La vie nous réserve parfois de sales surprises.
Alors que chaque jour je pensais à lui, que chaque nuit je voyais son regard ancré dans le mien;
Alors qu'à chaque instant, je désirais le croiser, qu'à chaque mouvement, j'espérais rencontrer;
Alors que son odeur s'était gravée en moi, voilà que j'apprenais, que simplement il partait.
Oh, cela faisait bien plus de mal que je ne l'avais imaginé. Je me sentais brisée, trahie, perdu.
Mais enfin Vix'! Reprends-toi! Tu ne le connaissais même pas! Es-tu stupide?
Stupide? Peut-être... Quelque chose chez lui, m'avait tellement plu, que je ne pouvais détacher mon esprit des quelques instants que nous avions passés ensemble.
Le souvenir de la gifle magistrale que je lui avais collée, me fit sourire un instant. Mais le peu de temps que nous avions partagé, ne nous avait pas permis suffisamment de souvenirs joyeux pour que je reste gaie à l'idée de son départ si soudain.
Evidemment, ce n'était pas lui qui m'avait annoncé cela. Non, je l'avais appris de mon propre chef, en espionnant et en vagabondant de territoires en territoires.
Mais quelle souffrance cela était! J'avais moi-même du mal à savoir à quel degré montait la douleur que sa perte m'infligeait. Certes, il ne m'aimait pas et je ne pouvais pas dire que mes sentiments pour lui étaient de l'amour. Mais il avait ce quelque chose qui me percutait chaque fois que je le rencontrais, et je souffrais de savoir que je ne connaîtrais désormais plus ce frisson in-identifiable qui me parcourait à chacun de ses regards, chacune de ses paroles froides et agressives.
C'est dans cet état dépressif que j'arpentais sans but, les terres libres.
Je me promettais silencieusement, que plus jamais je ne me ferais avoir par un tel sentiment. Il était bien trop éphémère, et trop douloureux à perdre.
Perdue dans mes sombres pensées, je ne faisais pas attention à la direction que je prenais et c'est un choc moelleux et duveteux qui me ramenais brusquement à la réalité.
Quelque peu sonnée je relevée la tête, incrédule, pour comprendre. Sa fourrure ne me donna aucun doute sur son espèce.
Un grognement agacé s'échappa de ma gorge et je montrais légèrement les dents, signe que cette rencontre était loin d'être attendue et souhaitée.

- Ne pouvez-vous pas regarder où vous marchez?

Lorsqu'il tourna la tête vers moi, je me surprit à maudire tous ceux de son sexe, comme l'aurait fait l'Emeraude pour toutes celles de mon sexe.

Epoussetant mon poitrail sans lui accorder le moindre regard, je me contentais de gronder une nouvelle fois dans sa direction.

- Encore heureux que vous ne comptiez pas me faire de mal! Vous êtes sur les terres libres tout de même. Le minimum ici, est de ne pas venir pour attaquer une solitaire!

Puis je levais les yeux vers lui, dans l'intention de le houspiller encore une fois. Après tout, ma tristesse était telle qu'elle se changeait en colère sourde, et la présence de ce mâle me permettait de me défouler.
Mais alors que mon regard croisait le sien, je réalisais soudain qu'il portait son odeur. Sans le moindre doute, ce loup faisait partie de sa meute. Une violente convulsion serra soudainement ma poitrine et je suffoquait bruyamment avant de m'asseoir, les yeux perdus dans le vide.
Son odeur... Sa meute...
Lentement, désespérément, je relevais mon regard vers celui du loup présent, espérant y trouver une moindre trace de sa présence.
Mais ce que je vis dans ses yeux n'avait rien à voir avec l'Emeraude auquel je pensait. Non, ce que je voyait dans ses yeux, c'était moi. Je voyais exactement, ce que je ressentais à l'instant où nous nous étions percutés.
Venait-il lui aussi, de subir une perte importante à ses yeux?
Je le regardais longuement, respirant comme je le pouvais, et du bout de ma patte, je vins instinctivement caresser son visage. Un geste doux et simple, non pas dans une attitude affective, mais plutôt d'empathie. Ou de compassion? Quelle était la différence exacte, entre ces deux sentiments?
Je l'ignorais. Mais mon regard, triste et loin de la résignation, resta ancré dans le sien un long moment. Sa tristesse était telle qu'elle était presque palpable.
A la différence de moi-même, l'on voyait au premier regard, que ce sentiment qui le rendait si mélancolique était l'amour. Mais sa tristesse était la même. Exactement la même.
Une fraction de seconde était passée. Allait-il me rejeter violemment? Ou allait-il comprendre que je ne faisais que lire dans ses yeux? Allait-il comprendre, que je ressentais la même chose, au même instant?
Peut-être pas. Probablement pas, même. Le contact entre ma patte et sa joue cessa, et mon membre retomba lentement sur le sol.

