« On a parfois l'impression que les éléments se déchaînent contre soi, comme pour nous empêcher d'atteindre notre but. Faut-il pour autant baisser les bras ? Certainement pas ! Les difficultées de la vie et les mauvais coups du sort ne doivent pas nous faire renoncer à nos rêves. Il faut être courageux, tenir debout et avancer contre vents et marées, même si la route peut paraître interminable. Il arrive un moment dans la vie où on se questionne, où on se cherche et où on aimerait se découvrir. On rêve d'une vie plus féérique, plus belle, plus excitante. Puis on se rend compte que le bonheur peut se trouver dans les moments les plus inattendus, et on se dit que c'est ça être heureux, savoir prendre la vie comme elle vient, sans réfléchir. »

Le soleil était au zénith en cette belle journée. Le soleil dardait sur les terres ses puissants rayons lumineux, embrasant les lieux d’une chaleur épouvantable à laquelle nul ne pouvait échapper. Pas même le bel Hermès, dont la silhouette glissait sur le sol, avec une impression de lenteur infinie. Il filait à la manière d’un fantôme, errant sur un territoire qu’il ne connaissait que trop bien. Il tentait de se tenir droit et de paraître solide mais la terrible soif qu’il n’avait pu étancher depuis bien des jours l’en empêchait. En quête d’un point d’eau qui lui permettrait de se rafraîchir, Hermès scrutait les environs de ses yeux vairons, aux prunelles dépareillées. Mais l’espoir n’était plus là, et la force l’avait quitté. Une chaleur suffocante s'était installé sur les terres et Hermès priait de tout son être pour qu'elle ne soit que de courte durée. Le moindre effort était un véritable supplice pour le loup brun. D’un moment à l’autre, il pouvait défaillir et ne plus jamais se relever, sentant ses forces le quitter. Car en plus de ne pas avoir bu depuis des jours et des jours, il n’avait pas mangé non plus. Le gibier se raréfiait, se terrant sous terre pour échapper à la chaleur ou fuyant tout simplement les terres en quête d'un endroit plus frais. Il se maudit à haute voix de la fatalité qui s'était abattue sur lui, alors qu'il traversait de plus l'un des territoires les plus chauds de Wolf Temporal, même en temps normal. Mais il se savait proche de son but, oui, car ici, il y avait forcément un point d'eau, dans cette jungle tropicale. Que ce soit de la boue ou autre, tout lui allait tant que cela puisse étancher la grande soif qu'il devait supporter. Hermès se prit alors à rêver d'un grand lac où il pourrait s’abreuver autant qu’il le voudrait. La seule pensée qui l'obsédait était que bientôt, il aurait étanché sa soif et tout cela ne serait qu’un souvenir lointain. Malheureusement, non. Sa déception fut immense quand il remarqua qu’il n’y avait aucun point d’eau à l’horizon. Pourtant, et il en était sûr et certain, il y avait autrefois un cours d'eau, traversant cette jungle. Il était persuadé que ce n’était pas le fruit de son imagination. Mais tout se bousculait dans sa tête. L’absence du point d'eau qui aurait normalement du se trouver là signait sa fin toute proche. Il ne pourrait pas rester éternellement déshydraté, il adviendrait bien un moment où la soif qu’il ressentait le vaincrait à jamais… Sa respiration ralentit et il pila net, ses yeux fouillant désespérément et vainement la jungle tropicale où se balançaient des lianes au rythme du vent.
Las, abattu, le gardien des Diamants ferma les yeux, se demandant ce qu’il allait bien pouvoir faire. Le seul endroit où l’eau risquait de ne pas s’évaporer était l’océan. Mais aurait-il assez de force et de courage pour y aller, sachant qu’il devrait marcher des heures durant sous ce soleil de plomb ? L’idée d’y aller le soir même lui effleura alors l’esprit et il se félicita lui-même de cette pensée. Décidé, il se jura intérieurement qu’il ferait tout pour rester en vie jusqu’au crépuscule pour ensuite se diriger vers l’océan. Se raccrochant à cette promesse, la chaleur lui parut plus supportable, déjà.
Rouvrant les yeux, il balada son sublime regard aux prunelles d'ambre et d'azur sur les environs cherchant un arbre ou un simple buisson qui pourrait lui procurer un abri pour le reste de la journée qui s’annonçait tout aussi difficile que le début. Et, tandis qu'il avisait un coin d'ombre, il n’eut pas de mal à percevoir l’odeur d’un autre loup, le vent l’apportant directement à ses naseaux largement évasés sous sa profonde et rapide respiration. L’herbe asséchée et jaunie par la chaleur se pliait et craquait sous ses pas, pouvant à tout moment avertir l’inconnu de la présence d'Hermès en ces lieux. Mais la raison pour laquelle le gardien ne voulait pas que l’on s’en aperçoive était évidente, du moins à ses yeux. Il ne voulait pas trahir sa présence, pas tout de suite. Il voulait seulement rester caché là encore quelques secondes, à observer les traits de l'inconnu qui, il le savait, ne tarderait pas à se dévoiler. Agile et bon chasseur, il aurait pu lui bondir dessus sans crier garde, sans même avoir pu lui adresser la moindre parole et sans même avoir pu observer ses traits. Mais il ne le fit pas. Car Hermès était tout sauf un loup impulsif et s'il faisait partie des Diamants, c'était bel et bien parce qu'il était d'un pacifisme sans borne. Patient, il attendit donc, les muscles contractés, prêt à bondir malgré tout.

