Cottonwings

Histoire

Cottonwings est née sous le joug d'un printemps fleuri offert à des terres bien lointaines de celles de Wolf Temporal. Elle était la fille des dominants de la meute, fiers loups menant le groupe avec force et douceur à la fois. Ils étaient respectés de tous les membres de la meute, et ceux qui tournaient mal étaient chassés avec vigueur. C'était un temps de paix, que maintenait la meute avec vigueur, fuyant tout problème. Honnêtes, francs, ayant du tact, doux et tendres, ils ne manquaient de rien, la solidarité était une qualité de la meute. Cottonwings grandit au centre des attentions et bien qu'elle était une princesse choyée et gâtée, elle n'en perdait pas moins ces mêmes valeurs, promettant une succession qui gonflait d'orgueil le torse de ses parents, et de tous. Cette année-là, peu de louveteaux virent le jour, et la petite se lia d'amitié avec tous. Tous, sauf un. Elle se demanda longtemps où ce beau louveteau noir avait pu s'inspirer et se forger ce caractère si détestable. Elle avait demandé à multiples reprises et à multiples membres du Clan s'il existait sur ces terres un loup, ou une meute, respirant le mal. Mais chaque fois, la réponse était négative. Cottonwings en déduit que ce louveteau était mauvais au plus profond de lui-même et que jamais rien ne pourrait le faire changer de voie.
Elle grandit à ses côtés. Au début, elle avait voulu, comme avec les autres, aller vers lui, apprendre à le connaitre. Il se montrait toujours distant et froid. Elle s'était dit que c'était une carapace; mais les mois passaient, et son attitude vis-à-vis d'elle devenait presque plus glaciale qu'elle ne se réchauffait. Finalement, une haine que la petite n'avait pas voulu naquit entre les deux, et ils grandirent en découvrant petit à petit cette sensation que personne dans la meute ne leur avait fait découvrir. Le résultat fut un massacre.
Peu à peu, la petite ne fut plus la seule souffle-douleur du louveteau noir. Celui-ci voua une haine sans précédent envers son père, là encore sans explications. C'était clair : il détestait cette meute, il ne voulait pas vivre avec ses membres. Mais, plus que la fuir ou s'en faire exclure, il avait d'autres projets, et sembla monter son plan très à l'avance. Seulement, personne ne le confondit : Cottonwings fut la seule à se rapprocher de la vérité.

Trois années avaient passé. La meute était la même, seule Cottonwings savait ce qui se tramait dans ses coulisses. Celui qui s'était transformé en son ennemi, Fireway, était chaque jour plus détestable avec elle. Mais il se contenait devant les autres membres de la meute, et notamment devant celui qu'il haïssait également, le dominant. Son souhait était certainement de ne pas se dévoiler, de ne pas se montrer tel qu'il était. ''Je te ferai payer ta petite vie bien heureuse, avait-il dit un jour à son ennemie, les yeux injectés de sang. Et ce qui devait arriver arriva.

~

Une masse ensanglantée gisait au loin. Cottonwings courait en sa direction, le souffle haletant, les yeux aveuglés par la peur, le cœur tambourinant contre son poitrail. À force de sa course, ses coussinets saignaient, mais la douleur ne l'arrêtait pas. C'était son père qui était étendu là, le poil tâché de sang, la vie le quittant chaque seconde un peu plus. Les yeux aveuglés par les larmes, la jeune louve se précipita à ses côtés, blottissant son museau dans le poil fourni du cou de son père. Celui-ci gâcha son dernier souffle à prononcer le nom d'un traître : Fireway.

Sa course était aussi rapide et violente que celle qu'elle avait exécutée en voyant au loin son père mourant. Elle se dirigeait désormais à toute vitesse en direction de la meute. Il fallait qu'elle les prévienne. Ils étaient en danger. Fireway était désormais tâché par le sang, lui aussi. Et il n'en serait sûrement pas à son dernier coup d'essai.
Lorsqu'elle vit le groupe au loin, un soupir de soulagement lui donna de la force pour la fin de sa course. La mort de son père l'avait traumatisée, mais plus important désormais, il fallait qu'elle protège la meute. Car elle savait ce qu'il s'était passé ce jour-là. Les autres non. Elle partageait ce secret avec son pire ennemi.
Le soulagement fut de courte durée : un frisson la parcourut lorsqu'elle vit se détacher des poils gris et beiges un grand loup sombre aux yeux rouges. Fireway avait été plus rapide, et sur ses babines trônait un dangereux sourire. Quant aux autres membres de la meute, ils avaient tous un regard accusateur porté sur Cottonwings. Celle-ci ne comprenait pas. Elle déchargea son message : Bannissez ce tueur ! Il a tué mon père, votre dominant ! Mais ses cris, ses larmes emprises de vérité n'émurent personne. La manipulation dont ils étaient victimes, et dont le mâle anthracite était le maître d’œuvre, leur dissimulait la vérité, la remplaçant par le mensonge. Et ces traces de sang sur ton pelage ? Fireway a tout vu, il a couru nous prévenir. C'est toi qui a tué ton propre père !

Cottonwings sentit ses pattes chanceler. Elles ne supportaient plus son poids. Elle regardait, effarée, les membres de sa famille, qui se retournaient tous contre elle à présent. Le mensonge triomphait sur la vérité, et c'était à elle d'être exclue à présent.
Sa mère, les yeux embués par la tristesse et le doute, ne réagit pas en voyant sa fille s'éloigner.

Fireway l'accompagnait à présent. Les deux loups, l'un noir, l'autre blanc, l'un mensonger, l'autre honnête, semblaient deux contraires qui auraient fait de grandes choses s'ils avaient été unis. Mais l'un s'était promis un voyage jusqu'aux enfers, destination qu'il n'atteindrait qu'après des années de paradis. Quant à Cottonwings, sa victime, elle se destinait à vivre des années d'enfers à sa place.
La frontière s'approchait, et le seul mot que le parjure prononça expliquait tout : pouvoir.

Et tandis qu'elle quittait ces terres qui n'étaient désormais plus siennes, tandis qu'elle se destinait à en découvrir d'autres, s'imaginant vivre seule pour le reste de ses jours, Cottonwings n'avait plus qu'une image en tête : celle de sa meute croyant avoir banni le meurtrier, celle de ses proches vivant dans le mensonge malgré eux, et surtout, celle de son ennemi tâché de sang invisible, menant cette meute qu'il avait remporté par la triche, manipulant son monde tel un acteur manipulant des marionnettes.

Derrière l'écran