Caleb n'aimait pas la chaleur du Désert, mais elle s'y était tout de même aventurée. Toujours aussi étrange dans ses actes, rien ne changera jamais. Elle avait longuement marché, ses durs coussinets brûlant contre chaque grain de sable chaud au sol. Il n'y avait pas a dire, elle préférait largement le Froid d'une bonne banquise, c'était tellement plus agréable. Mais, aujourd'hui, elle se devait d'explorer cette étendue de sable fin qui s'étendait a perte de vue, pour la seule bonne raison qu'elle s'était promise de chercher un abri convenable pour la Nuit. Les loups des autres Meutes ne traînaient jamais loin, a croire qu'ils n'avaient que ça a faire, de vagabonder le soir, au lieu de surveiller les frontières de leur Territoire. Décidément, ils semblaient bien ignorants pour la plupart. Finalement, après quelques heures de marche, elle les avaient aperçues, elles qui se dressaient fièrement au milieu d'une dune jaune. Les Pyramides. Une seconde suffit. Une seconde durant laquelle elle songea aux interminables tunnels de la structure, a l'obscurité et au bruits inquiétants le soir, et aux pauvres louveteaux perdus a l'intérieur, pourrissants sur place. Une seconde, et elle s'élançait déjà en direction de ce bâtiment.

La voici donc en train de finalement franchir l'entrée de la première porte, brisée et facile a pousser. L'ambiance réunissait tous les aspects qui lui plaisaient : des toiles d'araignées par centaines, des murs tombant en ruines, et des petites bêtes rampant au sol. Délicieux. Avec un sourire vilain non-dissimulé, elle s'aventura un plus loin dans la pièce centrale, fouinant chaque coins et recoins de la salle, comme pour y découvrir quelque chose d'amusant. Malheureusement, il n'y avait plus rien de vivant par ici, et elle devrait se contenter des blattes et des cafards couinant doucement sous ses pattes. Tant pis, ça irait très bien comme ça. Cet endroit était tellement repoussant que surement peu de personnes, a part les plus folles ou les suicidaires, oseraient s'aventurer seules ici. Avec un fin bâillement, elle s'étira presque félinement, et s'allongea en boule, son museau froid reposant sur ses pattes. La nuit allait être longue.

Les yeux blancs pâles brillaient intensément dans le noir de la pyramide, et fixaient sans ciller l'entrée du tunnel par lequel elle s'était glissée quelques minutes auparavant. Quelque chose était entrée dans la Pyramide, elle le sentait de là, malgré les odeurs de moisi et de renfermé qui emplissait la salle. Il était temps pour elle de bouger, de passer a l'action. L'endroit était parfait pour cela : obscur et silencieux. Lentement, elle se leva, et s'étira félinement, avant de finalement repasser la tête dans le tunnel. Rien a l'horizon, la voie était libre. En rampant calmement, elle finit par ressortir du dit-tunnel, et huma a nouveau l'air de sa truffe froide. Maintenant, l'odeur se séparait en deux, l'une vers la droite, l'autre vers la gauche. Une Espionne exécutrice, voilà ce qu'elle était. Sa capcité a identifier les ennemis, et a les traquer aussi rapidement faisait d'elle une Espionne impitoyable dans sa Meute. Elle aurait du devenir Espionne, si personne n'avait gâché cet avenir.

