Ce loup commençait vraiment à lui sortir par les yeux. Alors qu’elle se sentait apte à lui arracher la tête et le vider de ses tripes, il continuait son numéro de « Monsieur j’ai peur de rien ». Et puis, voilà qu’il souriait ! La louve continua à enrager contre cet abrutit, grondant comme le moteur d’une vieille bagnole. Ses muscles tressaillaient tant l’envie de lui sauter à la gorge était forte. Pire que faire le fier, il faisait le muet. C’était certainement ça qui l’énervait le plus. Sa sale tronche la narguait alors qu’il prenait un air de dominant. La seule chose qui avait pu la retenir de lui botter l’arrière train, c’était qu’elle ne savait pas à quelle meute il appartenait. Seulement, son mutisme devenait de plus en plus agaçant au fil des secondes. Finalement, au summum de sa mauvaise humeur, elle prit son élan, visant pile sur sa gorge où elle devinait que se trouvait les artères, palpitantes et remplie de liquide vital.

« Je vois que tu porte bien le nom de notre meute. »

Sa voix grave et assurée résonna dans ses oreilles jusqu'à arriver à son cerveau. La louve lâcha un juron avant de s’asseoir, toujours aussi furibonde.

« Tu pouvais pas le dire plus tôt ?! »

Prenant une grande inspiration, elle le gratifia d’un regard noir. Mais il semblait vouloir lui assurer que ses cordes vocales fonctionnent parfaitement.

«-Je suis Daeron. Et si nous trouvons enfin un dominant, je donnerai ma vie pour lui, sa louve et leurs petits. Et je pense deviner que ce sera également ton rôle. Je me trompe? »
-Eh bien Daeron, je ne te croyais pas capable de faire de si longues phrases ! Exact. Je vois que ça cogite là-dedans ! »

Elle entreprit de remettre en place sa fourrure quelque peu décoiffée par son accès d’humeur. Elle regarda à nouveau le mâle, et ce qu’elle vit ne l’étonna pas. Enfin, plutôt, elle l’avait deviné depuis le début. Il avait cessé de se foutre de sa gueule, cependant il gardait toujours son attitude fière. Pff… Bah, il y a des gens comme ça !

« Tant qu’on est dans les présentations, j’suis Birdy. Hâte de mieux connaître mon futur coéquipier ! »

Sur ces paroles, la louve se leva et entreprit de s’approcher un peu plus. Bien qu’elle fût sur le point de le pulvériser un peu plus tôt, elle avait toujours veillé à garder une distance respectable du mâle. Simple mesure de précaution, puisqu’il ne causait pas beaucoup, elle n’avait eu aucun moyen de savoir s’il n’allait pas se jeter sur elle. Bref, en quelques pas elle se retrouvait en face de lui, à le regarder fixement. Elle lui sourit, un sourire idiot mais soit.

« Bien que ton mutisme puisse poser quelques problèmes, je crois qu’on arrivera à s’arranger pour protéger le futur Alpha ! »

Elle fit le tour du bonhomme avant de revenir à son point de départ.
« Physique, ok ! Caractère… Hum… Et si tu m’en disais un peu plus sur toi ? » S’ensuivit toujours de son sourire niait et de son air purement innocent. Autant dire qu’elle avait l’air d’une loupiotte de six mois…