- Tu souffres tellement...

Le tutoiement. Signe de rapprochement entre deux êtres. En temps normal, le tutoiement est utilisé entre deux êtres qui se jugent suffisamment proches l'un de l'autre pour se parler moins cérémonieusement. Mais dans mon cas, il ne montrait que ma compréhension dans sa douleur. Le comprendrait-il?
Ma voix. Je ne l'avais jamais sentie si douce. Mais il semblait, qu'elle s'adaptait simplement à l'interlocuteur qui se tenait en face de moi. Et ce jour-là, celui à qui je parlais était empli d'une souffrance trop grande pour que je passe à côté et que je me montre indifférente. Et puis... Je souffrais moi aussi. Je ne pouvais donc délibérément pas ignorer les faits qui, l'espace d'une rencontre, nous rapprochait tous deux dans une douleur commune.

Pas de réaction agressive. Un bon point? Probablement. Je gardais mon regard ancré dans le sien, mais lui cherchais à éviter le mien. Puis il me fit part de sa gêne. Il n'avait pas compris mon geste, du moins en partie. Ma voix ne semblait pas décidée à redevenir normale. Elle gardait ce ton calme et rassurant, même si ce loup n'était pas un petit qui avait besoin de chaleur maternelle. Mais mes paroles signifiaient autre choses qu'un simple mot doux pour rassurer un bébé inquiet. Non, je sentais qu'il avait besoin de quelque chose, et quelque part, j'avais aussi besoin de ça.

- Je suis désolée. Seulement, il y a quelque chose dans ton regard, qui me rend... Différente.

Cette fois, ce fut moi qui détournais le regard. Quoi dire? Il était visible que ce loup n'était pas celui que je cherchais. Alors, j'aurais du le chasser sans conditions voire même, me défouler sur lui en risquant un combat. Mais il souffrait, et je ressentais cette douleur au fond de moi. J'ignorais quelle elle était. Mais lui, semblait connaître son mal. Allais-je lui demander, pour comprendre ce qui me rongeait? Non. Absolument pas. J'étais trop lâche, de ce côté là. je ne voulais pour rien au monde, tomber amoureuse d'un loup qui me haïssait. Je préférais ignorer mes sentiments pour garder l'espoir de trouver ma véritable âme soeur, plutôt que de me lamenter sur des sentiments à sens unique qui me ferais souffrir jusqu'à la fin de mes jours.
J'avais trop perdu pour me permettre de risquer encore. Je voulais seulement revivre. Pas encaisser encore et encore les douleurs du coeur. C'était trop dur pour moi. Je ne me sentais pas assez forte pour faire une telle chose, même si j'avais du caractère et que j'étais aventureuse.

Qu'est-ce qui me faisait me sentir différente? Quelle question?
Mais qu'est-ce qu'ils ont tous en ce moment! Dégages-le! Il me saoule et il nous sert à rien! Il en aime déjà une autre!
Ignorant comme à mon habitude les paroles de cette voix stridente dans ma tête, je le regardais de nouveau dans les yeux.