Elle décida tout d'abord de partir vers la droite, posant doucement ses coussinets sur la roche jaune, qui semblait s'effriter a chaque fois que ses griffes entraient en contact avec le sol. Elle ne put cependant aller bien loin ; effectivement, ce coté de la Pyramide s'effondrait, et il était impossible de traverser sans s'en tirer avec quelques blessures. Bien campée sur ses quatre pattes, elle jetait des coups d'oeils douteux de chaque coté d'elle, intriguée. C'était bien la première fois que ceci lui arrivait : l'odeur qu'elle avait suivie jusqu'ici s'arrêtait juste sous ses pattes, et pourtant, elle était toujours présente, comme si l'ennemi la narguait d'un peu plus haut. Le déclic se fit aussitôt qu'elle eut pensée a la hauteur, et elle se retourna aussitôt pour apercevoir un volatile sombre et menaçant, perché tout au sommet de la pyramide. Pas d'échappatoire, il l'avait déjà remarquée. Cependant, les oiseaux ne servaient a rien, donc, il était très peu probable que celui-là serve a quelque chose dans sa situation. Enfin, c’est ce qu'elle croyait, car dés que l'oiseau croisa son regard, il s'envola en croassant bruyamment, planant au-dessus de sa tête comme un mauvais présage. Est-ce que ses cris aigus étaient censés servir a quelqu'un?

Caleb observait encore le volatile, qui croassait bruyamment dans le ciel orange, lorsque l'odeur étrangère sentie quelques minutes auparavant se rapprocha dangereusement d'elle. Méfiante, elle resta sur ses gardes, jusqu’à ce qu'une voix venant de derrière elle ne la fasse se retourner brusquement. Cependant, ce furent d'abord ses paroles qui la choquèrent : il parlait au corbeau? Qui s'appelait Charles? Déboussolée, elle regarda le sombre oiseau se percher sur le dos du mâle, qui le calma de sa voix grave, avant de s'en retourner de là ou il venait. Malheureusement pour lui, elle n'allait pas abandonner pour autant : elle était tombée sur un met de choix. Elle savait d'avance qu'engager le combat ne serait mauvais que pour elle, car c'était un Mâle, et indéniablement - c'est la Science, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise - une Femelle ne pouvait se permettre de rivaliser avec lui. Son esprit machiavélique ne s'arrêtait pas là pour autant ; puisque la manière forte ne marchait pas, passons donc a la manière douce.

« A-attendez, je vous prie! J'ai peur de me perdre dans cette Pyramide, ne me laissez pas seule! »

Sa voix normalement rauque et amère avait pris un ton apeuré et doux, que ceux de sa Meute ne lui connaissaient pas. Son atout était bien celui d'être une Femelle, car un Mâle résiste rarement a la pulsion violente d'aider une Femelle désespérée, pour mieux pouvoir l'avoir a ses chaleurs. Elle connaissait leur foutu stratagème comme sa poche, et il était absolument hors de question qu'elle se laisse salir par ces Traîtres. Chassant ses pensées noires, elle accourut derrière le mâle, les yeux brillants de Peur et de Désespoir. Avec sa tête de chien battu de toujours, faire la Malheureuse marchait a tous les coups.

Alors qu'elle commençait a se calquer a son allure lente et monotone, il lui jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule, neutre. Apparemment, il n'avait pas grand-chose a faire de ses cris. Elle s'arrêta lorsqu'il s'arrêta, et attendit qu'il parle, sûre que ses paroles allaient jouer le gagnant de cette discussion. Le corbeau, toujours perché sur le dos du mâle, la fixait de son regard perçant, penchant quelques-fois la tête de coté en croassant vilainement. Elle ne se gêna pas pour lui renvoyer un de ces regards lourds et malsains dont elle avait le secret, et l'oiseau, nullement impressionné, s'agita tout de même un peu sur le dos roux du lupin. Qui d'ailleurs avait entre-temps repris la parole, et avait dit des choses qui ne lui plaisaient pas, mais alors pas du tout. Nan, sérieux Sherlock, elle n'aurait jamais pensée a ne pas entrer dans cette Pyramide toute seule si elle avait peur, elle était surement trop naïve et fragile pour réfléchir utilement.

