Quand j'étais rentrée de ma rencontre avec cette charmante louve, Lakota, il était déjà tard. Toute notre journée me remuait. C'était une louve que j'appréciais beaucoup, mais uniquement en amitié. Avec elle je savais que je pouvais me libérer de tout stress et rire en toute liberté. C'était tellement agréable de pouvoir se sentir écouter sans être juger. Enfin bref, toute cette rencontre me tournait dans la tête, soit logiquement, l'insomnie était là, me guettant affreusement, comme si elle désirait me faire craquer, me faire devenir fou. Je ne craquerai pas,non je n'lui ferais pas plaisir à celle là , non mais ! Quel culot ! Pfeuh. Alors, pour ne pas tomber fou, je décidai de me lever de ma tanière et d'aller faire un tour dans les territoires Saphirs, histoire de pas trop me faire virer. Surtout à cette heure là, dans d'autres territoires que les miens, je risquais de ne pas me faire accueillir comme il se doit.

Après un bref moment d'hésitation, je décidai de me diriger vers la Grande Forêt. L'endroit n'était pas trop éloigné de ma tanière et j'aimais écouter la forêt respirer et vivre. Oui , même en pleine nuit, elle regorgeait tellement de vie, qu'elle ne dormait pas. Elle ne dormait jamais. Elle était, peut être, comme moi. Guettée par l'insomnie, cette horrible "amie" qui vous tient compagnie tout au long de la nuit.
Tandis que j'étais perdu dans le méandre de mes pensées, j'arrivais enfin à l'endroit tant convoité.Comme je m'y attendais, l'endroit ne dormait pas. Des cris perçait, de temps en temps, le voile de silence qui s'était abattu sur la nuit. Des bruissements,des grattements animait la Forêt. Au clair de lune, l'endroit était d'avantage poétique qu'il en avait l'habitude. On aurait presque pu y ajouter une princesse qui s'y reposait que rien ne m'aurait choqué. J'avais l'impression qu'ici, tout était possible, que tout était envisageable. J'avais envie de hurler, de me défouler ici. Je sentais que je pouvais me détendre. Que même si la Forêt tout entière semblait m'observer, ici je serais en sécurité. Alors, l'envie me gagna de hurler. J'eus tout d'abord comme des vagues de chaleur qui parcourait mon corps, puis un bourdonnement qui me perçait les tympans, et enfin, ma voix se fit entendre à travers toute la forêt et sans doute, bien au delà.

Puis soudain , derrière moi, j'entendis un bruissement régulier dans les feuilles qui tapissait le sol. Comme des bruits de pas. Des bruits de pas feutré. Comme si quelque chose d'agile, de léger , de Plume...Pluminant se dirigeait vers moi. Je me retournai , lentement, comme si le temps pouvait se défiler devant moi. Comme si toute une vie pouvait s'écouler. Puis , là, planté au milieu de la flore, de la nature, se tenait une louve, au vu de son museau si fin. De sa silhouette si élégante, si raffinée. Elle avait un pelage blanc qui reflétait la douce lumière de la pleine lune. Je ne pus rien faire d'autre que de me tenir là, immobile, comme une stupide statue de pierre. Je me maudissais en ce moment même, pour cela.