- Tu souffres comme moi. Tu as perdu quelqu'un mais, je sais que ce n'est pas définitif. Tu as mal, et pourtant je vois que tu va bien. Qui est-ce? Pourquoi as-tu peur?

Familiarité? C'était peut-être cela, que je faisais à ce moment. Mais j'avais seulement envie de le comprendre, de l'entendre, et de l'aider à ne plus avoir peur. Il n'avait peut-être pas besoin de mon aide. Sûrement, même. Mais cela m'était égal. Peut-être le fait de l'aider à aller mieux, me ferait moi aussi, me sentir plus légère. Personne ne pouvait m'aider. Alors autant que moi, qui pouvais le faire, je les aide.

La compassion peut être grande lorsque l’on se trouve face à un inconnu dont on comprend la souffrance. Mais lorsque cette douleur s’atténue subitement dans son regard, l’on éprouve une irrésistible envie de changer de sujet. Parce que l’on se sent stupide, anéantie et incomprise. C’était ce que je ressentais en ce moment-même, alors qu’il avait cru perdre quelqu’un de cher à son cœur mais que finalement il avait encore une chance de revoir cette louve.
Je lui avais exposé mes pensées, comme il se trouvait dans mes habitudes de le faire. Il avait décidé de me répondre, mais c’est là que j’avais appris que finalement, il n’était pas aussi désespéré que ce que j’avais pensé. Ce que je m’étais sentie stupide ! Oh, j’étais contente pour lui, il ne souffrirait pas tant que ça finalement. Mais qu’est-ce que j’avais eu l’impression d’être de trop !
Après avoir donné ses explications, il me proposa une partie de chasse en sa compagnie. Accepter ? Probablement, oui. Après toutes ces inquiétudes infondées, toute cette souffrance dans ma tête et mon cœur, j’avais peut-être besoin de relâcher un peu la pression.
En parlant de pression, que pouvait ressentir mon frère, face à ses nouvelles obligations d’Alpha ? Après tout, je sais que lorsque nous étions louveteaux, il n’avait rêvé que de prendre la place légitime qui lui revenait de droit. Je savais que cela posait problème à nos parents à cause de sa robe qui était anormale et de sa double personnalité qui posait problème à beaucoup des membres de la meute. Mais ne sachant pas pourquoi il avait quitté notre famille, je ne pouvais sûrement pas deviner ce qui l’avait poussé à prendre la tête d’une meute si différente de la sienne. Je n’étais pourtant pas allée à sa rencontre pour le savoir et je lui en voulais quand même de ne pas m’avoir accordé le moindre regard lors de la Grande Réunion des Meutes qui s’était terminé en véritable fiasco. M’enfin… Que voulez-vous, on a l’sang chaud dans la famille…
Plongeant mon regard ambré dans celui de l’Emeraude qui affichait un air amical à mon intention, je lui souriais doucement, autant que je le pus, et prenais une voix amicale à mon tour.

- Oui, changeons-nous les idées.

Ouai, faut avouer que je ne croyais pas vraiment réussir à penser à autre chose. Le visage de mon frère jumeau restait ancré dans ma mémoire malgré tout ce que je pouvais entreprendre. Malgré toutes les aventures que j’avais vécues depuis sa mort, rien ne me faisait plus penser à lui que de vivre, simplement vivre.
Je tournais la tête vers l’opposé du mâle Emeraude et humais l’air, à la recherche d’une quelconque proie. A cette période de l’année, les chasses étaient encore difficile et les meutes, aussi nombreuses qu’elles étaient, devaient avoir encore beaucoup de mal à remplir leurs réserves de viandes. Les louveteaux commenceraient à naître d’ici quelques mois et les mères allaient bientôt devenir insupportables à cause de leurs grossesses. Rien que cette pensée me répugna. Ce n’était pas pour rien que j’avais décidé de vivre en solitaire après la mort de mon frère. Du moins, en y repensant, peut-être que si je trouvais celui que je cherchais, peut-être alors changerais-je d’avis… Peut-être…

[Rhaego : N'oublies pas , 8 lignes minimum (: ]