Caleb retint une remarque cinglante, comme a son habitude, et frémit d'un poil lorsque les plumes noires sombres du volatile qui s'envolait effleurèrent le bord de son museau. Son museau était très sujet aux chatouilles, allez savoir pourquoi. Le mâle roux reprit sa route, et entra a l'intérieur de la Pyramide. Furieuse, mais restée dehors, la Noire en bavait de rage sourde mal-retenue. Encore un qui se permettait de l'envoyer bouler, hein? Quel petit crétin...elle penserait a lui faire subir une mort lente et douloureuse, pour celui-là. Un sourire funeste éclaira son visage un instant, avant qu'elle ne se précipite a la suite du mâle, reprenant sa voix apeurée et douce. Elle allait jouer le jeu jusqu'au bout, qu'importe les sacrifices a faire.

« A-attendez! P-pardonnez-moi si je vous ai offensé, c-ce n'était pas mon intention. J-je voulais juste explorer cette Pyramide, c-comme tant d'autres. M-malheureusement, il semblerait que je n'en ai pas le c-courage...»

Ses balbutiements réguliers devaient être durs a supporter, même pour le plus patient des lupins. Mais avec ça, au moins, le coté louve timide n'en serait que renforcé.

Il la regarda a nouveau de ce regard si inexpressif, si vide, et lui déclara clairement qu'il n'en avait absolument rien a foutre d'elle. Retenant la rage sourde qui commençait a monter en elle, et a provoquer une bouffée d'adrénaline inquiétante, elle prit plusieurs longues inspirations pour se calmer, avant de se précipiter a la suite du mâle, qui s'aventurait déjà dans la Pyramide. Les yeux rivés au sol, elle songeait qu'il n'était peut-être pas nécessaire de s'en faire un ami, et qu'il valait peut-être mieux le tuer immédiatement, au lieu de faire attendre la chose. Elle avait toujours eu pour habitude d'avoir envie de tout précipiter, d'aller du plat principal au dessert, ou encore du départ a la ligne d'arrivée sans passer par la case Prison. Elle devait se contenir, et continuer sa petite comédie, qui pour l'instant semblait marcher comme sur des roulettes. Ce loup ne la connaissait pas, il ne savait donc rien des horreurs dont elle était capable. Et donc, il ne se doutait de rien. Le bruit de ses griffes contre le sol pierreux la ramena doucement a la réalité, et elle émergea de ses pensées comme d'un rêve, qui lui laissait un goût amer dans le fond de la gorge. Elle voulait tous les tuer. Loup pour Loup, une Vie pour une Vie.

L'obscurité devant elle l'alerta de l'absence du mâle, et aussitôt, elle stoppa brusquement, pour humer l'air autour d'elle. Si jamais il se doutait de quelque chose la concernant, nul doute qu'il chercherait a la perdre, pour ensuite revenir a l'entrée de la Pyramide, et avertir ses amis. Heureusement, ses doutes se dissipèrent lorsqu'elle repéra l'odeur musquée du lupin, qui émanait du fond de la structure. Apparemment, il s'était aussi bien perdu qu'elle. Calmement, comme elle le faisait a chaque exploration d'un nouveau territoire, elle entreprit la dure tâche de repérer un quelconque détail sur les murs l'entourant. Ici, une fissure emplie de sable jaune-orangée. Sur celui de ce cul-de-sac, un squelette de rat gisait dans un coin. Et là-bas, une autre intersection, d'ou provenait une odeur des plus fétides. Finalement, elle retrouva l'impasse ou se cachait le mâle, et l'aperçut dos au mur, le regard rivé sur elle. Elle reprit aussitôt une mine douce, au lieu de ses yeux souvent plissés méchamment, et alla s'installer juste en face du mâle, évitant son regard.