« Ne me remercie pas, Hermès. C'était un plaisir. Mon nom est Kerena, druide des Émeraudes, à ton service. Bon, le point d'eau le plus proche se trouve à une bonne demi-heure de marche, mais avec un peu de chance nous croiserons des ruisseaux en chemin... Si tu veux bien que je t'accompagne, naturellement. »

Ainsi furent les paroles de celle qui avait pris de son temps pour sauver le pauvre loup brun en détresse qu'il avait été, quelques secondes plus tôt. Cependant, à présent, il se sentait déjà bien mieux et était à nouveau capable de pouvoir supporter son propre poids. Comme le lui avait assuré la druide, la boule de mousse lui avait procuré un effet de bien-être et l'avait revigoré en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Ainsi, Hermès coula un regard à la louve, un regard empreint de reconnaissance mais aussi d’intérêt pour la dénommée Kerena. Grande, fine, elle avait la fourrure soyeuse et des yeux verts, pareils à celle de son clan. Séduisante, elle l'était, à n'en pas douter, mais Hermès ne s'attarda pas sur ce détail aussi futile, pour lui. Il n'était pas ici pour charmer ou être charmé mais de préférence pour assurer sa propre survie, c'est-à dire en trouvant un coin d'eau pour assouvir la soif qui le tenaillait depuis le début de la journée si ce n'était plus encore. Une chaleur atroce qui s'était abattue sur les terres et face à laquelle Hermès n'avait pu se protéger, ce qui l'avait rendu aussi faible et mal en point au moment où Kerena, la druide des Émeraudes, l'avait trouvé par chance. En effet, le loup brun n'était pas adapté aux chaleurs telles que celle-ci car il était un loup du Nord, venant de contrées où le froid et la neige étaient rois et où l'hiver était la seule saison.
Épiant les moindres faits et gestes de celle qui lui tenait compagnie, Hermès remarqua qu'elle s'était mise à fouiller dans ses plantes avant de sortir un écureuil dodu et appétissant qui mit instantanément l'eau à la bouche du loup. Ses yeux brillèrent d'une lueur de convoitise, tandis qu'il suivait le gibier du regard, prêt à planter ses crocs dedans sans même un mot tant il était affamé. La faim qui se lisait sur son visage, dans ses moindres traits et même dans son sublime regard, aux prunelles dépareillées.

« En attendant, sers-toi. Je suis sûre que tu dois avoir faim. De plus, on a moins mal à la tête, l'estomac plein. »

Et il n'en fallut pas plus au gardien pacifiste pour se jeter sur l'animal chétif et planter ses crocs dedans, l'assaillant de toutes parts sans même une once de pitié pour ce cadavre à présent décharné et en lambeaux. Le goût du sang lui emplissait la bouche et ses moindres mouvements étaient fébriles tant il était pressé de remplir son estomac gagné par la faim. Hermès se sentait ivre. Ivre de joie, ivre d'avoir de la viande à se mettre sous la dent et ivre de se trouver en si charmante compagnie. Lentement, la frénésie qui s'était emparé de lui le quitta et il sembla retrouver son état normal, une fois repu. Ce fut d'ailleurs à ce moment qu'il se rendit compte de son impolitesse et qu'il jeta un regard gêné à la louve. En effet, il s'était jeté sans un mot sur le lapin, telle une bête féroce et affamée mais n'en avait pas même gardé un seul bout pour la druide qui lui avait tant apporté. Se pourléchant les babines, pour paraître déjà plus propre après avoir ingurgité autant de viande et de sang, il prit la parole, tout d'abord en remerciant la louve puis en s'excusant.

« Enchanté Kerena, c'est un réel plaisir de te rencontrer. Et bien sûr que j'accepte de continuer ma route avec toi. » Il s'arrêta quelques instants, regardant piteusement les maigres restes du lapin et les os jetés sur le côté. « Merci pour ce repas mais... Je suis désolé, j'avais tellement faim que je n'ai pas pensé à toi, sur le coup. »