Il faisait froid. La nuit venait à peine de se terminer, et les températures n'étaient pas encore passée au-dessus de la barre du zéro. Le monde semblait statique, rien ne bougeait et il commençait à peine à s'éveiller, à sortir de son sommeil. Le ciel était immense, d'un bleu clair très pâle. On n'y percevait ni nuage, ni soleil. Le lac, quant à lui, semblait immense également. Immense, et froid. Une épaisse couche de brume le recouvrait. Rien ne semblait pouvoir perturber cet instant.

A quelques dizaines de mètres du lac, on pouvait apercevoir une silhouette se dessiner. Pas trop grande, ni trop petite, plutôt mince. C'était un loup. Enfin, une louve plus exactement. Evydence venait d'arriver sur ces terres et commençait à peine à prendre ses marques. Elle avait décidé d'explorer chaque endroit de chaque territoire afin de se familiariser avec tous ces paysages très différents les uns des autres. Elle était très matinale pour être sûre de ne pas être dérangée. Elle n'était pas vraiment d'humeur à ce qu'on lui tienne compagnie.
Elle marchait lentement, appréciant pleinement le contact entre le sol glacé et ses membres. Elle regardait à droite, à gauche, parfois derrière mais gardait son regard la plupart du temps braqué devant elle. Elle restait très attentive à chaque bruit, afin d'être sûre de ne pas être surprise. Comme chaque matin, elle repensait à sa mère. Sa mère, ses frères, la scène à laquelle elle avait assisté avec effroi. Elle en avait des frissons à chaque fois.

Elle s'approchait d'abord prudemment du lac, laissant sa truffe aller frôler le sol par moment pour s'assurer qu'elle était bien seule. Et une fois arrivée au bord du point d'eau, elle en fit le tour doucement, traînant parfois les pattes au bord de l'eau. Elle était froide, très froide. Tellement froide qu'à son contact, tous les muscles de la louve se crispaient. Elle semblait aimer cette sensation, puisqu'elle recommença plusieurs fois. Au bout d'un certain moments, elle se stoppa net et se pencha pour se rafraîchir. Elle n'avait encore rien mangé depuis son arrivée et cela faisait déjà quelques jours qu'elle errait à droite et à gauche sans mettre la patte sur quoi que se soit. Elle essayait de combler ce manque en buvant énormément, mais elle savait très bien que si elle ne mangeait rien dans les prochaines heures, elle risquait d'en payer le prix fort. Lorsqu'elle se redressa, elle observa son reflet quelques instants. Elle ressemblait beaucoup à sa mère... Enfin, elle ressemblait au souvenir qu'elle avait d'elle.
Soudainement, son reflet se troubla et d'autres commencèrent à se dessiner. Elle était assez intriguée, se retourna plusieurs fois pour essayer de comprendre. Dans l'eau, on pouvait maintenant apercevoir une louve étendue sur le sol, près de deux cadavres de louvards. Et du sang, beaucoup de sang. C'était sa mère, ses frères.. Evy fit un bon en arrière, étourdit par ce qu'elle venait de voir. Mais elle essaya de ne pas trop y réfléchir, c'était surement son imagination qui lui jouait encore un tour...

[sorry c'un peu baclé, j'ai du recommencer 3fois ._.]

Le devoir m'appela très tôt ce matin. A peine avais-je ouvert les yeux que les ordres commençaient déjà à fuser. J'entendis tout d'abord des aboiements venant de mes supérieurs. Au départ, ils n'étaient que des bruits de fond et confus qui résonnaient dans ma tête. Mais, n'étant pas vraiment éveillé, je ne pus comprendre les moindre consignes qu'on me grondait. Mes yeux se faisaient très lourds, comme si j'avais deux bisons qui pesaient sur mes paupières. Impossible de trouver la force qui me permettrait de les ouvrir. L'espace d'un instant, je crus qu'ils étaient collés et que je ne pourrai plus jamais voir la vie. Comme si on avait étalé de la glue de mon visage pendant que je dormais. Si on supposait pouvoir trouver de la glue dans les environs bien sûr... Je sus qu'il s'agissait de mes supérieurs lorsqu'un violent grognement vint me percer les tympans et me décoller les yeux. Dès cet instant, je compris que je ne pouvais plus trainer au chaud dans la tanière, mais qu'il était temps de se mettre au travail. Je rassemblai alors toutes mes forces et me dressai sur mes pattes, en prenant rapidement la peine de m'étirer les membres. Je déteste me sentir coincé ou bien engourdi lors de mon réveil, c'est une sensation que je ne peux supporter. Je sortis le bout de mon museau noir saupoudré de blanc de la tanière. Le soleil, au départ, m'agressa sauvagement les pupilles mais je m'habituai au bout de quelques minutes. J'extirpai complètement mon corps du repère pour aller recevoir les instructions du jour. Une odeur inconnue de la meute aurait été captée à l'aube, à l'entrée de nos terres. Ma mission était de me rendre à l'endroit en question et de mettre cet intrus dehors. Un petit sourire pointa sur mes lèvres, disant que j'exécuterai avec plaisir cette tâche qu'on m'avait confié. Je partis donc vers le lieu qu'on m'avait indiqué. Par malchance, il fallait que je me rende à l'autre bout des terres Opales. La frontière concernée était la plus éloignée. Je dus accélérer l'allure pour y arriver le plus rapidement possible. Je courus, courus, courus aussi vite que je pouvais pour ne pas rater ce trouble fête qui avait osé franchir nos limites. J'arrivai, essoufflé, au point indiqué. Mais il n'y avait personne en vue. Tout en haletant, je scrutais les alentours, reniflais l'air, écoutais le moindre petit craquement de brindille. Un écureuil passa devant moi mais sinon, il n'y avait personne d'autre. Un véritable désert. Super... J'avais fait tout ce chemin pour rien... Je reconnais que c'est mon travail mais je ne pus empêcher cette petite once d'énervement de monter en moi.

Je fis un bref tour des frontières du coin avant de retrouver le reste de la meute. Pendant ma ronde, je passai près des terres Diamants. La meute pacifique. Je n'avais pas réellement la permission d'y pénétrer mais la vision de ce lac au loin ne fait qu'accroître ma curiosité et ma soif. En effet, depuis ma course effrénée, je n'avais pas trouvé de point d'eau où m'abreuver et ce grand lac tombait à point nommé ! Rien que la pensée de sentir cette eau fraiche et délicieuse couler dans ma gorge me faisait avancer vers le territoire de la meute voisine. Aller, rien qu'une minute et je repars. Je trottinai avec entrain et détermination, les yeux rivés droit devant moi, vers ces impressionnants reflets qui flottaient sur le lac. Ce fut avec satisfaction que j'arrivai au bord de la berge. Je m'assis et bus à grosses gorgées. Qu'est-ce que c'est délicieux... Je sentais mon ventre, qui touchait le sol, se remplir de fraicheur. Ma gorge asséchée reprit vie et mon souffle rauque redevint normal. Je redressai la tête et me léchai les babines, encore humide. C'est alors que je me rendis compte de la présence d'un autre canidé au bord du lac. L'animal était blanc, sa silhouette fine et elle contemplait les eaux, tout en sursautant. Attitude curieuse... J'avais entendu parlé d'un lac pouvant refléter nos souvenirs les mieux enfouis mais je n'ai jamais cru à de telles histoires. J'inclinai la tête sur le côté, observant le loup blanc qui était en fait une louve blanche. Je lui lançai, de ma voix un peu moqueuse et sournoise.

- On a peur des poissons ?

Je souris, toujours un peu moqueur, comme à mon habitude. Peut être que cette louve était Diamant. C'était fort possible mais je ne me préoccupais pas de cela pour le moment.

Un lourd silence pesait sur le lac, entre cette louve et moi-même. Elle semblait perdue, plongée, enfoncée dans ses pensées. Comme si ses songes formaient, une fois assemblés, une épaisse marais dont il lui était très délicat de s'en dépêtrer. Un énorme sac de nœuds, plein de fils entremêlés et elle, attachée de toutes parts dans cette grande toile de ficelles. Comme quoi, revivre ses souvenirs peut être fatal et extrêmement perturbant. Mais cela dépend de la personne qui se retrouve en face de l'eau, en face du reflet de son passé. Nous avons un bel exemple devant nous : la blanchette était troublée, surprise et étonnée alors que moi, je ne vis rien, simplement mon visage et mes yeux clairs à la surface de l'eau. Je n'ai pas eu vraiment le temps de me replonger dans le fond de mes souvenirs, juste de satisfaire ma soif. Mais, je ne suis pas du genre à rester figé dans le passé. Nous ne pouvons que préparer le demain, pas le hier. Mieux vaut profiter et vivre la vie que demain peut nous apporter, plutôt que de se remémorer ce qu'il nous ait arrivés la veille. Je n'ai pas eu la vie rêvée par tout le monde mais, il est impossible de le changer à présent. Mais la plupart des loups ne peut se détacher de leur vie d'autrefois, de ce qu'ils ont vécu jadis. Rester figé dans le passé ne sert strictement à rien pour moi. Ou peut être à prouver aux autres que nous ne possédons pas la force de relever la tête et d'avancer. Mais ce n'est que mon point de vue.