Nous nous apprêtions à partir. Alors que je réfléchissais encore, je me rendis compte que c’était la première fois depuis mon arrivée, que je prenais un moment pour participer à quelque chose d’agréable avec un autre loup. Il n’était pas mon frère. Et sans aucun doute, je n’avais aucune chance de trouver en lui celui que je cherchais, celui qui me ferait revivre. Non. Parce que lui, ce nouvel inconnu Emeraude, avait déjà une louve pressée contre son cœur. Il avait déjà un visage associé à la perfection que pouvait représenter l’âme sœur. Et ce visage, n’était pas le miens. Pas que je sache en tout cas. Un pincement au cœur me fit légèrement grimacer. Probablement la jalousie. Et aussi cette souffrance, ce trou béant dans ma poitrine, qui me poussait à penser continuellement à Sky. Pour quelle raison avais-je perdu mon frère ? Pourquoi le destin avait-il décidé que je n’étais pas digne de vivre à ses côtés ? Quelle erreur abominable avais-je bien pu commettre pour mériter de payer une peine si insoutenable ? Pourquoi étais-je maudite au point d’être condamnée à vivre ma vie séparée du seul être qui n’ait jamais compté à mes yeux, mon frère jumeau, l’autre partie de moi-même ? Pourquoi me faisait-on payer pareil tribu pour une erreur dont j’ignorais jusqu’à l’existence ? Quelle était donc, cette abominable chose que j’avais pu commettre ? Probablement n’en aurais-je jamais la réponse, aussi longtemps que je vivrais. Dans ces sordides pensées, je me pris à espérer que mon existence ne serait plus trop longue, priant pour bientôt rejoindre mon tant aimé frère parmi les étoiles. Je sais que lui, n’aurais jamais imaginé pareille idée. Mais je n’étais pas Sky. J’étais moi, la pauvre moitié déchirée qui était restée par erreur, après son brusque départ de notre monde.

- Ah, au fait je suis Rhaego. Je suis le Protecteur des Emeraudes. Et toi ? Tu es une solitaire, non ?

Son nom… Je n’avais même pas pris garde que nous ne nous étions pas présenté l’un à l’autre. Quelle attitude stupide ! Et c’était entièrement ma faute. Nos regards ne s’étaient même pas croisés que je l’avais insulté sans la moindre considération. Evidemment qu’entre deux réprimandes, il n’avait pas trouvé le temps de me faire partager le nom qu’il portait. Quelle illogique je pouvais être, parfois…
Son nom… Mes souvenirs m’emportèrent un instant, vers ce loup Emeraude que j’avais déjà rencontré plusieurs fois et avec qui je m’étais toujours mal entendue. Lui, il m’attirait incontestablement. Il avait ce quelque chose dans le regard, qui m’envoutait et me donnait envie de me perdre encore et toujours plus dans ses yeux dorés. Je n’avais jamais rien à lui dire et pourtant, je n’avais jamais envie de rebrousser chemin pour détaler. Même le jour où j’avais enfreint les lois de la meute pour m’introduire impunément sur leur territoire, je n’avais pas éprouvé cette irrémédiable envie de filer en douce avant de me prendre un coup de crocs. Ses propres menaces qui pourtant auraient dû me pousser à fuit à toutes pattes, ne m’avaient que plus donné l’envie et le besoin de le connaître davantage.
Ma voix se chargea d’un sentiment que l’on aurait pu appeler regret, et je regardais mon interlocuteur dans les yeux avant de lui répondre doucement, sans la moindre trace d’agressivité dans le ton de ma voix.

- Je suis une solitaire, oui.