Marche silencieuse. Les arbres bruissaient sur son passage, le vent s'infiltrant dans les branchages, les caressant telle une main maternelle. Elle marchait d'un pas soutenu mais léger dans la forêt, les derniers rayons du soleil d'hiver dardant sur sa fourrure d'ivoire. Elle avançait au hasard de ses pas, ne sachant pas où cela la mènerait. Elle se laissait simplement guider par son instinct infaillible, à qui elle faisait absolument confiance. Alors, seulement, sa silhouette apparut. Grande, elle était d'une finesse exquise et sa robe blanche se teintait de vert émeraude et de couleurs hivernales, jeux de lumières crées par les feuilles des arbres filtrant les rayons du soleil. Son corps semblait sculpté dans la roche, avec ses muscles apparents et finement taillés tandis qu'elle avançait, le port de tête altier et l'allure légère. On nommait cette belle demoiselle Saëna.
Et, tout comme elle était apparue, elle disparut soudainement, s'évadant dans les méandres de son esprit. Seul son corps était encore présent dans ce lieu quéri par la solitude et par le silence. Même les oiseaux respectaient cela et l'accompagnaient sans bruit au plus profond de ses pensées. Loin, très loin d'ici. Dans un monde qu'elle s'était figurée de toutes pièces et dont seul elle avait les clefs pour y accéder. Un monde fantasmagorique, faits d'illusion. C'était ainsi que cette éprouvante journée touchait à sa fin, tandis que le crépuscule commençait à illuminer les lieux de ses couleurs chatoyantes, laissant place à une douce fraîcheur nocturne. Bientôt, l'heure de la Nuit sonnerait, et tout se perdrait dans le néant, dans le noir total que seule la lune viendrait éclairer par son halo argenté. Tout ici était beau, tout ici était vivant mais ces terres n'étaient pas familières à la louve qui les arpentaient. Malgré leur apparente beauté, elles lui semblaient hostiles et inhospitalières. Et vides. Vides de toute présence. Pas même un loup aux alentours. Seulement la nature et la brise nocturne qui semblait l'accompagner à chacun de ses pas. Tendre et douce compagne pour une demoiselle tel qu'elle. Silence accablant, douce mélodie qui résonnait aux oreilles de l'arctique. Comme un souffle mélancolique, le vent la frappait alors qu'elle filait à travers les frondaisons des arbres, ses puissantes pattes martelant le sol avec entrain. La grande blanche accéléra encore, son corps pâle contrastant avec le décor environnant, s'en allant plus prompte et rapide que le vent, si cela était possible.

Et enfin, elle arriva au bord d'un lac. Vaste étendue d'eau aux milles reflets qui n'était pas sans lui rappeler son passé. Le lieu aurait pu être paradisiaque si les lieux avaient été nimbés d'une douce lumière, à la place d'être enveloppés par un voile noir qui commençait à recouvrir le monde et ses habitants. Les quelques mèches rebelles de la louve et quelques poils blancs épars étaient soulevés par un souffle taquin. Son pelage tombait sur des muscles finement ciselés, comme s'ils étaient taillés dans le marbre ainsi que des pattes puissantes et noueuses. Poussant un long soupir, exhalant son haleine teintée d’amertume, elle finit par s'asseoir sur un rocher, son regard rivé sur le lac dont elle ne pouvait plus se détacher. Souvenirs, souvenirs, ô douloureux souvenirs. L'eau qui refluait doucement sur la rive, irisée. Nature libre et sauvage. Saëna se perdit dans la contemplation de son reflet, ses prunelles d'azur fixées sur sa propre image qui miroitait dans l'eau. Père, mère. Ses pensées, toutes ses pensées convergeaient vers les siens, quoi qu'elle fasse, quoi qu'elle dise. Sur les terres hostiles où elle se trouvait, elle n'était plus la bienvenue. Sa place était désormais chez les Saphirs et non plus chez les Diamants, la meute dans laquelle elle était née, elle avait été élevée et la meute qu'elle aurait pu diriger si elle avait été ne serait-ce qu'un peu plus forte. Le vent mugissait à ses oreilles, la faisant vibrer de son être tout entier, la faisant frémir, par ses longues plaintes qui venaient s'insinuer jusque dans ses oreilles. Ses poils volaient en tous sens, ébouriffés, lui donnant un air farouche que l'expression de son visage venait démentir. Des yeux d'un bleu azur profond, des lèvres où fleurissaient un sourire tendre et délicat, tout comme elle l'était elle-même. Relevant la tête, elle se perdit dans la contemplation de la lune, sa plus grande amie tandis qu'elle se trouvait seule, en ces lieux où le silence et la solitude étaient maîtres. Pas un bruit hormis celui du vent venant caresser la surface lisse de l'eau. Pas un bruit hormis le froufrou de velours que produisaient les arbres sous le souffle du vent. Rien.
D'un bon léger, avec grâce et volupté, la belle demoiselle quitta son perchoir pour retrouver la terre ferme et la fouler de ses pattes blanches comme l'ivoire. Dame blanche dans le noir lugubre de la nuit. Elle semblait telle une incarnation, tandis qu'elle s'engouffrait au plus profond de la forêt, au plus profond de ses pensées, perdue dans le lointain.

