Se fiant à l’odeur du vent, Nyméria était sur une piste. Elle fit demi-tour et suivit le doucereux fumet de la viande, la bouche salivante. C’était l’odeur d’un simple mulot, mais seule, elle ne pouvait se permettre de chasser des proies plus grosses, surtout avec sa patte défectueuse. Et cela faisait un bon bout de temps qu’elle n’avait pas mangé. Surtout quand on refuse de se mêler avec les autres Solitaires pour chasser... Mais elle se méfiait trop d’eux et des étrangers.
Elle se tapit alors derrière les herbes folles de la prairie, près de l’Arbre Immortel, se préparant à l’assaut.

* Toi mon joli, je ne vais pas te rater ! Tu vas finir dans mon gosier et illico ! *

Nyméria s’élança de toute sa puissance, concentrée sur sa chasse. Il ne lui fallut que quelques mètres pour, toute en finesse et en précision, bloquer le mulot apeuré entre ses pattes et le cerner de ses crocs. Maigre repas, se dit-elle, mais elle était fière de ses talents de chasseuse qui lui avaient permis de survivre pendant tous ces mois de solitude. Elle s’apprêtait à rejoindre la forêt pour déguster la carcasse tranquillement quand elle aperçut au loin une louve blanche qui la fixait. L’appréhension, qui se manifestait à chaque fois qu’elle apercevait un loup étranger, la saisit.

La louve blanche sembla jauger Nyméria en profondeur, avant de lui répondre :

- Et bien chère Nyméria , tu n'y vas pas par quatre chemins ! Je me présente , Arwenn , Bêta des Diamants. Puis - je t'être utile en quoi que ce soit ? . "

Cette réponse suscita l’espoir en Nyméria. La louve lui avait répondu sans méchanceté, et même avec intérêt. Ainsi, elle s’appelait Arwenn et elle était la Béta d’une meute appelée les Diamants. Son statut élevé dans sa meute pouvait facilement la faire intégrer, et tous ses désirs se réaliseraient alors. Surtout qu’Arwenn semblait être respectable et amicale.
Cependant, c’était trop beau pour être vrai… Aucune meute n’accordait aussi facilement sa confiance à un nouveau membre, sinon ça se saurait. Nyméria avait peur que cette question trop facile soit une sorte de test pour voir ses qualités, et si elle répondait « oui je voudrais intégrer ta meute », c’était une entrée en matière beaucoup trop rapide. Arwenn pourrait alors critiquer son impatience et rebrousser chemin. Non… Il fallait procéder autrement et ne pas tomber dans la facilité. Il fallait lui montrer ce qu’elle valait.
Alors elle répondit en souriant, avec un certaine franchise, mais qui restait polie:

- Oh oui je pense que tu peux m’aider… Seule je ne peux chasser que des mulots ou de piètres proies au goût infâme. A deux peut-être pourrions-nous trouver de meilleures proies ?

Arwenn fit une mine étrange et interrogative en répondant ceci :

"- Ne sait tu donc pas chasser ? "

Cétait une question difficile pour Nyméria, à laquelle elle devait impérativement répondre. En effet, il ne fallait pas qu’elle se montre comme mauvaise chasseuse. Il lui était difficile de répondre pour plusieurs raisons. Déjà car sa patte avant droite lui faisait défaut depuis toujours et face à un cerf c’est vrai que c’était trop dangereux pour elle si elle était seule. Elle était plus efficace à deux, selon une tactique de chasse que lui avait apprise Bayard, son ancien compagnon Solitaire décédé. Nyméria voulait répondre ceci à Arwenn, mais elle avait peur de trop de confier son passé douloureux pour le moment face à quelqu’un d’inconnu. D’une voix éraillée par l’émotion, mais qui restait néanmoins forte, elle dit :

« C'est-à-dire que… J’ai une patte blessée depuis toujours et je ne peux chasser de grandes proies sans me mettre en danger. J’ai donc toujours chassé à deux quand mon compagnon était encore là »

Nyméria regretta se dernière phrase. Qu’est-ce qui lui avait pris de s’apitoyer comme ça ! Ce n’était pas la meilleure façon d’entrer dans une meute non ? Mais trop tard, elle avait déjà répondu.

J'archive.