« Vous c-connaissez bien cette P-Pyramide? »

Il répondit vaguement a sa précédente question, et agacée, Caleb manqua de dramatiquement lever les yeux au Ciel. Lui, autant dire qu'il n'était pas exceptionnel. Se braquer ainsi ne lui apporterait rien de spécial : aucun indice concernant les autres lupins, aucunes faiblesses, aucunes forces. Il continuerait sans doute a crever a petits feux dans un coin, a dire a tous de dégager, qu'il aimerait mourir en paix. Elle aussi, elle aimerait. Des fois, il lui arrivait furtivement de penser que la Mort la soulagerait surement de son Devoir, mais a chaque fois, elle revoyait le sol boueux couvert de sang autour d'elle, les hurlements d'agonie de ses Camarades. Et c'est avec ces douloureux souvenirs qu'elle tenait le bon bout. Elle n'abandonnerai jamais, même si on lui mangeait les 4 pattes, elle continuerait a essayer de mordre avec ses crocs. Et si on lui cassait la mâchoire, elle donnerait des coups de tête. Et lorsqu'on la décapiterait...et bien, ce sera la Fin. Espérons qu'elle ait eut le temps de faire quelques malheureux avant cela.

« V-vous n'avez pas l'air t-très bavard, dites-moi...est-ce parce q-que je vous ennuie?»

Oh oui, vas-y Caleb. Conduis-le là ou tu veux le conduire, oblige-le a crier ce qu'il pense tout bas. Retenant tant bien que mal un sourire satisfait, elle battit des cils a la façon Bambi, les yeux brillants doucement dans l'obscurité de la Pyramide. Son regard blanc pâle dans ce noir intense devait être carrément effrayant. M'enfin, le Mâle auquel elle faisait face avait l'air d'en avoir vu d'autres, alors ce n'est pas qu'un simple couple de feu follets dans les Ténèbres qui allait lui faire prendre ses pattes a son cou. Calme, elle attendit la réponse du roux.

Alors qu'elle commençait a s'habituer au rôle qu'elle jouait depuis des années et des années, le roux lui posa la question fatale : qui elle était vraiment. Immédiatement, elle perdit son air doux et confiant, qui fut remplacé par une grimace de rage mal-contenue. Il avait finalement compris, ce crétin. Génial, maintenant, elle était dans une merde totale, enfoncée jusqu'au poitrail. Son regard brillant de méfiance, un sourd grognement ressemblant au feulement d'un chat monta depuis sa gorge, roulant comme le tonnerre dans le Ciel les jours d'orage. Oh que non, il n'avait en aucun cas le droit de lui poser cette question là. Elle ne lui avait pas demandée son identité a lui, et d'ailleurs, elle s'en fichait. Elle n'aimait pas connaitre les noms de ses victimes, parce que lorsqu'elle leur ôtait la vie, elle ressentait toujours cette sorte de culpabilité amère. On lui faisait confiance, et paf! On se dit finalement qu'on n'aurait jamais dû. Elle n'avait jamais été la fautive dans cette histoire : tout était de leur faute a eux. C’est a cause d'eux que ce changement de nature était si soudainement arrivée. Elle se releva, trop anxieuse pour rester tranquillement assise, grognant toujours sauvagement. Poser cette question ne signifiait qu'une chose : son arrêt de mort. Et ce n'est pas pour celui-là qu'elle ferait une exception. Le balbutiement disparut en un clin d’œil, et elle prit la parole d'un ton menaçant.

« Je suis qui je suis. Je suis quelqu'un de Mauvais, qu'il n'est pas bon de fréquenter. Je suis quelqu'un de déchiré, de tiraillé, de brisé. Je suis quelqu'un venu ici uniquement pour semer Désespoir et Malheur du mieux que je le pourrais. Mais...je reste quelqu'un. »

Elle s'arrêta de parler, consciente d'en avoir déjà trop dit. Elle lui avait quasiment révélée son but, désormais. Sûre d'elle, elle resta immobile, le regard plongé dans le sien, comme si elle le défiait silencieusement. Maintenant, il avait le choix. Il pouvait se ruer hors de la Pyramide pour prévenir des proches, des amis, de la famille. Mais, il n'aurait pas la conscience tranquille, et il faudrait qu'il soit fou pour espérer pouvoir dormir sur ses deux oreilles une fois la nuit venue. De toute façon, il n'allait certainement pas rester là, a faire un brin de causette avec une meurtrière de son gabarit.