Toujours planté là, j'observais la louve sortie de nulle part. Son pelage m’éblouissait toujours, comme si milles diamants se trouvaient sur son pelage d'ivoire et reflétait les doux rayons de la lune. Je me trouvais toujours bouche bée, et je ne pouvait dire quoi que ce soit. C'était comme si on m'avait scellé le museau à jamais pour que plus jamais je ne puisse m'exprimer. Ou alors, mon cerveau n'arrivait tout simplement pas à capter l'information, soit celle de bouger ou de parler , enfin soit de faire quelque chose , n'importe quoi. Bref il me fallait réagir et la première chose que je fis alors fut complètement idiote. Je me mis à couiner , comme si j'étais en danger, ou comme si j'avais peur. Mais ne vous méprenez pas, ce n'était rien de cela ! Seulement, mon cerveau à dû avoir, à ce moment là, un petit moment de ralentissement. En fait en gros, mon cerveau rame. Ouais, il est en train de ramer en pleine semoule.Je sentais le sang cogner à mes tempes et je baissai la tête, pour réduire mon adrénaline. Je secouai la tête et me raclai la gorge. Enfin, mon cerveau reprit de plus belle et je pu enfin me mettre à parler et à réagir correctement.

-Bonsoir, mademoiselle la lune. Que faites vous ici, sur terre ? Votre éclat perturbe mon bon fonctionnement, vous savez.

Je me rendis compte, presque une éternité après de ce que je venais de dire. Mon dieu, pourquoi suis -je aussi maladroit... C'était exaspérant. Enfin bref, il était trop tard, je ne pouvais désormais plus me rattraper. Vraiment, cette fois mon cerveau est allé trop vite, ou plutôt ma langue s'est déliée bien trop vite. Et puis, c'était de sa faute. Elle me trouble. Elle trouble mon bon fonctionnement. Pourtant d'habitude, je ne m’intéresse pas autant à la lune, bien que son éclat m'attire d'avantage que je ne le prétend. Mais cette fois c'est la lune personnifiée qui se tient là, devant moi, au beau milieu de la forêt. Je voulais me détourner de cette apparition presque surnaturelle, mais je n'y parvenais point. C'était comme un espèce de besoin vital, comme si mes maudits yeux étaient attirés par la louve. Alors , je lui tournai le dos, et regardais vivre la forêt. La lune , la vrai, celle qui se tenait là haut , dans le ciel, entourée de ses amies les étoiles, semblait bien rire en me voyant. Je lui dit, contrarié.

-Cesse de te moquer de moi, vieille carne ! Ou je me débrouille pour pouvoir te cacher à jamais , et pour que le soleil régne sur la terre pour toujours.

Et là, ce fut comme si elle ne m'écoutait plus, comme si elle ne faisait plus attention à moi. Je me rendis soudain compte que je n'étais plus avec Lakota, et que j'étais désormais avec une inconnue, une louve qui devait surement me prendre pour un fou. De toute façon, je n'en avais cure. Que cette louve me voit comme elle veut, de toute façon , j'étais libre et je pouvais lui fausser compagnie n'importe quand, quand je voulais. Tiens, d'ailleurs qu'est ce qu'il m'empêchait de le faire ? Eh bien, voila , je vais le faire. Je vais le faire... Je pars... J'essaye de partir... Je n'y arrive pas... Je m’assois. Que diable m'arrive -il ?! Depuis quand je suis relié à un stupide endroit ? Depuis quand je dépend de quelque chose ou de quelqu'un ? Depuis quand j'avais un compte à rendre avec cette forêt ? Je décidai que mes réactions étaient tout à fait puériles, alors je me retournai, faisant face à la louve, la regardai bien dans les yeux et ne détournai plus les yeux ni la tête. A nous deux maintenant ! Et puis d'abord, qu'est ce qu'elle faisait ici , à cette heure ? Avec un ton et des paroles bien moins avenantes que la première fois que je lui avais parlé, c'est à dire il y a quelques minutes, je lui demandai.

-D'ailleurs , oui , tiens, que faites vous ici à cette heure ? Ça peut être dangereux. Surtout pour une louve.

Malgré mes paroles, je savais qu'il n'y avait rien de dangereux ici, rien du tout. Surtout qu'elle avait la même odeur que ma meute. D'ailleurs oui, j'en étais certain maintenant. Elle était des nôtres, mais je ne l'avais jamais vu auparavant. D'où venait-elle avant ? Était-elle au moins née ici ?