Quoi ? Il manque quelque chose ? Oh, oui. Mon nom. Patience, ami. Je vais te le faire partager. Mais avant, laisses-moi encaisse le tiens. Laisses-moi le temps de te détailler du regard, moi qui cherche à ancrer dans ma mémoire la moindre parcelle de ton corps, le moindre changement de couleur de ton magnifique pelage, le moindre arôme que possède ta douce et épaisse fourrure. Laisses-moi un temps, pour enregistrer qui tu es, et le nom qui définit celui qui, aujourd’hui, semble devenir mon nouvel et premier ami. Un Emeraude, comme si le destin s’amusait perfidement à se jouer de moi ces derniers temps. Comme si je n’avais pas assez de son regard qui hantait jusqu’à mes rêves les plus profonds, jusqu’à mes pensées les plus secrètes. Non. Comme si tout cela ne me suffisait pas, il fallait qu’aujourd’hui je rencontre un nouvel Emeraude, beaucoup moins désagréable que celui-dont-je-ne-connaissais-pas-le-nom et donc, désormais, je connaissais l’appellation. Etait-ce réellement une bonne idée de me lier d’amitié avec un loup de la meute à laquelle appartenait celui donc je me sentais mentalement, éperdument dépendante ?

- Mon nom est Vixen.

Le timbre de ma voix n’avait pas changé. J’étais toujours coincée entre la réalité et l’imaginaire, à la frontière entre la conscience et l’état comateux. Complètement perdue entre deux mondes qui m’offraient tout autant l’un que l’autre. Le premier semblait me promettre une belle amitié, le second m’appelait à une souffrance sans nom, une douleur sans précédent. La logique incontestable m’ordonnait de filer à toutes pattes vers cette nouvelle amitié que Rhaego semblait prêt à m’offrir, mais mon cœur me brûlait et me pressait de courir vers cette torture qui, je le sentais, finirait par me faire revivre, même si le prix à payer était ma vie.
J’étais prête à partir, loin de lui, loin de son monde. Pourtant, je secouais brusquement, vigoureusement la tête et reprenais pattes pour regarder Rhaego d’un air désolée. J’étais restée absente trop longtemps pour ne pas penser l’avoir gêné ou même, ennuyé. Excuses-moi je… Je pensais à autre chose… Si je ne lui donnais pas ces excuses, je les pensais malgré tout le plus sincèrement du monde.

Le d’une louve n’est atteint que lorsque la douleur a surpassé l’amour. C’est en tout cas ce qui avait toujours été valable pour moi. Toujours ? Oui bon, je reconnais que je n’ai connu qu’un seul loup digne d’intérêt depuis mon frère. Mais il est clair que cette phrase s’est parfaitement accordée à ma façon d’être. Moi qui étais partie à la recherche de mon frère Blood pour lui conter la mort de Sky et apprendre à ses côtés à devenir une furie sauvage et ambitieuse, j’avais finalement retrouvé un autre frère – Daeron – et n’avais finalement rien appris de ce que j’étais venue chercher. Il était clair que sans mon frère sanguinaire, je n’avais aucune chance de me perdre. J’avais pourtant rencontré Caleb que j’avais sorti d’une tempête de sable. Elle m’avait accueillie presque à pattes ouvertes, probablement à cause de la souffrance que nous partagions sans nous connaître. Avec cette louve complètement unique j’avais connu un certain nombre de moment inoubliables. Mais ce qui m’avait le plus marqué depuis mon arrivée aléatoire sur les terres de Wolf Temporal ; celui qui m’avait le plus marquée ; avait été ce satané Emeraude dont je me sentais tomber éperdument amoureuse à chacune de nos douloureuses et impitoyables rencontres. Je savais pourtant qu’il m’était totalement inaccessible et que je n’avais pas la moindre chance de me trouver en couple avec lui. Et même de mon côté, je me sentais aussi perdue que lui quant aux sentiments qui semblaient s’acharner à naître entre lui et moi.
Pourtant, ce n’était pas les prétendants qui manquaient ici. J’avais déjà fait la connaissance d’un grand nombre de loups célibataires ou non. D’ailleurs, le mâle qui se tenait devant moi était sans aucun doute l’un de mes préférés. Il était gentil, accueillant malgré une grande force que l’on devinait aisément et une détermination inébranlable. Ce beau mâle, Rhaego, aurait été un compagnon presque parfait, s’il n’avait pas porté dans son cœur une autre louve.
Bien sûr, je n’étais pas du genre à draguer le loup d’une autre. Mais il fallait bien dire ce qui était vrai : Ce loup avait un grand nombre de qualités que je ne pouvais pas me contenter d’ignorer.
C’était sûr, si la situation avait été différente, je n’aurais pas hésité une seule seconde à utiliser mes charmes pour l’attirer à moi. Mais effectivement la situation était telle qu’elle et je n’avais d’autre choix que de me contenter d’une simple connaissance avec lui.
Nous avions prévu d’aller chasser ensemble, après notre rencontre hasardeuse et quelque peu houleuse. Depuis quelques minutes nous aurions dû être partis, mais j’avais du mal à ne pas penser à tous mes problèmes. Pourtant je trouvais sa présence apaisante. Il ne semblait pas être ce genre de loup qui n’est présent qu’en l’attente d’un passage à l’acte délicieux et d’une nuit fiévreuse et inoubliable. Non, au contraire Rhaego était calme et posé, exactement le genre de loup que je croirais volontiers fidèle.
J’avais gardé un long silence avant de réussi enfin à me présenter, et son visage amical semblait attendre avec impatience que je me décrispe et que je prenne part réellement et volontairement à notre rencontre. Il tentait quelques paroles dénuées de toute agressivité, quelques regards doux et amicaux. Et moi, complètement stupide, je ne parvenais toujours pas à faire abstraction de ma réalité rien que le temps d’une chasse, histoire de profiter comme il se doit d’un loup aussi agréable que Rhaego. Intérieurement, je me disais que ce n’était pas plus mal puisque de cette façon, aucune affinité de naîtrait entre nous et donc, il n’aurait pas la moindre tentation d’infidélité envers la louve qui avait volé son cœur. Si je refusais de draguer un loup amoureux d’une louve, je refusais aussi catégoriquement de servir de seconde option. J’étais plutôt du genre exclusive, cherchant à être le centre du monde du mâle qui accepterait mon cœur tel qu’il était, meurtri et irréparable.