Birdy rit encore lorsqu'elle vit que le mâle était gêné par ses chatouilles. Aucun rire ne sortit de sa gueule, mais la tête qu'il tirait valait tout l'or du monde. Il semblait qu'enfin la suffisance s'effaçait de son visage, laissant place à une gêne ridiculement risible. Et la louve ne se privait pas de rire d'ailleurs, aux larmes même. C'était peut-être exagéré - non c'était très exagéré - mais Birdy ne pouvait pas s'empêcher de rire. Et d'ailleurs, le mâle ne tarda pas à profiter de sa faiblesse pour la repousser, la faire basculer à nouveau sous lui.
« -Te sens-tu si supérieure pour penser que tu peux garder le dessus ?
-Mais je le suis. » Réplica-t-elle avec un sourire moqueur.
Birdy soutint son regard sans broncher, toujours ce sourire de gosse trop sûr de lui qui ne la quittait pas. La Protectrice n'était pourtant pas quelqu'un qui était du genre trop fier, mais c'était juste pour le plaisir de le provoquer. Le loup roux l'amusait plus qu'il n'était permis, elle se prenait à ne pas vouloir qu'il parte. C'était ridicule, elle ne le connaissait même pas. Alors qu'elle secoua un instant la tête, finissant tout de même par se sentir mal à l'aise comme il l'a regardait toujours avec ce regard si intense, le mâle changeât soudain d'attitude. La louve fronça les sourcils quand il recula subitement, comme frappé par un mal inconnu. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Elle ne l'avait pas frappé, ni quoi que se soit. Libérée de son étreinte, elle se releva à demi pour l'apercevoir qui reculait rapidement. Sa bouche s'arrondit soudain et ses yeux s'écarquillèrent, pour donner cet air stupéfié à son visage.
« Daeron ? Ça va ? »
En un bond, elle était sur ces pattes, s'approchant du loup roux d'un pas hésitant. Il ne semblait pas aller bien, pas du tout. Son corps était parcourus de spasmes, et il s'écroula bientôt à terre. Elle croisa son regard pendant un dixième de seconde, il était sombre, oh si sombre. Une panique abominable s'empara aussitôt d'elle. Ca lui faisait dresser les poils de son échine, trembler légèrement ses membres. Qu'est ce qu'il lui prenait ? Comment fallait-il réagir pendant ses moments là ? Daeron souffrait, les soubresauts dont il était agité se faisant de plus en plus violant. La louve grise serra les dents et s'approcha jusqu'à se retrouver penchée sur lui, observant son visage crispé. Elle recula lorsqu'elle vit avec horreur qu'il se mordait la langue à répétition, du sang s'échappant de sa gueule. Birdy se sentait inutile. C'était affreux. Mais que faire ? L'empêcher de bouger ? Laisser passer sans rien faire ?
« D-daeron ? »
Toujours aucune réponse de la part du mâle. Seulement sa respiration difficile et ses membres s'agitant convulsivement sous l'effet de la « crise ».
« A L'AIDE ! » Finit-elle par hurler, se relevant, les larmes aux yeux.
Elle chercha quelqu'un du regard, tourna quelques minutes en rond. Birdy espérait de tout coeur qu'il y ai quelqu'un. Mais personne...
« A l'aide ! » Répétat-elle, de plus en plus horrifiée.
Il semblait bel et bien qu'elle devait faire face seule à cette situation cauchemardesque. Le mâle roux n'allait pas mieux. Et personne ne venait. Impossible pour elle de partir chercher les secours elle-même, il était impensable de le laisser tout seul. La louve grise finit par s'asseoir à côté de lui, forcée d'assister sans pouvoir rien faire. Elle se mit à prier silencieusement pour que quelqu'un vienne et aide son coéquipier. La peur s'insinuait dans son esprit, et créa une pression insupportable.
« C’est tout, calme toi… Chu-ut. D-daeron. Ca-calme toi… » Murmura-t-elle.

Birdy était plus qu’affolée par la tournure qu’avait pris les évènements. En quelques malheureuses minutes la situation lui avait complètement échappé. C’était plus qu’insupportable, il n’y avait pas de mot pour désigner ce qu’elle ressentait. C’était frustrant, stressant, horripilant. En tant que Protectrice, elle était toujours censée avoir le contrôle sur tout. Comment réussir à protéger qui que ce soit quand on ne contrôlait plus rien ? C’était son rôle, de garder tout le monde en vie. Et plus particulièrement l’Alpha. Et là, que se passait-il ? Son coéquipier agonisait à ses pieds, parcourut de spasmes toujours plus violents. Et qu’est ce qu’elle faisait ? Elle était réduite à l’état de spectatrice. Passive, sagement penchée sur lui à tenter de le rassurer. Des paroles. C’était bien dérisoire quand on regardait le pauvre loup qui se tordait de douleur, sa gueule pissant le sang. Mais elle n’avait malheureusement pas d’autres alternatives. Au quel cas, elle aurait sauté dessus.
Ses yeux se révulsaient, papillotaient mais malgré tout cela, on pouvait encore distinguer qu’ils étaient habités par de noirs sentiments. Daeron la regardait avec une haine et une hargne incompréhensible. A un certain moment il tenta même de la mordre. Mais cela ne fera pas déchanter Birdy. Quelle que soit son habitude, elle restera. Ses oreilles s‘agitèrent mais elle ne se départit pas de son calme. Un calme étonnant d’ailleurs. Elle avait revêtu son air rassurant, ce masque lui permettant de se concentrer. Sinon elle aurait déjà paniqué, hurlé, elle se serait arraché les poils de la tête tellement c’était absurde. Alors, de sa voix chaude et douce, elle tentait de rassurer Daeron. Même si elle n’était pas convaincue qu’il l’entende.

« Chuut… Calmes-toi, tout doucement. Ca va aller… »

Inlassablement, toujours sur le même ton, sans la moindre trace de son affolement grandissant. C’était exactement la même voix qu’utilisais une mère pour rassurer ses louveteaux. Mais alors qu’elle commençait à sérieusement désespérer que la crise s’arrête un jour, une parole sortit de la gueule du mâle.

« Je … »

La queue de la louve balaya le sol, et ses oreilles pointèrent en avant, submergée par une vague d’espoir. Mais il n’en dit pas plus, parcouru par un nouveau spasme qui lui fit claquer la mâchoire sur sa langue, déjà dans un état pitoyable. Pourtant ce malheureux mot était suffisant, la louve s’accrocha à cela, la marque qu’il allait vraiment s’en sortir. Alors, elle continua à lui parler, de sa voix douce, rassurante. Persuadée que la fin du cauchemar était proche.

« Tout va bien, ça va aller. Doucement… »

Toujours le même refrain, les mêmes notes chaudes et d’une douceur infinie. Effectivement, Daeron se calmait, la crise cessait, les convulsions disparaissaient, de plus en plus éloignées, de moins en moins fortes, son corps se laissa enfin choir sur le sol. Sa respiration était haletante et saccadée, il devait être épuisé. Birdy quant à elle était soulagée, c’était finit, enfin… Elle parcourut de son regard bicolore le corps entier du mâle, d’un air protecteur. De ses deux prunelles, elle l’englobait, cherchant toujours à le calmer même si il ne la voyait pas. Dans un soupir et dans un élan dont-ne-sait-quoi, Birdy se coucha à ses côtés, posant avec légèreté sa tête sur son encolure. Elle ferma les yeux, humant avec délice sa fragrance masculine et si, ma foi, attirante. Ce pauvre abrutit lui avait fichu une trouille de tout les diables, mais il n’empêchait pas qu’elle l’appréciait, si ce n’est plus. Elle écouta paisiblement sa respiration s’apaiser, les battements de son cœur revenir à la normale. Toujours lovée contre lui, elle se rendait compte qu’elle dépassait les limites autorisées quant au sauvetage de quelqu’un. Mais qu’a cela ne tienne, elle mourait d’envie de se blottir contre lui. Haha ce type la rendait folle.

« Tu vois ? Tout va bien… »

Un sourire étira ses babines, et elle se tut. Seuls leurs respirations et le son de la cascade perturbait les lieux. Une légère brise souleva quelques poils épars, et la fit frissonner.
Une patrouille ne devrait pas tarder à arriver, et l’aiderait à l’emmener voir le druide. Toute seule, elle n’arriverait pas à le déplacer jusque là. Mais en attendant, toute notion s’effaça et elle n’eut bientôt plus conscience que de la présence de Daeron à ses côtés. Pure folie que voilà, ma pauvre tu ne le connaissais même pas que tu te retrouvais blottie contre lui. Mon Dieu, mais la ferme…

Toujours actif ?

La mort, ah la mort. On à tous déjà dû y songer une fois. Qu’est ce qu’il y a après ? Qui pensera à nous une fois parti ? Ca dépend. Enfin, la fin fatidique reste la même, la seule chose qui peut varier c’est la façon dont on la perçoit. Croyance, pensée, mode de vie, valeurs. Est-ce que ce sera le néant ? Dieu nous réservet-il vraiment une place quelque part, à ses côtés ? Ou est-ce encore autre chose ? Le mystique, y’a-t’il seulement les naïfs pour y croire ?
La mort, j’ai déjà dû la frôler quelque fois. La regarder dans les yeux et lui cracher à la gueule avant de repartir dans mon monde, celui des mortels qui la craignent. La grande faucheuse qui nous guette, nous observe passivement jusqu’a ce qu’on fasse un faux pas, pour venir faucher notre âme. Notre temps en tant que vivant est-il compté ? Y’a-t-il un parchemin sur lequel notre destinée est inscrite ? Tant de questions.
Je crois que j’ai raison de me les poser, le type à côté de moi à quand même failli trépasser. Je pourrais très bien m’en foutre, après tout je ne le connais pas. Un nom, un visage, ça s’oublie vite. Enfin, j’aurais pu facilement l’oublier si seulement je n’avais pas assisté à cette crise affreuse, qui paraissait si réelle et iréelle à la fois. Du sang, des convulsions et puis ...

Ses paupières se soulèvent avec lenteur, l’arrachant au sommeil qui s’était emparé d’elle. Son souffle, presque un soupir, soulève les poils roux du mâle qui s’agitent. Par automatisme, ses muscles se contractent et elle relève brusquement la tête. Son regard vairon croise un temps celui métallique de Daeron, avant qu’elle ne cligne des yeux et détourne la tête, gênée. Biensûr qu’elle était heureuse qu’il soit en vie, cependant elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle était allée trop loin. Mais avant qu’elle ne puisse esqisser le moindre geste, ou même prononcer la moindre parole, les évènements la devancèrent. Daeron détourna lui aussi la tête, mais certainement pas pour la même raion. En effet, non loin on pouvait entendre disctinctement le son des brindilles qui craquaient. Sous le poids de plusieurs individus, des loups sans doute, au vu du bruit que ça faisait. Les oreilles de la louve pointèrent en avant, et elle ne tarda pas à se relever tout en jetant un regard entendu à son coéquipier. Lui aussi avait remarqué la présence de ces inconnus.
Birdy serra les dents quand il se releva, il ne semblait toujours pas au meilleur de sa forme. La louve grise bougea légèrement, de sorte à ce qu’il puisse s’appuyer contre elle au cas où. Il ne fallait pas qu’il s’écroule devant de potentiels ennemis, ce serait signer son arrêt de mort. Un grondement sourd s’échappa de sa gorge, les deux Saphirs grondaient presque à l’unisson. La louve ne le laisserait certainement pas se battre seul. Elle avait déjà suffisement été horrifiée quand il crisait que pour le regarder se faire tuer par ces nouveaux arrivants. Quelle Protectrice minable elle ferait si elle laissait faire ça ! Non, Daeron était de toute façon trop faible. Il faut qu’il aille voir un druide d’urgence. Ses muscles encore engourdi se bandèrent, et ses crocs se dévoilèrent dans un nouveau grognement sourd. Personne ne le toucherait.
Mais alors que la Protectrice songeait qu’ils étaient tout de même sur leurs terres, un loup sortit des fourrés, se montrant à découvert. Un sourire mi-amusé mi-inquiet trônait sur ses babines, ses oreilles s’agitaient nerveusement.

« Les gars, qu’est ce que vous foutez ici tout seuls la nuit ? Vous ne dormez pas au camp ? »

La queue de la louve grise frôla son flanc, et puis elle émit un rire bref, du genre soulagé. Elle lança un regard amusé à Daeron puis s’assit, de sorte à ce qu’il voit qu’elle n’était plus annimée d’aucune inttention agressive. C’était une patrouille Saphir, celle qu’elle attendait tant !

« Euh, non. » Elle ne trouva pas quoi dire de plus, lui laissant le loisir de s’imaginer n’importe quel scénario.

Le gardien se retourna, lui aussi soulagé, vers la forêt de là où il était sortit. Il adressa quelques paroles aux poltrons qui étaient restés cachés, et peu de temps après ils vinrent vers les deux Proctecteurs. Mais Birdy ne leur accorda qu’une minime attention, concentrée sur Daeron qui devait certainement lutter pour tenir debout. Elle tourna la tête vers lui, et drécréta tout bas.

« On va aller chez le druide. » Elle laissa passer un silence, lui lançant un regard anxieux. « Tout de suite, viens. »

La louve, qui était déjà proche, se releva puis fit un nouveau pas vers lui, pour le soutenir. Le trajet pour rejoindre la tanière du druide ne devait pas être forcément long, mais vu l’état dans lequel il était, il valait mieux qu’elle l’aide. En sentant le contact de sa fourrure contre la sienne, elle se rappella subitement que quelques instants plus tôt elle dormait paisiblement contre lui. Elle en aurait presque rougit. Pourtant, elle se contenta de garder le silence, un air des plus sérieux plaqué sur le visage.

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