divaguant toujours auprès de maman Kimi pour me rassurer, je vis bientôt apparaître le visage de la louve Diamant. Son sourire, sa douce voix, son regard chaud et plein d'amour. Tous les détails étaient d'une précision magnifique. Je mourrais d'envie de me plonger sans concessions dans son poitrail chaud et protecteur.
Obnubilé par sa présence, je ne me rendis pas compte que je me penchais dangereusement vers le vide abyssal du lac porteur de souvenirs.
En moins d'une seconde, mon poids plume provoquait une légère éclaboussure sur le rivage et mon corps, minuscule, s'enfonça dans les profondeurs. A l'instant où j'avais fleuré la surface de l'eau, le reflet de ma mère adoptive avait disparut instantanément et la peur s'était insinué en moi comme un parasite définitif, furtif.
Pris de panique, je battais furieusement des pattes en claquant des mâchoires désespérément pour me sortir de ce cauchemars sans nom. Impossible. Pire que la panique, plus dangereuse encore, la terreur s’infiltra dans mon cerveau et me donna l'ordre de me stopper net. Un combat mental se débuta alors, mon cerveau m'ordonnant de me remuer de toutes mes forces pour survivre, et la terreur me tétanisant littéralement.
Finalement, la dernière prit le dessus et je cessais tous mouvements, résigné à mourir.
Après tout, qu'avais-je à faire ici? Je n'avais peut-être pas encore de raison de vivre. Peut-être étais-je venu à la vie trop tôt. Ce ne pouvait pas être pour rien, que j'avais été abandonné une fois à la naissance, puis le jour de mes six mois. Et ce ne pouvait être pour rien, que je me sois retrouvé ici tout seul, dans l'eau, après avoir vu une dernière fois le visage de la seule louve que j'aimais. Ma maman. Ma véritable maman. Probablement, mon heure était-elle venue. Et je devais l'accepter.
Mes yeux refusaient de se fermer, brûlés par le contact de l'eau. Mes pattes ne bougeaient plus, mais je sentais encore les remous que ma chute avait provoquée, sur la surface de l'eau. Aucun courant. Seulement la coulée de mon corps, qui s'enfonçait lentement dans les abysses de la mort.

Grey appréciait particulièrement un lieu dans le vaste territoire de sa nouvelle famille c'était ce lac, il n'avait jamais songé à regarder dedans, pour lui ces supersticions ne necessitaient pas son attention. Il avait repéré une branche massive d'un sapin qui, sous le poids de la neige, formait un petit abris et dont les aiguilles formaient un matelat plutôt isolant et assez confortable. Bien sur lorsqu'on sortait de ce petit abris on ressemblait plus à un arbre qu'à un loup étant donné que les petites feuilles étaient enduite de sève.
Le jeune mâle était donc confortablement installé, remplissant intégralement la cavité de sa grande carrure, sa tête sur ses anterieurs il regardait le lac se demandant qui pouvaient bien être ces poissons assez fous pour vivre sous l'eau.
Soudain apparut dans son champ de vision un louvetaux qui lui semblait assez peureux avec sa queue entre les jambes. Après avoir hésité à l'interpellé pour finalement se retenir il observa le curieux manège avec amusement. Il avança tout doucement, comme apeuré de ce qu'il trouverait dans son reflet, et quand il fut face à face à lui même il ne bougea plus, comme hyptonisé.
Mais petit à petit il chutait, finalement il tomba dans le lac dont l'eau était glaciale et se mit à se débattre pour regagner la berge.
Dans un bond Grey voulu se relever, mais ayant mal calculer la hauteur il se cogna la tête contre la branche et pesta contre le louvetaux de le déloger de sa sieste. Le Diamant sprinta du mieu qu'il pu, ralentit par sa lourde masse, fixant toujours le futur noyer. Quand ce dernier disparut, le Gardien qui s'improvisait sauveteur, longea, ou du moins sauta dans le lac, vidant presque le lac et éclaboussant tout ce qui se trouvait à l'entour, comme si la meute entière avait sauté avec lui. Ouvrant les yeux sous l'eau, il distinga une tache de couleur sur un fond bleuté et l'attrapa comme il put, ne sachant pas trop si il s'agissait d'une patte du cou ou de la queue. Avec une grâce qui lui était propre il escalada la rive et déposa la petite boule de chaire, en espérant qu'elle se réveil toute seule.

