Aujourd’hui, ça va encore être un jour comme les autres. Moi, comme à mon habitude, j’aime faire le flemmard au fond de ma tanière abandonnée. J’aime me blottir contre le fond et dormir en boule, tranquillement, rêvant d’une vie meilleure. Il y a peu de temps de cela, j’ai perdu ma mère et ma sœur jumelle. D’après certains loups, ma mère serait décédée et je ne connais pas encore la raison. Mais je vais bien finir par trouver. Et ma sœur, elle, elle a disparu quelques temps après la séparation avec ma tendre mère. Ça a été vraiment dur pour moi. Je n’avais que trois mois quand tout à basculer du jour au lendemain. Aujourd’hui, j’ai cinq mois tout rond. Cinq moi que ma maman m’a donné la vie. Ce qui me manque le plus aujourd’hui, c’est m’amuser avec ma jumelle. Nous étions si proche nous deux. Je ferais manger le sol à celui qui l’a prise pour lui. On ne touche pas à ma sœur. Je sais qu’elle est encore parmi nous. Parfois, j’ai l’impression de la sentir à mes côtés mais quand je me retourne, je ne vois rien. Juste mon ombre qui est dessiné sur le sol. Bref, revenons à nos moutons du matin. Alors comme à mon habitude, j’étais dans le fond de ma petite tanière pas très grande et assez étroite. Il fallait garder la ligne pour y entrer … Je suis sérieux ! Cette fois – ci, je fus réveillé par les bruits de l’extérieur. Les oiseaux et les autres loups de la meute qui marchaient un peu partout. Lentement, j’ouvris mes petits yeux d’un orangé voir presque doré et mon regard se porta à l’extérieur de ma tanière. À première vue, je vis très vite de beaux rayons de soleil. Une belle journée commence apparemment. Avec ma tête de blasé, je finis par prendre le courage et de sortir de mon trou à rat. Le soleil m’a sadiquement aveuglé les yeux dès ma sortie mais petit à petit je me suis fait à la lumière du jour. Je pris alors le temps de m’étirer comme il se doit et de bâiller jusqu’à m’en décrocher la mâchoire. Voilà un bon réveil pour un petit comme moi. Un loup passa devant moi et me salua. Je lui répondis gentiment. Normalement, je n’aime pas quand on me vient me parler déjà le matin. Dès mon réveil, en plus. Je préfère qu’on me laisse le temps de me réveiller comme il se doit et correctement.
Tournant mon regard de gauche à droite, j’eu comme un petit sentiment de faim. L’odeur d’une viande fraîche m’attirait mais c’était une louve qui devait déjà nourrir ses louveteaux. Dommage. J’ai faim, moi … Et si j’allais chasser pour la première fois ? Ce serait pas mal. Et je pourrais montrer à tout le monde de quoi je suis capable. Déterminé, je décidai alors de m’éloigner du camp pour partir un peu à l’aventure et oublier tous ces moments difficiles. Je ne savais pas vraiment où aller. Je ne connaissais rien par ici. Tout était nouveau. Le seul endroit que je connaissais bien c’était le Lac Violet. Mais les autres, pas la moindre idée. Petit à petit, je m’enfonçais dans un territoire inconnu. Un territoire mystérieux mais que je vais apprendre à connaître. Je marchais alors dans l’herbe, en direction d’un arbre que je n’avais jamais vu. Et là, j’entends un bruit. Comme si une bête se frottait à quelque chose. Une proie ? Sûrement. Ma faim me demandai de m’approcher un peu plus à ce bruit et de – pour la première fois – apprendre la chasse. Accroupis du le sol, je vis des ombres noires bougées. Puis des petites touffes de poils sortir de l’herbe. M’approchant tel un félin, je lui sauta dessus sans même y réfléchir.

- « Je t'ai eu ! »

Il fit quelques roulades avec ce qu’il croyait être une proie et très vite, il se rendit compte que c’était aussi un louveteau comme lui.