Je dois vous dire que je n'attendais pas forcément de réponse de la louve. Ce n'était pas mon unique intérêt mais c'était la moindre des politesses d'attendre qu'on nous réponde avant de se retirer. Lorsqu'elle aura conclu la conversation, je repartirais vers mes terres, pour recevoir mes prochaines instructions. Après tout, je n'avais fait halte ici que pour m'abreuver, pas pour faire causette avec les premiers bouts de museaux qui se pointaient. Mais j'ai beau être détestable, je ne suis pas pour autant mal élevé. Ne croyez pas que je serais facilement attendri par ses beaux yeux, ceci est une simple question de principe. Malgré la vulgaire éducation dont j'ai pu être l'objet, j'ai gardé quelques lambeaux de politesse et de savoir vivre. Enfin, le savoir vivre, je me le réserve volontiers pour certaines occasions. D'ailleurs, je ne pus m'empêcher de ricaner intérieurement lorsqu'elle m'adressa la parole. Et une phrase sortit presque automatiquement de ma bouche.

- Je n'osais le dire...

Je souris, encore et toujours un peu moqueur. Répétitif sûrement mais je suis comme cela. Ne vous étonnez pas. Je toussota et repris, tout en continuant de sourire.

- Vous dérangeais-je ?

Si elle me répondait oui, j'aurais une raison de plus de reprendre mes fonctions sur les terres Opales et de laisser cette louve vaquer à ses occupations de... louve qui a peur de son reflet.

Je voyais bien dans ses yeux qu'elle n'acceptait pas bien les propos que je tenais vis-à-vis d'elle. Ceci de ne surprenais que très peu, je pourrais même dire pas du tout. N'importe quel loup normalement constitué aurait sans nul doute réagi de la même façon, du moins c'est ce que je pense. Il n'est pas obligatoire de montrer sa contrariété mais tout le monde éprouverait ce petit sentiment d'agacement ou de mécontentement. C'est en quelque sorte systématique. Ce doit être une question d'amour propre, ou alors de patience très limitée. Ou encore d'intolérance ou... Très bien je vais m'arrêter à ce stade, même si j'ai encore plusieurs idées qui me viennent à l'esprit. Dans le cas de cette blanche, je parierai plutôt sur un mélange de fierté et d'intolérance. La fierté l'empêche de répliquer à une vulgaire provocation, elle doit se sentir au-dessus de cela et l'intolérance la pousse à prendre négativement ce que je dis. Je l'aurais certainement imitée si la situation avait été inversée. Quoique si j'avais été la victime de tels dires, mon interlocuteur aurait eu droit à quelques remontrances, voir même à quelques gestes bien placés. On dit que violence n'est pas solution à tout. C'est vrai. Il faut juste savoir l'employer comme il faut.

Mes yeux jaune pâle détaillaient soigneusement la louve. Chétive mais elle semblait forte à l'intérieur. J'en vins donc à me dire qu'elle ne devait pas être Diamant car ceci sont plutôt des exemples de tendresse et de joie. Or, la blanche n'avait pas l'air aussi douce que cette meute. Trop froide pour être Saphir et trop calme pour faire partie des Rubis. Je ne me rappelle pas de l'avoir comptée parmi les Opales donc, par élimination, j'en déduis qu'elle doit être une louve Solitaire, errante. Elle devait juste vagabonder dans les parages et non accomplir une mission ou tache qu'on lui aurait attribuée. Même si je ne souriais pas forcément pour cela, je n'en pensais pas moins. Pourquoi ? Tout simplement car j'ai moins de chance de me retrouver avec une meute toute entière sur le dos. Étant un peu plus serein, je contemplai les eaux calmes du lac. Le vent était relativement plat et les reflets que je pouvais percevoir restaient particulièrement immobile. J'inspirai à fond, observant l'étendue d'eau. J'en oubliais presque la présence de la Solitaire blanche. Une question subsistait dans mon esprit et je ne pus m'empêcher de la dire.

- Le passé est-il vraiment visible ici ?

Cette question est étrange, je le sais mais j'ai entendu tellement de rumeurs sur ce lieu que je ne sais plus très bien quoi penser. Surtout quand je vois la réaction de certains quand ils sont face à ses eaux mystérieuses...