Seule, comme bien souvent. Personne sur qui elle pouvait compter. Personne pour venir la réconforter. Personne pour venir lui chuchoter des, mots doux, des mots d'amour à l'oreille. Personne contre qui elle pourrait se blottir et laisser son esprit s'évader dans les méandres de son esprit, dans un monde irréel et fantastique qui pourrait lui faire oublier toutes ses peines. Personne à l'horizon. Personne dans cette forêt d'émeraude. La présence qu'elle avait perçue tout à l'heure semblait s'être évanouie, comme une ombre peuplant la nuit, noire et effrayante. Personne. Rien qu'elle et la solitude à qui elle était enchaînée, la traînant derrière elle comme une condamnation.
Le vent venait ébouriffer sa fourrure blanche, comme un souffle mélancolique. Un silence accablant régnait sur cette vaste étendue d'arbres et elle semblait se faire silencieuse, peu à peu, respectant son deuil qu'elle n'avait jamais su faire. Que représentait la vie après tout, dans cet univers ? Elle n'était qu'une infime seconde parmi l'infini, rien qu'un court moment où l'on éprouvait désir, pulsions, amertume, tristesse, colère, souffrances... Chaque vie dessinait une courbe sur la ligne du Temps et puis c'en était fini. Le Temps, cette divinité malveillante que nul n'avait réussi à apprivoiser. Le Temps, incorruptible et cruel, qui vous rend impuissant. Le Temps qui s'échappe, qui coule, qui glisse entre vos griffes, vainement. Le Temps que vous ne pouvez rattraper. Le Temps qui vous fuit, qui vous rattrape.
Saëna avait compris. Elle savait qu'il était inutile de courir à perdre haleine derrière, d'essayer de rattraper le temps perdu. Elle finirait bien par se laisser distancer et sombrer dans les abimés de l'oubli, comme bien d'autres qui avaient trépassés et dont on n'avait jamais plus parlé. Pourquoi craindre une mort dont elle se prenait à espérer la venue imminente ? Son père, sa mère, sa famille, ses amis, peut-être l'attendait-ils déjà là-bas, dans l'au-delà ? Elle voulait rejoindre les défunts dominants diamants qu'elle avait tant aimée, elle la princesse déchue oubliée aux yeux du monde entier. Quand on lui demandait son nom, nul ne se souvenait de ce dernier à la consonance si mélodieuse pourtant et qui avaient ravi bon nombre de loups, autrefois, lors de sa naissance. A présent, elle n'était plus qu'une dame blanche, une âme en peine, errante dans la forêt lugubre.
Plongée dans ses pensées, vulnérable, elle ne faisait pas la différence entre la réalité et son inconscient. Sur le point de sombrer dans un lourd sommeil, elle distinguait quand même les pas feutrés d'un animal qui se rapprochaient au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient, interminables. Une odeur parvint à son museau, douce et délicate, masculine comme jamais. Elle tressaillit de tout son long et redressa lentement la tête, ses yeux discernant peu à peu une silhouette noire qui se découpait dans le fond nocturne. Était-ce la Mort, habillée de sa plus somptueuse apparence qui venait le cueillir, elle, la louve qui avançait au gré de ses pas, seule face à l'infini ? Elle dut se rendre à l'évidence, que cela l'attriste ou non. Ce n'était pas la Mort qui était venue la chercher. Pas encore. C'était un loup, en cher et en os qui se dessinait devant elle, grand, beau et majestueux. La présence dont elle s'était toujours prise à rêver et qui allait peut-être la sortir de cette solitude qui était, pour le moment, sa seule et unique compagne.

« Bonsoir, mademoiselle la lune. Que faites vous ici, sur terre ? Votre éclat perturbe mon bon fonctionnement, vous savez. »