- Allez, ne me regardes pas comme cela, Vixen. Allons plutôt chercher une piste.

Déterminée à ne pas lui laisser voir que la mauvaise partie de moi-même, je faisais quelques pas dans sa direction en forçant un sourire qui se voulait aussi jovial que je le pouvais. Il attendit patiemment que je le rattrape et ses plaça volontairement à mes côtés avant de me scruter discrètement, même si je voyais bien son regard posé sur moi. Sa voix, calme et douce, résonna à mes oreilles comme un appel à la détente, à l’amitié. En temps normal j’aurais catégoriquement refusé ce genre de relation avec quiconque. Mais Rhaego était décidemment fort plaisant, dans tous les sens du terme.

- Bon, maintenant que je suis assuré que tu ne vas pas m’attaquer, tu peux peut-être me dire ce qui cloche chez toi ? Je te jure que je ne vais pas te bouffer.

Ce qui clochait chez moi ? Comment aurais-je pu prendre ce genre de paroles, positivement ? Ce qui clochait chez moi… Sans cesser de le suivre, je souriais d’amusement. Certes ce loup était gentil et agréable, mais il était aussi clair comme de l’eau de roche qu’il manquait de tact ! Je décidais de prendre tout cela à la légère et, moi aussi, de me détendre un tant soit peu.
Dans un léger rire qui se voulait amusée, je lui répondais de ma voix la plus féminine possible.

- Ce qui cloche chez moi ? Crois-tu que nous soyons suffisamment intimes pour que je te conte mes histoires et ma vie ?

Dans un second sourire, je me surprenais à prendre plaisir à le taquiner.

- Si tu crois que j’ai peur de me faire bouffer par un loup comme toi, tu te fourre le doigt dans l’œil.

Dans un geste des plus amicaux, je le poussais d’un léger coup d’épaule et lui lançais un sourire charmeur pour lui faire comprendre que la situation m’amusait et que je me plaisais à me faire en quelque sorte, désirer.