La mort est paisible, facile. La vie est plus dure. Il faut se battre sans cesse, combattre les sentiments, la peine, la peur, la colère. On ne peut s’abandonner à de tels dérisoires. Dans la mort, rien ne nous atteint plus. On est invincible et plus rien ne nous fait souffrir. Le prix en est la solitude, le néant. La peur fait partie de la mort. Sans la peur, personne ne voudrait plus jamais vivre. Mais lorsque la terreur prend sa place même dans la vie, que pouvons-nous faire d’autre que mourir, pour lui échapper et connaître de nouveau une peur mesurable, qui ne nous pétrifie plus ?
Alors que je me sentais sombrer dans le néant, une pression dans ma chair me fit ouvrir les yeux faiblement. Je me sentis alors glisser dans l'eau et finalement, un froid brûlant attaqua mon petit corps. J’atterris ensuite, doucement, lourdement, sur le sol herbeux et froid. Un souffle chaud me fit reprendre conscience lentement, et je crachais alors toute l'eau que j'avais avalée, tentant de reprendre ma respiration.
Il est difficile, de reprendre ses esprits lorsqu’on a combattu la mort. Il est difficile de se dire que l’on est de retour, et que la grande faucheuse ne viendra peut-être plus nous prendre avant longtemps. Il est douloureux de penser, que notre seule chance de paix vient de disparaitre, suite à une morsure qui nous aura finalement, sauvé la vie.
Je m’assaillais lentement, ma tête tournait sévèrement. Regardant d'un air perdu, la flaque d'eau dans l'herbe autour de moi, je levais ensuite la tête vers celui qui m'avait sorti de l’eau et lui lançais un regard peu confiant, pour ne pas dire complètement paniqué. Me souvenais-je seulement, de ce qui venait de se passer ? Mon regard tourna plusieurs fois alentour à la recherche d’un quelconque souvenir. Le lac, l’herbe, mon reflet, son visage… Tout me revenait par bribes douloureuses, mon sang battait à mes temps, m’épuisant considérablement.
Finalement, je posais mes yeux sur le grand mâle qui me paraissait, comme celui que j’avais rencontré à mon arrivée, très impressionnant.

- Merci ?

Le remerciais-je sincèrement ? Sans aucun doute. Mais savais-je seulement pour quelle raison ce mot sortait d’entre mes dents ? M’étais-je noyé ? Peut-être. Sûrement, même. J'avais du tomber lorsque je m'étais penché pour voir la louve blanche, cette douce apparition qui m'avait sauvé la vie. En y repensant, je réalisais que ce n'était ni la première, ni probablement la dernière fois que la mort venait me chercher. Du haut de mes six mois, je me souvenais maintenant, qu'elle m'avait rendu visite presque une dizaine de fois. Etais-je si faible, pour qu'elle veuille à tout prix de ma présence à ses côtés? Ou étais-je au contraire si fort, pour qu'elle n'ai jamais réussi à m'emmener? Quel était mon destin, pour qu'en si peu de temps, j'ai réussi à m'échapper aussi facilement d'entre ses griffes?
La peur était là, mais le doute était plus présent encore. Finalement, dans un réflexe de respiration, je remarquais que le loup portait la même odeur que la douce louve blanche qui avait sauvé ma vie, lors de la dangereuse tempête de neige.
Ma queue se mit frénétiquement à remuer, même si ma peur restait palpable.

Grey s'allonga de tout son long à proximité du louvetau qui se mit à cracher toute l'eau qu'il avait avalé. Il le regardait sans rien penser, pas la moindre émotion, la pitié ne lui venait pas à l'esprit. D'ailleurs il ne savait même pas pourquoi il avait fait ça. L'air un peu perdu, le jeune noyé tentait de retrouver ses repaires et d'expliquer le pourquoi du comment il avait réussit à s'en sortir. Finalement la petite chose se tourna vers le grand mâle et le fixa d'un air assez timide :

-Merci ?

Grey haussa les épaules d'un air dédaigneux, histoire de lui montrer qu'il s'en fichait un peu. Il semblait assez pensif, ce qui intrigua le Gardien qui essayait de perser le fond de la pensé de celui dont il avait sauvé la vie. Pour perser le fond de sa pensée il n'eu d'autres recours que d'utiliser le langage corporel du jeune Diamant qui parlait de lui même : il était encore affalé comme si il venait de naître, ses poils étaient emmelé et sales, il ne devait donc pas avoir beaucoup l'habitude de s'occuper de lui même et devait être sous la surveillance d'une nourrice. Il soufflait bruyament, sans doute peu habitué à l'effort, ses yeux traduisaient son effroit tout comme son odeur; Grey avait devant lui un louvetau plus que peureux... D'une certaine manière il lui faisait pitié, avec ses poils en batailles et sa frimousse apeurée.
L'imposant canidé posa sur lui un regard neutre, dénué de toutes compassions.