- « Oups ... »

Ce mystérieux louveteau fit un bon et se retrouva face à moi. Quant à moi, je restais encore allongé sur le sol, légèrement sonné par les roulades que j’avais fait précédemment. Mais quelque chose attira mon regard. Ses yeux. Un de chaque couleur. Et son pelage. Comme le miens. Il manquerait juste à savoir quel âge il avait et nous pourrions presque devenir des jumeaux. On nous différencierait grâce aux yeux seulement. Par contre, il avait l’air mécontent que je lui aie sauté dessus. Et puis quoi encore ? On a plus le droit de s’amuser ? Je ne savais pas. Et tout le monde a le droit de confondre quelqu’un avec du gibier. Ma faim me donnait presque des hallucinations. Calmement, je décidai de me lever et je me secouai aussi pour enlever toute la crasse qui était venu se coller à mon pelage l’hors des roulades. Je sens que la journée va être dure …

- « T'as un gros problème toi, on ne t'as jamais appris qu'on saute pas sur les inconnus sans raison ?! »

Bon, et bien aujourd’hui je dois encore faire face à un gros dur qui ne pense qu’à lui. Super … J’ai faim, et je dois déjà me prendre la tête avec un louveteau, comme moi. Il s’assit alors en face de moi, attendant des excuses de ma part.

- « Désolé ! Je t'avais confondu avec un gibier ! J'ai vraiment faim ... »

Il poussa alors un rire moqueur.

L’expression du visage de l’inconnu semblait encore être vexée. Et puis bon. Ce n’était pas si grave si un jeune louveteau comme moi l’avait confondu avec de la nourriture. Ça peut arriver à tout le monde. Comme à lui ou encore à un autre loup. Âgé ou pas, d’ailleurs. Et sa position était vraiment drôle. Personnellement, ce n’était pas ça qui me faisait peur ou qui me ferait croire que mon adversaire est plus imposant ou plus fort que moi. C’est le mental qui compte dans tout ça.

- « Bon, c'est pas grave mais fais attention la prochaine fois. Tu veux de l'aider pour chasser ? Moi, on me l'a appris très tôt, je suis le meilleur pour ça ! »

Il avait raison, la prochaine fois je vais devoir faire un peu plus attention. Et apprendre à comparer un loup et une proie. Ce serait pas mal, ça. C’est alors qu’il se proposa pour m’aider à chasser. Pourquoi pas. Après tout, il semblait avoir de l’expérience et moi je débute tout juste. Ma mère n’a pas eu la chance de m’apprendre à chasser. Personne d’autre, d’ailleurs. Je vais devoir le faire tout seul et me débrouiller comme un grand. Et sans m’attendre, il commença à mettre sa truffe noire à l’épreuve.

- « Je m'appelle Llord et toi ? »

Llord ? Un beau nom que je n’avais pas encore entendu jusqu’à maintenant. Dommage que le mien n’est pas aussi génial que le sien.

- « Moi c'est ... Overdose. Enchanté Llord ! » Il fit une petite pause, tout en le regardant chercher une odeur de proie. « Tu sais, je ne veux pas de petites proies. Je veux des choses plus grandes. »

Que voulait – t’il dire par là ? Mystère, mystère …

Overdose continuait à regarder Llord se prêter au jeu de la chasse. C’était presque drôle de le voir chasser. Surtout en essayant de chercher un petit lapin. N’avait – t’il jamais tenter des choses plus grandes et avoir un peu d’adrénaline ? Peut – être pas. Llord releva légèrement la tête et regarder Overdose avec ces yeux vairons.

- « Il est génial ton nom, par contre, pourquoi tu ne veux pas commencer par des animaux petits, genre un lapin ? »

Eh bien, c’était la première fois que quelqu’un semblait apprécier le nom Overdose. Ce n’est pas ce que voulais l’améthyste. Un lapin, pour lui, ce n’était pas suffisant. Lui, il voulait voir des choses plus grandes. Voir plus haut que le bout de sa truffe.