Lui dit alors l'inconnu dont le son de sa voix sonna à ses oreilles comme une douce mélodie. Elle se sentait tellement lointaine, comme si elle rêvait, qu'elle n'eut pas la force de bouger. Elle se contentait simplement de contempler le loup aux traits finement ciselés. Il possédait un charme, sans nul doute, qui lui faisait presque oublier tous ses maux, quand elle se plongeait dans son regard aussi profond qu'un gouffre. Un songe ou une hallucination ? Non. Il était bien réel. Elle le voyait de ses propres yeux et pouvait le toucher, si l'envie lui prenait. La seule crainte qu'elle éprouvait en et instant était qu'il ne s'évapore comme il était apparu, comme s'il n'avait jamais existé. Et ça, elle ne pourrait le supporter. Ce loup avait été la seule personne avec qui elle avait eu contact après des jours, des semaines et peut-être même des mois de solitude. Le Temps lui échappait, elle ne le suivait plus. Les secondes, les minutes, les heures, les jours, tout lui étaient inconnus ; seules les saisons lui restaient familières. Mais il était là, le beau loup blanc, son odeur, sa chaleur et son contact autour d'elle. Un fin sourire s'étira sur les lèvres de Saëna tandis qu'elle reportait son regard sur lui, magnifique et resplendissante avec sa courte fourrure d'ivoire. Quand il lui demanda ce qu'elle faisait ici, elle frissonna de tout son long, un frisson qui courut le long de son échine, de son dos pour ne s'arrêter que jusqu'au bas de ses reins. Frisson imperceptible qui ne fut, quelques secondes après, qu'un simple souvenir déjà quasiment oublié. Elle lui répondit de sa voix limpide comme l'eau et légère comme le vent, un sourire énigmatique s'ébauchant sur son visage d'ange.

« Je me promène, comme vous, je suppose. Et ne croyez pas qu'une louve telle que moi ne sache pas se défendre. Au contraire. Je suis peut-être moins forte que vous, les mâles, mais peut-être plus rusée que vous ne le pensez... »

Cette chère demoiselle,qui troublait mon calme intérieur, semblait assez déboussolée...
Il me semblait qu'elle était bien présente ici, mais que son esprit voyageait ailleurs. Je cru vraiment qu'elle n'allait pas me répondre, au début, alors si elle ne m'aurait pas répondu dans les secondes qui suivirent , je serai certainement parti, offusqué de n'avoir pas eu de réponse à mes questions. Seulement, d'une voix douce et mélodieuse, elle répondit.

« Je me promène, comme vous, je suppose. Et ne croyez pas qu'une louve telle que moi ne sache pas se défendre. Au contraire. Je suis peut-être moins forte que vous, les mâles, mais peut-être plus rusée que vous ne le pensez... »

A ces mots là, un grand sourire s'étala sur mon visage, sans raison apparente. Ah si, peut être que la réponse m'avait fait plaisir, pour quelque raison que ce soit. Il faut croire que j'apprécie fort les gens avec un caractère bien forgé, et d'autant plus une louve avec une enveloppe charnelle aussi agréable à contempler. Je pris mon temps pour lui répondre car je regardais tour à tour la louve et la lune. Sans aucun doute, c'était bien les mêmes. Mais la louve en face de moi était plus belle encore. C'est vraiment ce que je pensais. La lune descendue sur terre, changée en une louve. Peut être même était-ce une sorte de déesse ? Vous savez... Une déesse de la lune, peut être ? Enfin, non. Je divague. Reprenons.
Soit, je lui répondis d'un ton rêveur, presque douceâtre

-Je ne remet point votre parole en doute. Je suis sûr que vous n'êtes , peut être, pas très forte en carrure mais je pense que votre cerveau est un vrai mécanisme débridé.

Soit j'avais encore tenté une phrase élogieuse à l'égard de la louve, mais, encore une fois, j'avais fait une comparaison de... Mauvaise qualité. Très mauvaise qualité. Il fallait me rendre à l'évidence, j'étais un bien piètre poète. Bon, pour rattraper le coup, je tentais de lui faire un beau sourire, je n'étais même pas sûr qu'il soit très réussi.
Je me ressaisis, et lui posai une autre question.

-Bien, si cela n'est point indiscret, êtes vous aussi guettée par cette garce perfide appelée communément, insomnie ?

Oui, c'est bien la seule chose d'a peu près correct que j'avais trouvé à dire. Mais que voulez vous, mon âme de poète qui était peut être enfouie dans les tréfonds de mon âme avait désiré s'éveillé ce soir. Et c'est très rare. Cela veut donc dire, qu'il y a quelque chose de spécial, avec elle. Elle... Mais Elle avait certainement un nom, et moi aussi d'ailleurs ! Oh diantre, quel infamie, j'avais oublié de m'être présenté à cette chère demoiselle.

-Ah, au fait, pardonnez mon impolitesse, ma demoiselle, mais j'ai certes oublié de me présenter. Je me nomme Raven, gardien Saphir. Et vous , qui êtes vous ?

Je ne savais pas vraiment si j'étais prêt à savoir qui elle était vraiment. Oui, c'est vrai, l'idée qu'elle soit la lune descendue sur terre m'envoûtait , bien que cela ne soit impossible. Et puis c'était aussi bien en inconnu, non? Oh peut être, mais soit, tant pis, le mal était fait et je ne pouvais malheureusement, revenir dans le passé. Cette fois ci, je me retournai et vis la la Lune, qui cette fois, ne se moquait plus de moi mais elle semblait justement m'esquisser un sourire d'encouragement. Je lui rendis son sourire, bien que j'eusse certainement paru pour une fou.

« Je ne remets point votre parole en doute. Je suis sûr que vous n'êtes, peut-être, pas très forte en carrure mais je pense que votre cerveau est un vrai mécanisme débridé. »

Saëna étouffa un gloussement au plus profond de sa gorge tandis qu'un large sourire s'ébauchait sur son visage angélique aux airs innocents. La comparaison était d'une maladresse incomparable mais elle trouvait à cet inconnu un charme qu'elle ne pouvait nier et dont elle ne pouvait faire abstraction. Finalement, la soirée promettait d'être belle. Quelques instants auparavant, elle était tout seule, perdue, lasse de la vie qu'elle avait menée jusque lors et en moins de temps qu'il n'avait fallu pour le dire, elle s'était retrouvée avec un beau damoiseau à ses côtés, qui plus est qui semblait un tant soit peu attiré par elle, à en voir son comportement. Mais la belle blanche ne laissa rien transparaître, quant à elle. L'amour, l'attirance ? Elle connaissait mal ce genre de sentiments, n'ayant jamais pris le temps de s'attarder sur des choses aussi futiles pour elle, dans le passé. A part avec Nagash. Celui pour qui elle avait porté un amour considérable, sans limite jusqu'à ce qu'il meure, la laissant dans une solitude et une tristesse sans borne, inimaginable. Elle découvrait tout juste certains sentiments, qui naissaient en elle et flamboyaient dans son cœur qui ne demandait qu'à être pris, sans pour autant en connaître la signification. Trop longtemps la solitude avait été sa seule compagnie, mais Saëna sentait que c'était durant cette soirée de printemps, éclairée par quelques milliers d'étoiles que sa vie allait chavirer, sans pour autant savoir l'expliquer.
L'ancienne princesse diamant qu'elle était frôla l'épaule du jeune loup, caresse qui fit naître en elle un tourbillon de sensations toutes plus étranges les unes que les autres. Troublée, elle détourna le regard et rompit le contact avec l'inconnu. Tout son être vibrait des battements incessants de son cœur qu'elle ne pouvait contrôler. Désir, passion, et la folle envie de se nicher contre le loup inconnu et de ne plus jamais bouger. Stupéfiant ce qu'un être pouvait vous faire ressentir d'un simple coup d’œil alors qu'on ne le connaissait nullement ! Doucement, elle cligna des yeux, gravant dans sa mémoire l'image de ce loup. Elle devait rêver, non. C'était impossible. Elle avait été seule tellement longtemps qu'elle avait du mal à s'habituer à la présence d'autrui, même si elle la désirait ardemment. Ce devait être un songe, une hallucination. Une apparition en chair et en os, qu'elle pouvait palper et sentir.

« Bien, si cela n'est point indiscret, êtes vous aussi guettée par cette garce perfide appelée communément, insomnie ? Ah, au fait, pardonnez mon impolitesse, ma demoiselle, mais j'ai certes oublié de me présenter. Je me nomme Raven, gardien Saphir. Et vous, qui êtes vous ? »

Continua le loup après cet instant de silence privilégié, brisant ainsi le chant muet qui s'était installé tandis qu'elle réfléchissait, qu'elle se perdait dans ses pensées, elle la dame blanche seulement éclairée par un halo argenté. Perdue dans ses pensées, loin, très loin d'ici. Dans un monde éphémère, fantasmagorique, qu'elle avait inventé. Chimère de son esprit, de ses idées. Elle voulait se changer les idées, penser à autre choses et pourtant, toutes ses pensées, unanimes, convergeaient vers l'être qui se trouvait à ses côtés et qui brûlait d'une ardeur sans pareille, impatiente. Lentement, elle rapprocha sa tête de la sienne, son souffle chaud contre son visage fin. Elle se sentait apaisée de tous ses maux et elle fit le vide dans son esprit, ne pensant plus à rien. Elle resta ainsi quelques instants avant de redresser la tête et de plonger son regard d'azur dans celui du dénommé Raven. Elle souffla d'une voix polie en la dévisageant, au clair de lune, de ses prunelles d'un bleu intense. Bleues comme la mer, bleues comme le ciel des beaux jours d'été. Bleu éclatant, contrastant magnifiquement avec la blancheur d'ivoire de son pelage. Elle avait un charme, nul doute là-dessus. Un charme qui avait fait fondre plus d'un loup dans sa vie et qui, sûrement, opérait encore.

« Seriez-vous insomniaque, mon cher ? Mais n'allez pas croire que ce soit le cas pour moi ici. Sinon, je suis enchantée de vous rencontrer, Raven. Mon nom est Saëna, et suis traqueuse chez les Saphirs. Nous voilà camardes, alors... » Puis elle ajouta, d'une voix plus ténue. « Bien que je sois une Diamant de naissance légitime. »

Un instant presque privilégié s'installa alors entre nous deux. Elle, la belle louve blanche que je comparai avec la Lune et moi, le mystérieux loup noir que l'on comparait à un corbeau. Le corbeau et La Lune... Cela sonnait comme le titre d'une fable ou encore d'un poème sur le thème de la nuit et ses profonds méandres.
La lune répondit à mes avances particulièrement maladroite par un petit rire cristallin et un sourire. Gêné, je lui rendit son sourire, et baissai les yeux. Cet instant se prolongea longuement, tandis ce que nos pelages se frôlaient, créant maintes réactions chimiques en moi.. Je frissonnai et mon ventre semblait remplis de milles papillons qui voudrait sortir d'une cage sombre. Je fermai les yeux, pour profiter au mieux de ses centaines de sensations que notre rapprochement me procurait. Son odeur était enivrante et j'avais envie de ne sentir plus qu'elle. Puis brusquement, elle brisa cet instant magique de sa voix douceâtre.

« Seriez-vous insomniaque, mon cher ? Mais n'allez pas croire que ce soit le cas pour moi ici. Sinon, je suis enchantée de vous rencontrer, Raven. Mon nom est Saëna, et suis traqueuse chez les Saphirs. Nous voilà camardes, alors... » Puis elle ajouta, d'une voix plus ténue. « Bien que je sois une Diamant de naissance légitime. »

Je me laissai emporter par la caresse du vent nocturne, celui ci m’enlaçant de sa douce fraîcheur et je répondis.

-Certes non, je ne le suis point, gente dame, mais simplement, aujourd'hui fut une exception. J'ai passé une lourde journée et de centaines de choses se bousculaient dans ma tête, j'avais besoin d'air. Oh, très bien, vous n'êtes donc pas insomniaque, c'est une bonne chose, cela fiche une vie en l'air, parait-il.

Je pris une pause afin de planter une nouvelle fois ses yeux dans les miens. Pour une fois, je n'avais aucune envie de débiter la moindre connerie, si je puis me permettre et tant mieux d'ailleurs. Parfois, mon caractère me faisait défaut.
J'eus du mal à reprendre là où j'en étais car non seulement je m'étais perdu dans les tréfonds de mes pensées mais aussi dans les tréfonds des yeux de Saëna. Je secouai la tête puis repris.

-Ah nous sommes donc, comment puis-je dire, oui camarade, c'est cela. J'en suis très heureux, ainsi nous pourrons nous recroiser à l'avenir. Ah vous étiez donc Diamant de naissance. Je m'entend bien avec les Diamants...Enfin bon, si cela n'est pas trop indiscret, qu'est ce qu'il vous a pousser à passer d'une meute à l'autre? Bien sûr si vous ne souhaitez pas me le dire... Gardez le pour vous surtout.

Une nouvelle fois, je lui souris, et en même temps, j'eus l'impression de sourire à la vie, de sourire au bonheur. Et là, je ne pu m'empêcher de penser que j'avais bien fait de ne pas dormir tout de suite, sinon je n'aurai jamais pu faire cette rencontre.