Il l'écouta calmement, puis reprit la parole une fois qu'elle eut finie. Et ses paroles ne firent qu'augmenter la Rage et le Mépris de la Noire. Alors comme ça, Môsieur pensait tout savoir sur tout, et croyait pouvoir lui faire la morale a elle?! Il se trompait lourdement. De un, il n'avait pas vécue ce qu'elle avait vécue, s'il se prenait pour un Justicier, alors c'était raté. Et de deux, il ne pouvait se permettre de lui tourner ainsi le dos, surtout après ce qu'il venait de lui dire. Furieuse, elle se lança a ses trousses. Son pelage sombre hérissé la rendait encore plus massive encore, et ses grognements sourds n'arrangeait en rien l'effrayante figure qu'elle donnait a voir. En un bond agile, elle se propulsa dans les airs, et se retrouva juchée sur le dos du Mâle. Alors que ses pattes dérapaient déjà sur son pelage roux, elle planta ses crocs dans sa nuque, décidée a ne pas le laisser partir avant de lui avait fait comprendre sa Douleur.

Elle ne pouvait juste pas se permettre de laisser un Ignorant tel que lui s'enfuir, et conter a tout lupin qui l'écouterait les malheureuses aventures de Caleb la Solitaire. Elle ne devait jamais laisser aucune preuve, aucun témoin. Elle resserra son emprise sur sa nuque, ses crocs s'enfonçant plus profondément dans la chair tendre. La base de l'arrière du cou était un des endroits fragiles des individus canins. Elle ne le voyait pas, et elle ne savait pas s'il allait répliquer, s'il allait pouvoir s'arracher a son étreinte mortelle. Elle ne comprenait pas ces loups. Comment pouvait-ils faire genre de comprendre sa Souffrance, et d'essayer de la ramener sur le droit chemin, alors qu'ils n'avaient pas vus le carnage de leur propres yeux? Elle n'était certes pas la seule a avoir été malmenée ainsi...il devait y en avoir d'autres, comme elle. Elle en était persuadée, et elle les cherchait encore. Et lorsqu'elle les trouverait...elle pourrait enfin se vanter d'avoir retrouvée un semblant de Famille.

Alors qu'elle tenait encore sa nuque entre ses crocs, le roux resta calme, et parfaitement immobile. Puis, en quelques secondes seulement, il attrapa sa patte par sa bouche, et la tirant en avant pour la renverser. Elle eut beau arracher la chair de sa nuque en passant, cela n'eut pas plus d'effet sur le lupin, qui avait désormais inversé les rôles : il la piégeait contre le sol, ses pattes appuyant lourdement sur ses épaules massives. Heureusement qu'elle était bien bâtie, sinon, elle se serait déjà écroulée sous la pression. Grognant sourdement de ce changement de situation, elle l'écouta raconter ses salades, ce qui ne fit qu'augmenter sa rage. Il osait une fois de plus la sous-estimer, la placer en Meurtrière alors qu'elle était la Victime. Bon sang, il ne comprenait rien a rien, celui-là. Elle hocha de la tête a sa première question, puis se raidit instinctivement en entendant ses dernières paroles. La tuer. Il voulait donc la tuer. Logique, maintenant qu'elle lui avait révélée son but, il ne pouvait pas se permettre de la laisser s'évanouir dans la Nature. Et elle non plus, d'ailleurs.

- Comment est-ce que tu peux comprendre?! Est-ce que tu connais la Douleur de se retrouver Orphelin du jour au lendemain? Est-ce que tu connais la Tristesse qui accompagne chacune des journées sur lesquelles le Soleil se lève? Non!!