- « Merci pour mon nom. Et non, je préfère des choses plus grandes. Suis - moi, je vais te montrer. »

Il se redressa et partit à travers les hautes herbes vers une sorte de petite plaine pas très loin de l’arbre ensanglanté. Il commença sa marche au pas avant de démarrer un petit trot. Les oreilles bien dressées en avant, il tenta de se redresser un peu plus sur ses pattes pour regarder où Overdose emmenait Llord. Mais une petite voix derrière le fit stopper net.

- « T'as déjà chassé au moins ? »

Il tourna la tête vers l’autre louveteau et d’une voix hésitante il répondit.

- « Bien sûr que oui ... Qu'est - ce que tu crois ? ... Aller, viens ! »

Tranquillement, il reprit son petit trot avec les oreilles dressées en avant. Chaque bruit était important pour lui. C’est comme s’il débutait à chasser. C’était quelque chose qu’il fallait apprendre tous les jours. Quelques minutes après son départ, il arriva vers la petite plaine. Enfin … Si on pouvait appeler ça comme ça, évidemment. L’herbe était nettement plus courte que sur les côtés car les troupeaux de biches venaient brouter de temps en temps ici. À force, les pousses n’ont plus le temps d’évoluer comme il faut et l’herbe de pousse pas comme sur les bords. En parlant de biche. Un petit troupeau s’y trouvait et elles étaient toutes en train de brouter l’herbe. Un immense cerf avec des bois impressionnants gardait l’œil ouvert et scrutait les horizons. Ces muscles étaient voyants. Il ne fallait pas vraiment le chercher celui – là. Des faons restaient près de leur maman. Ces dernières mangeaient sans s’arrêter. On aurait dit des tondeuses. Overdose se tapit dans les hautes herbes et attention Llord.

Je regardais le troupeau avec intention. J’explorais de haut en bas chaque biche que croisait mon regard, choisissant celle que je voulais. Oui, j’allais chasser, pour la première fois de ma vie, une aussi grosse proie. Heureusement, je n’ai rien dit à Llord. Je préférais garder ça pour moi, sans le mettre en question. Mes oreilles pointaient vers l’avant. Même si nous étions petits, je pense qu’on aurait peut – être la chance d’en attraper une. Avec du bon courage et un peu de volonté, on pouvait arriver à tout, pas vrai ? Alors pourquoi pas ça ? Maman serait fière de moi si elle serait encore de ce monde. Elle verrait son fils courir après une biche. Ce n’est pas génial ça ? Bon, je pense que j’abusais légèrement sur la taille de la proie. Et je dois reconnaître qu’à côté, je me fais piétiner aussi sec. Mais mon envie était trop forte. Tellement, que je ne penchais plus pour des biches ou des faons. Mais pour le grand cerf là – bas. Il était si droit, si fort. Je pense que les membres de la meute seront content si moi et Llord on leur ramène ce butin. Et nous seront les plus jeunes à avoir réussis à chasser un gros cerf. Je suis déjà fier de moi sans même avoir commencer quoi que ce soit. Plus je fixais le cerf, moins je redoutais du danger dont j’allais me lancer. J’avais vraiment envie de lui courir après et le morde.
Je finis par regarder mon ami, lui demandant s’il était pour. Il avait l’air courageux lui aussi, donc je m’attendais à ce qu’il me lance. Qu’on participe les deux. Mais quand je le voyais contempler le troupeau, j’étais persuadé qu’il ne voulait pas que je choisisse le cerf en question. Tant pis : je me suis tout de même lancé.

- « J'opte pour le cerf et toi ? » lui répondis-je en chuchotant.

Je sentais en lui une crainte envers cette proie. Il faut dire qu’il était immense, musclé de partout et ses bois étaient impressionnant. De quoi avoir un peu recul sur le coup. Mais comment font les grands ? Je suis sûr qu’ils y arrivent, eux. Alors nous aussi on pourrait y arriver. Il faut juste de se donner un peu de courage.