Des gazouillis entouraient Azarah de toutes part. Piégée au milieu des volatiles virevoltant en chantonnant, déployant leurs ailes ternes ou colorées, la louve poussa un soupir agacé et trembla. Ces oiseaux lui rappelaient trop de souvenirs; souvenirs sombres et voués à l'oubli. Du moins, c'était ce que sa prioritaire souhaitait. Des douleurs passées trop intenses, trop dures, que l'on aimerait effacer de sa mémoire. Mais c'est impossible; le passé est le passé, on ne peut ni le changer, ni l'oublier, car il fait partie intégrante de notre vie. Nos rêves, nos peurs, nos envies, nos désirs; tout vient de ce tiroir enfoui que l'on appelle la mémoire. Cette même mémoire qui, au fil des années, s'empli d'un savoir nouveau, les souvenirs. Ceux-ci peuvent aussi bien procurer de la joie à celui qui les détient, mais peuvent également lui procurer de la souffrance. Azarah ferma les yeux et s'abandonna à la nature, ne percevant les piaillements que d'une oreille distraite. Les différentes mélodies se rejoignait en une seule, semblable à une berceuse. N'ayant pratiquement pas fermé l'œil de la nuit, la louve avait plus que sommeil; c'est pourquoi elle s'affala sur la verdure douce et mœlleuse de la prairie, oubliant toutes ses réflexions, avant de rejoindre Morphée au pays des rêves.

Lorsqu'enfin elle se réveilla, Azarah se sentait plus seule que jamais. Elle n'avait jamais eu de camarade, lorsqu'elle était plus jeune. Trop renfernée pour parler, elle s'était construite une carapace derrière laquelle elle se sentait en sécurité. Elle n'avait jamais eu non plus l'envie de faire le premier pas; jusqu'alors, ses seuls compagnons de jeux avaient été ses frères et sœurs. Mais maintenant qu'ils ne sont plus là pour l'entourer, pour l'épauler, elle était vouée à elle-même depuis toutes ces années. Toutes ces années de silence, de terreur et de tristesse; tout cela n'avait qu'assez duré. Désormais, Azarah sera une nouvelle louve. Non pas éloignée de tous, mais comportant des amis dans son cœur. Elle se releva, le regard fier, la tête haute, et avança gaiement dans la prairie, un sourire dessiné sur les babines.