Avec un grognement plus furieux que d'autre, elle dégagea ses pattes en roulant sur elle-même, se retrouvant ainsi sur le dos, face au Roux. Elle avait mal. Pas mal au corps, non, mal au cœur. Tous ici osaient la juger, dire qu'elle pouvait encore changer. Malheureusement, elle était égoïste, et elle voulait juste qu'on lui rende toute sa Meute. Ignorant les croassements désagréables du corbeau sombre a l'extérieur de la Pyramide, elle propulsa ses puissantes pattes contre le ventre du Mâle, et poussa de toutes ses forces. Ses jambes étaient son plus fidèle atout : elle avait courue avec elles, sautée avec elle, fuie avec elle, écrasée avec elle. Elle repoussa donc le Mâle, et se releva rapidement pour lui faire face, les crocs claquant dans le vie dans sa direction, le regard mauvais.

Le Roux, lorsqu'elle l'avait repoussée, s'était cogné plutôt brutalement dans le mur de pierre derrière lui, mais il s'en remit rapidement, puisque la seconde d'après, il commençait a lui expliquer sa vision des choses. Elle n'était nullement surprise de l'entendre dire q'il avait fait des erreurs qui faisait de lui ce qu'il était aujourd'hui ; après tout, c'est a l'âge ingrat de l'adolescence que les enfants commettent les pires crimes. Néanmoins, il était comme elle, il avait vu et entendu des choses bien moches, lui aussi. Sauf que lui, il avait lâché prise. Il avait simplement abandonné l'idée de se battre pour sa Vie, et était mort il y a longtemps. Elle, elle vivait encore par la Douleur de Feu sa Mère, son Père et toute sa Meute. Elle ne pouvait pas ignorer plus longtemps leurs appels de détresse depuis l'Autre-Monde. M'enfin, si ce n'était pas elle qui était devenue folle après toutes ces années, hein. A cause des paroles du mâle, elle se sentait soudainement lasse. Tous ici s'obstinaient a vouloir la remettre dans le droit chemin, a lui faire comprendre que tuer n'était peut-être pas la meilleure solution. Mais, si elle s'arrêtait maintenant...a quoi donc rimait tous ses anciens Meurtres?

- Je ne souhaite pas t'écouter plus longtemps, et il me semble d'ailleurs avoir déjà trop gaspillée de salive en ton honneur. Toi, tu as perdu face a la Vie, mais moi, je veux continuer a me battre. Pour mes défunts parents, et toute ma Meute. Si j'ai ravalée ma fierté pour tuer, je garde l'honneur que je portais en tant que future Guerrière, il y a de cela un bon bout de temps. Je ne peux pas abandonner maintenant, et tu sais pourquoi? Parce que je n'ai pas envie de devenir la coquille vide que tu es.

Elle se remit a grogner sourdement, prête au combat. Maintenant, c'était le moment ou jamais d'en finir avec cet impertinent qui ne savait pas garder sa langue bien au chaud dans sa bouche. Le corbeau a l'extérieur de la Pyramide s'était soudainement arrêté de croasser, comme si la perspective d'un combat le forçait au silence religieux. La Noire, les yeux rivés sur son adversaire, comptait bien profiter de la pénombre de la Pyramide pour le prendre par surprise. Silencieuse, ses pattes se déplacèrent doucement en arrière, et elle se fondit dans l'Ombre, fermant les yeux pour passer totalement inaperçu. Lors de ce genre de combat, elle savait que son regard pâle était son défaut, alors elle fermait ses paupières, et écoutait les sons produits par son ennemi, pour prévoir ses attaques. Elle ne serait pas celle qui dirigerait l'offensive la première, elle attendrait que le Mâle la cherche dans l'Ombre.

