Un pas. Deux pas. Mon corps progresse lentement à travers un paysage que je ne connais pas. Voilà quelques jours déjà que j'ai rejoins les Améthystes et j'ai eu assez de temps pour me familiariser avec le territoire. Et actuellement, je ne suis pas chez moi. Un large sourire narquois s'étire sur mes babines. J'aime le danger. Autrefois, je n'aurai jamais osé m'aventurer sur des terres potentiellement hostiles et sur lesquelles je serai susceptible de me faire sauter à la gorge par n'importe qui ou n'importe quoi. Mais ça, c'était avant. Avant qu'elle ne le tue. Avant que je connaisse la couleur du sang, l'odeur du sang, le goût du sang. Je fais un large mouvement de tête en signe de répulsion, afin que mes idées noires s'effacent de ma tête. Done. Je régule mes pas de manière à tenir une cadence ni trop lente, ni trop rapide à quelques mètres de la rivière vers laquelle mes pattes me guident. Un long courant d'eau - ou de sang, visiblement - pourpre s'écoule devant moi dans un silence glauque et presque étrange. Je penche légèrement ma tête au dessus et observe mon reflet un instant. Un visage froid, fermé, peu féminin qui ne laisse paraître aucune émotion. Un long soupire s'échappe d'entre mes crocs. Peut être que, finalement, je suis devenue le monstre que j'ai toujours refusé d'être. Peut être que je suis devenue ce qu'elle était. Je donne un violent coup de patte dans la rivière, histoire de brouiller mon reflet, et lape quelques gorgées du liquide rougeâtre qui m'intrigue. De l'eau. Le goût de l'eau. Ou d'autre chose. Mais pas du sang. Je souffle. Mais alors que je me redresse à peine, je sens une présence. Quelqu'un d'autre est là, quelqu'un d'étranger à ma meute. Une proie. Je souris et finis par me retourner, jetant des regards un peu partout afin de repérer l'intrus. Après quelques minutes, j'aperçois une ombre. Impossible de déterminer si c'était un mâle ou une femelle, juste une ombre. Mais le sexe de la personne qui est sur le point d'arriver m'importe peu : je prends plaisir avec les deux. Je m'assois lentement, la queue enroulée autour des pattes, et attends. J'ai faim. I will eat you.

Le sang...Le sang. Je veux du sang. Blood. Mes pattes se posent lourdement sur le sol, sous le poids de mon corps. Epais et volumineux. Ma fourrure brune foncée se confonds presque avec la terre. La poussière que je relève vient se fixer sur mes poils. Je marche. Je ne fais que ça. Sans but. Pourquoi ? J'en sais rien. Et je m'en fout. Peu m'importe la direction où je vais, et qui je peux rencontrer. Je suis dans ma bulle. Mon regard est perdu. Je ne regarde rien. Je marche. Point. Dans mon esprit, des sons inaudibles résonnent. Oh non. Purée, pas encore elle. Cette voix. Là. "Djö'. Tue quelque chose. Et vite." Encore un ordre. Et j'obéit. Pourquoi ? Aucune idée. Ca n'a pas d'importance. Je ne me pose pas autant de questions idiotes. Aussitôt dit, aussitôt fait. Un lièvre n'a même pas le temps de passer devant moi qu'il est déjà mort. Son sang déjà en train de couler dans ma gorge, me picotant. Mon regard déjà glacial, celui d'un fou. D'un meurtrier. Car j'en suis un. Je suis un fou. Et j'aime le sang. Je soupire. L'air s'expulse d'entre mes crocs. Mes oreilles se dressent, pour mieux distinguer les bruits qui m'entourent. Une branche qui craque. L'écoulement d'une rivière. Je détourne mon attention de tout ça, et me penche vers mon prix. Je déchiquette la chair de l'animal, mâchant, dégustant. J'aime ça. Je me relève, laissant le cadavre par terre, gisant sur le sol. Et je repars. Je sens que j'approche d'un lieu humide. Et j'ai raison. Me voilà au Lac de Sang. Une louve est déjà là. Je reste tapis dans les buissons, à l'observer. Elle observe son reflet dans l'eau, de couleur rouge sang. Puis elle donne un grand coup de patte dedans. Sans aucune raison. Et elle boit. Ahah. Si je le voulais, je lui sauterais dessus pour la tuer. Mais la manipuler serait encore mieux. Et c'est ce que je vais faire. Je la vois se relever, puis s'asseoir. Elle semble attendre. Elle a dû me repérer. Tant pis. Je sors de ma cachette, un sourire sarcastique fixé à mes babines. Mon regard se fait le plus séducteur possible, mon corps, le plus gracieux.

Mon regard trouve rapidement l'intrus. Je l'observe, silencieusement, lui et le large sourire sarcastique pendu à ses babines. Arrogance, j'adore ça. Je dis lui car il est assez prêt de moi maintenant pour que je puisse distinguer son importante carrure et ses traits épais et irréguliers. Il n'est pas désagréable à regarder, mais il ne fera sans doutes pas partie de mes plus belles prises. A cette pensée, je laisse s'échapper un léger rictus d'entre mes crocs. Oui, il allait suivre le chemin de tous les autres. Dans un mouvement lent et gracile, je finis par me relever et par m'ébrouer vivement. Mes muscles sont tendus, ma croupe cambrée, et ma silhouette longiligne apparaît désormais aux yeux du mâle qui se tient à quelques mètres. Je sens qu'il veut l'ascendant sur moi, je lui laisserai. Mais pour un temps, seulement. J'affiche un large sourire qui se veut tendre et doux avant de m'approcher de lui en battant l'air de ma queue. Approche toi. Arrivée à sa hauteur, je lâche un léger ronronnement avant de le frôler, en prenant soin de laisser ma queue s'attarder sur ses flancs, et de me repositionner face à lui. Je plante mon regard au fond du sien, arborant toujours mon grand sourire, pleine de confiance et de maîtrise. Je sens sa présence, son odeur, son charisme et je suis rapidement parcourue par de forts frissons. Douce sensation d'excitation..

« Mh bonjour..! A qui ai-je l'honneur? », lui lance-je d'une voix rauque mais néanmoins pleine de douceur.

Son petit manège semble me faire de l'effet, je l'avoue. Enchanteur, les courbes de son corps m'enjôlent. Je me sens euphorique, comme sur une autre planète, sentant, frissonnant sur le passage de sa queue contre mes flancs. Mes yeux s'illuminent, ma queue fouette l'air sans aucune raison, je piétine presque sur place. Rien que de voir une créature comme elle s'animer devant mes yeux m'excite au plus haut point. Bah ouais...J'suis un gars après tout. Elle se repositionne devant moi, puis me lance une question. A mon tour de lui montrer que ce que je suis... Je m'approche petit à petit d'elle, crocs dévoilés, langue passant sur les babines. Puis d'une voix sèche mais tout à la fois charmeuse, je lui susure à l'oreille...

« Tu n'as pas besoin de savoir mon nom, louve...Hmmm...Mais quel est le tiens ? »

Jouant le jeu, je fais le tour de ma congénère, collant mon corps contre certaines parties du sien. Encolure, flanc, croupe, queue, et la même chose de l'autre côté...Puis je me remet devant elle, le regard insistant et mystérieux. Que fait-elle ici ? Pourquoi ? Peu d'importance à ça...Sa vue me remplit d'allégresse et cette créature de rêve ne fait que m'emmener sur un petit nuage. Hmmm...Mais ne nous emportons pas, voyons. Je joue juste au séducteur pour la tuer, rien de plus...

Sa réaction me plaît, mon jeu fonctionne. Quand il entreprend de m'imiter, collant son corps contre le miens et me susurrant quelques mots de sa voix charmeuse, je suis à nouveau traversée par une vague de frissons. Je laisse un léger feulement s'échapper de ma gueule avant d'afficher une toute nouvelle expression faciale. La tendresse et la douceur laissent place au mépris et à l'excitation : je ne me contrôle plus. Toujours positionnée bien droite face à lui, je lui adresse un sourire malsain. Il ne me fait pas peur. Je m'approche à nouveau, me collant franchement à lui cette fois-ci, laissant mon museau frôler sa croupe. Je m'arrête à hauteur de son visage et lui glisse, à mon tour, quelques mots au creux de son oreille.

« Devine le, et je ne te ferai aucun mal mon beau.. »

Je recule de quelques mètres et plante mon regard noisette dans le sien. Ma voix avait changé également, et dorénavant elle se voulait plus menaçante mais également plus sauvage, plus coquine. J'ai une main mise sur lui, il ne peut plus s'en aller, il ne peut plus reculer : il est à ma merci. A moins que lui aussi ne soit en train de jouer un jeu, chose à laquelle, sur le moment, je ne pense pas.

Hé hé, elle m'amuse elle. Elle rentre très bien dans mon jeu, tout comme je rentre dans le sien...Comme va se terminer ce petit manège de "séduction" ? Peut-être qu'après l'avoir titillée un peu je pourrais enfin goûter à son sang qui, j'imagine, doit être juste délicieux...J'en salive d'avance. Sa voix semble devenir plus dure, plus agressive. Et si on passait à un niveau supérieur ?...

« Vu ta taille enchanteresse et ta gracieuseté, ce doit être un nom qui évoque la beauté fatale, n'ai-je pas raison ?... »

Toujours à jouer le beau gentleman, tiens...Au bout d'un moment ça va bien comme ça. Mon regard toujours insistant, je me colle comme elle le fait contre ses flancs, et lui passe une léchouille rapide sur le derrière de ses oreilles. Mon échine tremble et frissonne, et il me semble que c'est de même pour ma, sans doute, "future proie ou victime"...

(C'est court sorry)