-Je suppose qu'il faut se présenter, je te propose donc de commencer, que faisais tu ici ?

[désolé pour la taille chu pas doué pour blablater et j'ai pas beaucoup de temps en ce moment x( ]

Le grand loup me demanda une présentation, et des explications quand à ma présence ici. Ma voix, timide et si peu portante, résonna comme un murmure dans l’immensité du territoire.
Je me souvenais de ma rencontre avec Darwin, et ce jour-là nous avions donné le nom de nos meutes respectives avant de jouer ensemble. Alors je commençais aujourd’hui, par ce même protocole que mon ami m’avait appris.

- Je suis Ratchet, un Diamant.

Le loup me lança alors un regard dénué d’émotions, qui me perturba longuement. C’était ce regard, que j’avais toujours connu et qui, après toutes les lueurs du rouge, avait été traversé par un éclair avant que je ne prenne les premiers coups de ma misérable vie. Alors, dans une tentative désespérée, je me couchais à plat ventre avant de me rouler sur le dos pour offrir au mâle mes parties génitales : signe de mon ultime soumission à lui. Je fermais les yeux mais tentais de les garder entre ouverts pour guetter l’arrivée des premiers coups et retenir mes cris de douleurs qui, je le savais, déchaineraient sûrement sa fureur sur mon corps.

- Que faisais-tu ici ?

Cette situation nouvelle me laissa perplexe. N’était-ce pas une erreur de ma part, d’être tombé dans l’eau ? Ne devais-je pas être puni pour cette bêtise ? Je me redressais lentement, complètement perdu et perturbé par toutes ces nouveautés. J’avais eu tellement l’habitude d’être frappé pour apprendre plus et plus vite que les autres louveteaux, que toutes ces démonstrations de bontés m’étaient presque difficiles à encaisser. Après tout, si les punitions n’étaient plus données dans ce territoire, pourquoi m‘y avait-on envoyé ? Méritais-je finalement, un traitement différent de celui que j’avais connu ? Si la louve qui m’avait sauvé voulait me faire apprendre plus vite, pourquoi ne m’avait-elle pas envoyé chez les Rubis ? Puisque j’avais entendu d’eux, qu’ils étaient méchants et durs. Tout cela m’était décidément trop compliqué à comprendre et à retenir.
A l’instant où je réalisais que le grand mâle m’avait posé une question, je me réveillais et secouais vigoureusement ma tête pour sortir de mes pensées qui étaient sûrement, comme on me l’avait toujours inculqué, superflues.

- Je suis venu ici parce que Maman Kimi m’a raconté des histoires sur ce lac. Elle m’a dit qu’on y voyait son reflet et celui de l’être auquel on pensait le plus. Enfin, je ne me souviens plus très bien de cette histoire, mais je voulais savoir si on y voyait réellement autre chose que son propre reflet. Alors que je suis venu seul, parce que Maman Kimi m ‘a dit qu’il était très dangereux de venir ici, et qu’elle ne m’y emmènerait pas pour ne pas risquer un accident.

- Mais je voulais tellement savoir ! Eh puis ce n’est pas dangereux, tu étais là, toi.

Mon regard timide se perdit dans le sien qui, malgré son in expression, me paraissait d’un réconfort dans égal. Finalement je reprenais le court de mes pensées et revenais encore une fois à la réalité.

- Je voulais seulement voir ce qui m’attendait dans mon reflet sur l’eau.

Mon regard se tourna alors vers le lac et l’eau, désormais aussi plate qu’à mon arrivée, me renvoya l’image du ciel et des nuages gris et tristes comme les jours qui se succédaient depuis celui où cette louve qui m’avait sauvé la vie, m’avait ordonné d’entrer sur les terres Diamant, de trouver la meute et de ne jamais plus la quitter.
Mais avais-je seulement ma place, parmi les Diamants ? Avais-je seulement mérité cet amour, que ma Maman Kimi m’offrait ? Avais-je seulement ma place, dans une meute quelle qu’elle soit ?
Le doute insinué en moi depuis le jour de ma naissance, ne m’avait pas quitté une seule seconde durant les six mois de ma vie que j’avais vu s’écouler.
Je reportais enfin mon regard nacré sur le visage du grand loup et guettais la moindre de ses réactions, violente ou non, avec inquiétude.

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