Elle restait immobile, les paupières fermés, écoutant simplement le moindre bruit qui retentissait contre chaque mur de la Pyramide. Elle entendait le croassement du corbeau à l'extérieur, qui avait repris son affreux chant funèbre, elle entendait aussi du sable glisser d'un morceau de mur brisé. Et elle entendait aussi son adversaire bouger, et à la façon dont ses griffes raclaient doucement le sol, il se dirigeait vers sa gauche. Calme, elle se déplaça également, prenant garde a rester derrière lui. Très très lentement, pour qu'il ne l'aperçoive pas, elle ouvrit ses yeux, laissant leur pâleur indiquer l'endroit ou elle se trouvait. Malheureusement pour le Roux, elle bougeait déjà, et vive, attrapa la queue du lupin entre se crocs acérés, déchirant déjà la chair, et arrachant les poils. D'un mouvement svelte, elle le tira vers elle en usant de toute sa force, et agrippa sa jambe dés qu'il fut assez près d'elle pour cela.

Les canines fermement plantées dans la patte du Mâle, elle tenait bon, et ne cédait même pas sous les cabrades de son adversaire, qui cherchait sans doute a récupérer sa patte. S'il souhaitait s'éloigner d'elle, et bien, il allait devoir sacrifier sa patte. Et s'il voulait récupérer sa patte, il ne s'en tirerait certainement pas sans cicatrice. Elle referma les yeux, sachant qu'il était trop tard pour se cacher, mais continua a mordre la chair sous ses crocs, déterminée. Qu'importe qu'il la blesse au crâne, elle ne le lâcherait pas. Pas maintenant qu'elle s'était tant dévoilée. L'un d'entre eux ne s'en sortirait pas. Mais lequel?

Il eut toutefois la bonne idée de ne pas trop se débattre, car cela ne faisait qu'arracher un peu plus la chair de sa patte. Calme, la Noire restait immobile, grognant toujours sourdement, ses crocs plantés dans sa patte. D’ailleurs, elle commençait a sentir quelque chose de bien dur sous ses canines acérées. L'os? Alors qu'elle baissait un peu sa garde pour se concentrer sur ce qu'elle touchait dans la patte, le mâle se retourna subitement, pour l'attraper a la nuque. Elle gémit de douleur lorsque ses crocs se plantèrent dans sa peau dure, mais resta immobile, encore et toujours. Elle savait que bouger pouvait laisser des cicatrices indélébiles, et ça, elle ne le souhaitait pas. Déjà qu'elle n'avait pas un corps de rêve, alors avec des cicatrices sur sa nuque, ça n'allait qu'empirer sa situation. Elle se contenta donc de mordre un peu plus fortement la patte de son adversaire, sentant des sortes de crissements désagréables parvenir a ses oreilles, comme ses crocs entamaient l'os.

Elle n'allait pas chercher à se dégager, ou a se débattre. Non, elle allait rester ainsi. Elle ne craignait pas pour son propre corps ; elle se savait résistante. Sa nuque, d'ailleurs, n'était pas le meilleur endroit a attaquer. Effectivement, les loups de sa famille avaient tous toujours été massifs au niveau du dos, du poitrail et des pattes. Leurs points faibles étaient principalement la tête, la queue, et les flancs. Mais, pour le ventre, elle avait suffisamment mangée et fait de réserves pour que la graisse ne laisse pas passer les crocs de ses adversaires. Elle continua donc à "grignoter" la patte du solitaire, qu'elle sentait devenir plus fatiguée au fur et à mesure que le combat s'éternisait. Elle, elle n'était qu'une machine de guerre, elle n'avait pas besoin de repos durant une bataille. Elle se contentait de mordre, griffer, encore et encore. Le mâle changea alors de tactique, et se servit de sa patte avant pour lacérer son épaule. Elle glapit de douleur, et en lâcha la patte du mâle, déjà bien entamée. Alors qu'il laissait ses griffes fortement plantées dans son épaule, elle se servit de sa puissante carrure pour le repousser de tout son poids, et dans la même seconde, jeta sa patte avant au sol, pour envoyer du sable sur le solitaire. Elle n'allait pas abandonner en si bon chemin, n'est-ce pas?

Spoiler: