Un nouveau jour se lève, significatif d'une toute autre vie pour toi. Autre chose t'attend. Oublie les rancœurs, oublie tout ce qu'il s'est passé dans ta vie. Oublie les différents, oublie la guerre, et toutes ces choses négatifs qui pèsent sur tes épaules depuis trop longtemps maintenant. Au fond, cette énorme carrure que tu as n'est pas là par hasard. Elle montre tout ce qui a reposé sur tes épaules pendant trop longtemps, et qui laissent des traces tout au fond de toi. Mais forte comme tu es, tu préfères réconforter quelqu'un qui a vraiment de la peine, plutôt que de te morfondre sur ton propre sort. Tu persistes à penser que d'autres loups sur Terre ont une peine bien plus grande que la tienne, alors que ce que tu as vécu est triste, traumatisant, et reste à jamais gravé, laissant toujours une blessure quelque part, même si celle-ci est infime et invisible à l’œil nu. Ton cœur est si pur qu'il t'empêche même de penser ne serait-ce qu'une toute petite seconde à toi. Penser trop à soi n'est jamais bon, mais ne pas y songer une seule seconde est peut-être même pire. Et oui, tu es dans ce cas de figure. Mais les autres loups t'ont toujours appréciée pour ton dévouement, ta bravoure, et l'attention que tu leurs portais. Tu étais même prête à laisser ta vie pour eux, même pour les loups que tu connaissais depuis quelques minutes à peine, et auxquels tu t'étais rapidement attachée. Mais prenons le temps de raconter ton histoire. Ton histoire. Revenons en arrière, le temps de quelques minutes seulement, pour que tu te remémores, pour la dernière fois tu le te promettais, ton histoire, tragique soit-elle.
Tu étais allée te coucher de bonne heure ce soir-là. Trouver le sommeil après une longue journée d'entraînement intensif n'avait pas été chose difficile pour toi. Tu fermas les yeux, et presque simultanément, tu plongeas dans un profond sommeil, t'emportant dans le pays des rêves. Tu ne te rappelais plus de tout, mais l'essentiel que tu aurais voulu oublier depuis longtemps était toujours gravé dans ta mémoire. Un choc qui jamais ne disparaitrait. Peut-être qu'un druide avait la solution à tout ça, et peut-être qu'un d'entre eux pouvait parvenir à te faire oublier ce tragique épisode. Mais au fond de toi, tu n'étais pas certaine d'en avoir envie. En oubliant ce moment de ta vie, tu en revenais à effacer ta famille, même les plus beaux souvenirs que tu avais vécus avant que l'histoire ne se termine mal, très mal. Mais revenons-en aux faits. Les mois passaient, et ta carrure commençait à prendre de plus en plus d'espace ; c'était à peine si tu arrivais à y entrer à ce moment-là. Tu ne savais pas d'où venait cet excès de croissance, mais tu essayais de ne pas trop y penser. Tu dormais, le vent pénétrant dans la tanière où tu te situais, venant caresser ton pelage ondulant au gré du vent, les trois couleurs de ton pelage se mélangeant ensembles. Tes oreilles avaient basculé vers l'arrière, comme si tu étais intimidée, apeurée. Mais non. Tu étais simplement détendue, si bien que tous tes muscles se relâchaient peu à peu. Soudainement, tu basculas sur le côté, te retrouvant à dormir sur ton flanc gauche, manquant de percuter un membre de ta fratrie. Ces derniers ne se plaignaient jamais de toi, étant donné que tu étais l'aînée, que tu étais respectée, et surtout que tu étais attentionnée et que ton cœur était parfaitement pur. Mais le fait que tu prennes beaucoup de place dans la tanière revenait de plus en plus souvent. Et vos parents prévoyaient de changer de tanière peu avant que la guerre n'éclate. Mais ils n'eurent pas le temps. Peut-être que s'ils avaient pu changer d'endroit où dormir le soir, ils n'auraient pas été victime de cette guerre, ayant soulevé des territoires entiers. Tu te sentais responsable. Responsable de la mort de tous tes frères et sœurs. Si tu avais poussé tes parents à bouger plus vite, tes frères et sœurs auraient tous survécus, et vous seriez encore réunis, vivants ensembles, à l'écart des meutes, en paix à jamais. Cela aurait été la version parfaite. L'histoire se serait achevée comme dans les contes de fées. Mais malheureusement pour tous les habitants de la Terre, les contes de fées ne font pas partis de la réalité. La vie est bien plus impitoyable, et les êtres malveillants n'ont malheureusement aucune limite, absolument aucune, provoquant le désespoir chez certaines personnes, tout comme chez toi. Le vent soufflait de plus en plus fort en cette nuit qui avait pourtant commencée calmement, très calmement. Des bruits de pas se mêlèrent à ceux que produisait le vent. Quelque chose se préparait. Le bruit s'intensifia de plus en plus, et ton père et ta mère se réveillèrent tour à tour. Toi, Sofia, tu avais entendu les bruits bien avant eux. Tu les observais, sans réagir, comme si cette fois-ci, tu n'étais pas concernée. Ton géniteur regarda à l'extérieur de la tanière, constatant que des troupes s'approchaient et s'apprêtaient à les attaquer. Il se retourna et se tourna vers sa compagne, grimaçant.

