Les jours succédaient aux nuits tandis que Amber progressait vers le Nord, pour rencontrer un loup plus redoutable encore que le précédent. Un Améthyste avait déjà de quoi intimider ; que dire alors d’un Rubis ?... Si l’avenir de la meute n’avait été en jeu, Amber aurait déclaré forfait. Ce deuxième voyage, long et ardu, épuisa le peu de force qu’il lui restait : parce qu’elle fuyait les méchants, la louvarde ne s’accordait guère de repos, et sa seule détermination la portait en avant. Elle affrontait quantité de périls et de dangers, dont le récit viendrait enrichir, de temps en temps, la légende de cette vaillante louve. Or, contentons-nous d’annoncer ici qu’Amber triompha de ses adversaires en de très nombreuses occasions. Elle prit un retard alarmant en tombant gravement malade presque à mi-parcours. L’infection se déclara après une brève halte : désaltérée et repue, Amber courait dans l’herbe tendre, se sentit soudain des pattes de plomb et ne put gagner en vitesse. Elle fut alors saisie de vertiges et de douleurs musculaires, parcourant tout son corps. La jeune louve noire tenta bravement de ne pas tenir compte de ce malaise, en vain. Par chance, elle parcourait au même moment une région boisée et repéra très vite un endroit où se reposer. Elle avait l’intention de reprendre son souffle, puis de trouver un abri sûr et de se remettre sur patte grâce à quelques heures de sommeil. Mais la maladie eut le dernier mot ; elle la terrassa en quelques minutes seulement et la força à rester allongée, vaincue par la souffrance et la fièvre. Amber délira deux jours durant, en proie aux divagations de son esprit, tourmentée par des hallucinations cauchemardesques. Elle était alors plus vulnérable que jamais et, recouverte d’une fine couche de détritus amassés avant que son état n’empire, offrait une prise idéale aux prédateurs de plus grande taille, de passage. Mais le mal qui la rongeait de l’intérieur lui sauva la vie, car Amber avait le délire bruyant. Sa voix était forte et clair, et retentissait lugubrement dans chaque recoin de la forêt. Ce son sinistre, surnaturel, unique en son genre, faisait se dresser les poils sur l’échine des imprudents qui s’aventuraient dans les parages. Tous sans exception rebroussèrent chemin et contournèrent le secteur, à distance respectueuse de cette étrange créature. Amber se rétablit peu à peu, lentement et sa lucidité lui revint. Affaiblie, elle avait l’impression d’avoir perdu la notion du temps. Elle fut soudain impatiente, mais elle se rendit compte qu'elle était désemparée. Elle poursuivit son voyage avec prudence, choisissant de fuir le commerce des autres loups. Elle avait posé les yeux sur son ennemi une seule et unique fois et ne souhaitait pas répéter l’expérience. Hélas, un loup ne peut se rendre invisible ; Amber avait semé assez d’indices pour permettre à un chasseur tenace de la retrouver. Et la ténacité, son ennemi n’en manquait pas, non, pas du tout.