« C'est le moment. »

Lâcha t-il, et la louve acquiesça, en lui souriant, comme si c'était le dernier sourire qu'elle pouvait lui adresser. Ta génitrice se retourna dans votre direction, à ta fratrie et toi, commençant de vous réveiller un à un. Vous deviez partir immédiatement, avant qu'il ne soit trop tard. Tu te mis sur tes quatre membres d'un bond, et sortit immédiatement de la tanière, attendant à l'extérieur. Au bout de quelques minutes, tu ne vis personne sortir et ton regard attisé par la curiosité se faufila à l'intérieur. Tous semblaient paniquer, et tu entras à nouveau dans la tanière. Tu aidas chacun de tes frères et sœurs, et vous commenciez de sortir à l'extérieur dans la précipitation. Mais lorsque chacun de membres de ta famille sortit, tu te figeas, comme le reste de ta famille. Les troupes ennemies étaient face à vous. Tu lanças un regard à chacun des membres de ta famille, car c'était certainement la dernière fois que vous étiez tous ensembles réunis. La guerre frappa. Tu fis tout ton possible pour défendre ceux qui t'étaient chers, et dès que l'un des membres de ta famille était en mauvaise posture, tu volais à son secours, telle une héroïne.Tu gesticulais dans tous les sens, te battant de tous les côtés. Des dizaines de minutes passèrent au combat, lorsque tu reçus violemment un coup sur la tête, qui te fit basculer au sol, t'entraînant dans un sommeil profond. Et puis après, plus rien, le vide le néant. Lorsque tu te réveillas, tu ne savais plus quel jour tu étais, quelle heure était-il. Tout ce que tu vis, c'était le corps de ta mère gisant sur le sol, inanimé. Et après, les Saphirs connaissent la suite, ce qui est normal. On accepte pas une inconnue comme cela sans savoir d'où elle vient et ce qu'elle veut.
Tu étais nostalgique, voilà ce que tu étais. Tu n'arrivais pas à tirer définitivement un trait sur ton passé. Qui pourrait oublier une chose aussi tragique? Et pourtant, ici, tout était différent. Les territoires Saphirs étaient bien loin de là où tu avais vécu, et tu ne voyais plus rien ne pouvant te faire songer au passé. Et pourtant. Depuis que tu étais arrivée ici, une étrange sensation s'était infiltrée dans ton corps, comme si ton passé refaisait surface naturellement, comme si les morts se retournaient dans leurs tombes. Tu devais découvrir ce qui se tramait par ici, pour faire une croix dessus, pour pouvoir commencer définitivement une autre vie, en essayant de fonder ta propre famille par exemple. Tu étais partie sans rien dire, et cela te rongeait, depuis trop longtemps maintenant. Toi qui venait toujours en aide à ton entourage, tu étais partie comme une fourbe. Mais peut-être était-ce mieux comme cela. Tirons un trait sur le passé, définitivement, enterrons-le avec toute ta famille...
Le jour vient de se lever. Un voile orangé se dresse sur la toile bleue qu'est le ciel à cette heure de la journée. Les territoires s'éveillent progressivement, l'agitation commençant à régner sur tous les territoires confondus. Tu t'éveilles à ton tour, t'arrachant la mâchoire en bâillant. Au fur et à mesure que tu bâilles, tes crocs aiguisés et pointus se dévoilent tandis que tes yeux se ferment. Tu finis par refermer ta mâchoire en reprenant ton souffle et rouvrant les yeux. Tu regardes autour de toi. Tu n'as pas dormi dans une tanière comme tout le monde cette nuit. En effet, comme dit précédemment, ton imposante carrure rentre difficilement dans les tanières, et la veille, tu n'as pas trouvé d'endroit apte à te recevoir pour dormir ne serait-ce qu'une seule nuit. Tu as été contrainte de t'endormir dans l'herbe, sur le bord de la rive du saule pleureur. Tu te levas directement sur tes quatre membres d'un bond, avant d'observer le paysage quelques secondes. Calmement, tu te rassis et attendis. Attendre quoi? Quelque chose qui n'arriverait pas : un retour dans le passé.